Dans un hémicycle unanime, le cœur de la proposition de loi sur l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique a été adoptée en première lecture mardi soir. Elle ouvre à 60 bassins d'emploi la possibilité de devenir des territoires zéro chômeurs de longue durée, où les prestations sociales servent à financer des contrats de travail.
Une prolongation mais pas de généralisation. Le nombre de territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), expérimentés depuis 2016 un peu partout en France, va passer de 10 à 60. C'est le compromis qu'ont voté les députés mardi soir, fruit des discussions entre la majorité et le gouvernement, et malgré les demandes multiples des oppositions d'aller plus loin dans le déplafonnement. "On saura aller plus loin dans deux ou trois ans", a néanmoins concédé la ministre du Travail, Elisabeth Borne, au terme d'un long échange entre les bancs de la gauche et l'exécutif.
30 puis 40 et maintenant 60, les enchères n'ont en effet cessé de monter entre la préparation du texte, le travail en commission et le vote en hémicycle. Il faut dire que le dispositif TZCLD, mis en place unanimement sous le quinquennat précédent, a plutôt fait ses preuves en créant près de 1 000 emplois depuis 2016.
Grâce à cette expérimentation, les personnes longtemps privées d'emploi - au chômage voire sorties des radars - sont salariées au sein de structures ad hoc (des entreprises à but d'emploi) grâce à la transformation de leurs prestations sociales en revenu d'activité. Un financement public qui représenterait de 18 000 à 26 000 euros par an et par emploi selon les estimations, dans des secteurs qui ne viennent pas concurrencer les entreprises présentes dans les bassins d'emplois concernés. Plus l'activité monte en puissance, moins la subvention versée est importante jusqu'à l'éventuelle embauche durable du salarié.
Mais selon le comité scientifique associé au projet, des améliorations et de nouvelles données sont encore nécessaires avant de généraliser l'initiative "zéro chômeur" à toute la France. Aussi les experts ont préconisé une extension de l'expérimentation à une "échelle raisonnable", expression qui a été diversement interprétée selon la couleur politique des orateurs.
À gauche comme à droite de l'hémicycle, des voix ont réclamé le déplafonnement de l'expérimentation, au moins jusque 120 projets. À l'instar de Boris Vallaud (PS) : "Il y a 120 territoires qui se préparent, (...) et ce sont ceux-là que vous allez décourager ? Je demande à mes collègues qui ont un territoire prêt chez eux : sont-ils prêts à être le soixante-et-unième ?"
"Je sais qu'il y aura des frustrations, bien sûr, mais on n'est pas en généralisation. (...) On sait pertinemment qu'il n'y en a pas 120 projets qui sont matures", a justifié la rapporteure Marie-Christine Verdier-Jouclas (LaREM), qui a appelé ses collègues à voter "sans regrets" ce nouveau plafond.
Très débattue en commission, la création expérimentale d'un nouveau contrat de travail, baptisé CDI renforcé, a été supprimé de la loi par un amendement de la majorité, en accord avec le gouvernement. Destiné aux moins de 30 ans, aux bénéficiaires du RSA et aux chômeurs de longue durée, ce contrat permettait à l'employeur de toucher "une allocation mensuelle" de la part de Pôle emploi, équivalente à la rémunération du salarié embauché.
"Cela ne signifiera pas que cette expérimentation ne se déroulera pas", a toutefois précisé Brigitte Klinkert, ministre déléguée du Travail. "Nous n'avons pas besoin de la loi pour lancer cette expérimentation", a confirmé Didier Baichère (LaREM). Des explications qui laissent Pierre Dharréville (GDR) dubitatif. Selon le député communiste, le monde associatif craint une "concurrence" entre ce genre de contrat et le rôle des entreprises d'insertion : "Vous nous dîtes on l'enlève mais on va le faire quand même, ça ne peut pas nous rassurer !"
Pour l'exécutif, il s'agit avant tout de créer les conditions pour tenir la promesse de 100 000 embauches dans les structures par l'insertion économique. Le gouvernement a d'ailleurs à ce titre fait voter la possibilité pour ces structures de "mettre à disposition" des salariés plusieurs mois dans une entreprise. Un "contrat passerelle" qui peut se traduire par l'embauche durable de la personne ou son retour dans le monde de l'insertion. Objectif affiché par l'exécutif : faciliter l'accès au CDI pour 5000 salariés d'ici à 2022.
Autant d'"outils modestes et efficaces", selon les mots de Paul Christophe (Agir ensemble), pour tenter de résorber un chômage qui a grimpé en flèche avec la crise sanitaire. Il pourrait atteindre plus de 11% à la fin de l'année, avant d'entamer sa décrue en 2021 selon les dernières estimations de la Banque de France.
Malgré les divergences exprimées, l'unanimité a prévalu lors du vote sur l'ensemble du texte jeudi, comme en 2015 lors de la première loi "zéro chômeur".
Le texte sur l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique a été adopté à l'unanimité en 1re lecture. Il étend l'expérimentation "zéro chômeur" à 60 territoires et crée un "contrat passerelle" pour faciliter l'embauche en entreprisehttps://t.co/Bzsabt5pTh #DirectAN #TZCLD pic.twitter.com/L4K0awBKsj
— LCP (@LCP) September 16, 2020