La proposition des citoyens de ne plus prendre en compte la puissance des véhicules dans le calcul des frais kilométriques a suscité une levée de bouclier lors de l'examen du projet de loi de finances 2021 en commission.
Citoyens contre représentants, tirage au sort contre élection : l'irruption des mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat (CCC) dans le débat public suscite des réactions épidermiques au sein de l'Assemblée nationale. Jeudi, lors de l'examen par la commission des finances du budget du pays pour l'année prochaine, une proposition en particulier a fait sortir de ses gonds Charles de Courson :
Des personnes sans aucune compétence tirées au sort ont sorti toute une série de propositions, qui sortent d'où ? (...) [De] pseudo-experts, qui ont fait enfiler les perles à la Convention citoyenne et qui nous sortent des bêtises comme cela. (...) C'est une insulte à la démocratie ! Charles de Courson, le 7 octobre 2020
La cause de ce coup de gueule de l'élu "Libertés et Territoires" ? La proposition d'une réforme de l'indemnité kilométrique. Ce dispositif permet actuellement au contribuable de déduire dans le calcul de son impôt sur le revenu ses frais de déplacement, en fonction de la distance parcourue chaque année et de la puissance de son véhicule. Dans une de leur 149 mesures, les citoyens préconisent de ne plus prendre en compte ce dernier point, "qui avantage aujourd’hui les voitures puissantes".
Au nom de la commission du développement durable, Jean-Marc Zulesi (LaREM) a défendu un amendement reprenant tel quel cet objectif : "Le barème ne serait plus fonction de la puissance des véhicules mais simplement de la distance parcourue", a expliqué le député.
L'amendement a reçu la nette opposition du rapporteur général du Budget, Laurent Saint-Martin (LaREM). Selon lui, une personne qui gagne 30 000 euros par an et qui utilise son véhicule pour travailler tous les jours, comme "une infirmière", pourrait voir son imposition grimper de "635 euros". "Je trouve que ce n'est pas acceptable", conclut-il.
"Cela montre que toutes ces proposition n'ont jamais été étudiées ! (...) Je ne sais pas s'il y avait un seul représentant de commerce à la Convention, (...) mais vous les ruinez, vous les tuez", a aussi réagi Charles de Courson après les calculs du rapporteur général.
Julien Aubert (Les Républicains) est venu appuyer la charge contre les résultats de la démocratie participative : "Ce ne sont pas les citoyens qui sont en cause, mais il faut voir qui les a encadrés. C'est certain que quand vous avez des personnes très politisées, très orientées qui ont tous fait leur début de carrière politique dans le même parti, sans donner de précision, à la fin vous arrivez à des solutions que nous combattons depuis des années", a critiqué l'élu. Sans toutefois préciser le parti (écologiste ?) qu'il avait en tête.
Alors que le projet de loi destiné à reprendre l'essentiel du travail des citoyens n'est pas attendu au mieux avant l'année prochaine, Bénédicte Peyrol (LaREM) a tenté de modérer l'ardeur de ses collègues :
C'était un exercice démocratique nouveau, (...) le Parlement est là justement pour discuter des propositions qui sont faites, cela ne veut pas dire reprendre texto tout ce qui a été proposé. Bénédicte Peyrol, le 7 octobre 2020
Soumettre l'essentiel des propositions de la CCC au Parlement est une promesse d'Emmanuel Macron, qui a néanmoins rapidement écarté au moins trois des propositions citoyennes, comme la limitation à 110 km/h de la vitesse sur autoroute.
Les députés et les 150 citoyens de la Convention ne divergent cependant pas toujours : la commission des finances a ainsi adopté un amendement prévoyant de faire passer de 400 à 500 euros le montant du récent forfait mobilités durables. Un coup de pouce aux déplacements propres préconisé dans le rapport final des Français tirés au sort.