Les députés de la mission d'information parlementaire ont dévoilé, jeudi 13 février, leurs propositions à la suite de la catastrophe de l'usine Lubrizol, à Rouen, qui a vu partir en fumées plus de 9 000 tonnes de produits sur le site de l'usine de lubrifiants industriels et chez son voisin "Normandie Logistique". Le rapport parlementaire s'est concentré sur la nécessité d'améliorer la communication à destination des populations, souvent méfiantes vis-à-vis de la communication institutionnelle, lors des catastrophes industrielles.
L'incendie de Lubrizol, son nuage noir, sa puanteur, et la panique qu'ils ont semé dans l'agglomération rouennaise doit servir de leçons aux autorités publiques. En septembre dernier, cet événement a été marqué par une importante défiance de la population, malgré les messages rassurants de la préfecture et des ministères. Un peu moins de cinq mois plus tard, et alors que le Sénat n'achèvera qu'en avril sa commission d'enquête, la ministre Elisabeth Borne et le député La République en Marche Damien Adam, rapporteur de la mission d'information de l'Assemblée, ont dévoilé leurs propositions à deux jours d'intervalle pour que ne se reproduise plus en France une telle situation.
Pour endiguer la défiance, et susciter la confiance des citoyens en cas d'accident majeur, le rapporteur Damien Adam souhaite améliorer la communication préfectorale par l'accompagnement "d'une cellule de communication de crise" nationale afin de "lui permettre de traduire les messages techniques de ses services en messages intelligibles par la population", explique le député de Seine-Maritime. Une référence à peine voilée au préfet Pierre-André Durand qui, deux jours après le sinistre, avait assuré constater "un état habituel de la qualité de l’air". Un message incompris par beaucoup d'habitants, alors qu'une odeur pestilentielle perdurait dans certains quartiers de Rouen.
Autre idée concrète, suggérée par les députés, transcrire enfin, d'ici à 2022, la directive européenne de mise en place de la technologie dite du 'cell broadcast' (diffusion cellulaire) qui permet de diffuser un message à l’ensemble des téléphones portables situés dans une zone géographique. Plus besoin d'une application ou d'une connexion Internet, comme la défunte application SAIP lancée en 2016 à la suite des attentats et abandonnée deux ans plus tard, seul un téléphone portable connecté au réseau serait nécessaire.
Avantage supplémentaire, outre le fait que cette technologie ne nécessite pas de smartphone, elle ne provoque aucune surcharge réseau. Son affichage sur le téléphone est également différent d'un simple SMS ou appel, un dispositif déjà très utilisé aux Etats-Unis (pour prévenir notamment de l'apparition de tornades) et dans d'autres pays de l'UE. Une bonne façon de moderniser l'actuelle sirène d'alerte aux populations – qui se rappelle au bon souvenir des citoyens chaque premier mercredi du mois – et ne précise guère le motif de son retentissement. Le rapporteur La République en Marche plaide aussi en faveur du développement "d'une culture du risque" chez les Français pour "qu'ils aient une connaissance des comportements à avoir en cas de situation à risque".
Devançant les députés, la ministre de la Transition écologique et solidaire a dévoilé mardi son plan d'action qui comprend, notamment, la création d'un "bureau enquête accident risques industriels indépendant (BEA-RI)" – à l'image du BEA des catastrophes aériennes – et promis une hausse de "50%" des inspections d'ici la fin du quinquennat. "Chaque accident majeur doit être systématiquement pris en compte (...) pour réduire les risques et pour mieux gérer les crises lorsqu'elles surviennent", avait ainsi assuré la ministre de la Transition écologique et solidaire lors des Questions au gouvernement.
Les députés de la mission d'information parlementaire, qui a été présidée par le député socialiste de Seine-Maritime Christophe Bouillon, demandent eux "de renforcer au global" les contrôles à destination des autres sites industriels, hors Seveso, une façon de répondre au risque "de l'effet domino" provoqué par des départs de feu chez des entreprises mitoyennes de sites à risque. Si la justice n'a pas encore déterminé les responsabilités de chacun dans l'incendie de l'usine Lubrizol, les regards se sont néanmoins aussi tournés vers l'entreprise Normandie Logistique, dont une partie des entrepôts a également brûlé dans l'incendie.
Quarante-quatre ans après la catastrophe de Seveso, du nom de cette petite ville italienne de Lombardie touchée par un nuage d'herbicides de soude et de dioxine, la question de l'amélioration de l'information et de la gestion de crise des activités industrielles en milieu urbain restent encore d'actualité.