Les députés se sont attelés, lundi 30 novembre, à l’examen en séance publique de la proposition de loi "visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification". Le texte se veut la traduction législative des conclusions du Ségur de la Santé avec pour objectif de "poursuivre la modernisation du système de santé et améliorer le quotidien des soignants ainsi que la prise en charge des patients".
La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a plus que jamais braqué tous les projecteurs sur l’hôpital et les fragilités du système de santé. La grande consultation impulsée par l’exécutif et baptisée "Ségur de la Santé" s’est voulue une réponse historique afin d’armer le secteur de la santé dans la lutte contre l’épidémie. Les mesures, présentées en juillet dernier, visaient à revaloriser la profession de soignant et à favoriser l’attractivité et la réactivité de l’hôpital public en y investissant 19 milliards d’euros.
La proposition de loi portée par Stéphanie Rist (LaREM), a pour but affiché de concrétiser les objectifs non-budgétaires du Ségur (les mesures chiffrées ayant été traitées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale), et contient des dispositions aussi diverses que l’évolution des métiers de sage-femme et de masseur-kinésithérapeute, la fin des abus de l'intérim médical, ou encore la simplification des démarches pour les personnes en situation de handicap via une plateforme numérique nationale.
L’article 1er (et phare) du texte, présenté en commission la semaine précédant l’examen en séance, prévoyait initialement la création d’une "profession médicale intermédiaire", au niveau de diplôme situé entre ceux des praticiens et des infirmiers. Alors que l’Ordre des médecins et les syndicats des médecins libéraux, évoquant notamment l'émergence de "sous-médecins" et la résurgence des "officiers de santé", ont manifesté leur volonté de voir cet article retiré, ce dernier s’est mué en une demande de rapport auprès du gouvernement sur "l'état de mise en oeuvre des protocoles de coopération des pratiques avancées", comme l'a rappelé la rapporteure à la tribune. À noter que la "pratique avancée" a été instaurée en 2016 avec la loi de modernisation du système de santé, et qu'elle permet à des personnels paramédicaux d'élargir le champ de leurs compétences.
Par ailleurs, face à l’opposition des directeurs d’hôpitaux, l’article 7, qui prévoyait qu’un établissement public sans direction assume une "direction commune" avec l'hôpital de référence de son territoire, a également été révisé afin d’y retirer le caractère de systématicité en promouvant une concertation au cas par cas avec les élus locaux.
Le texte formule également la possibilité pour les sages-femmes de prescrire des arrêts de travail au-delà de la limite actuelle de quinze jours. Autre innovation, le texte issu de la commission proposait qu'elles puissent pratiquer des IVG chirurgicales jusqu'à la dixième semaine de grossesse, prolongeant ainsi le travail transpartisan sur le renforcement du droit à l'avortement effectué au cours des derniers mois par les parlementaires. Enfin, il préconise que les sages-femmes aient la possibilité de prescrire aux patientes, mais aussi à leurs partenaires, le dépistage ainsi que les traitements pour les infections sexuellement transmissibles (IST).
Présent dans l'hémicycle, le ministre de la Santé est revenu sur le Ségur. "Des revalorisations sans précédent ont été signées, elles profiteront à l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux de l'hôpital (...) Dès ce mois de décembre c'est 183 euros nets de plus par mois pour près de deux millions de soignants". Il a également déclaré : "la proposition de loi initiée par la députée Stéphanie Rist est l'occasion de cette rencontre entre le Parlement et la délibération du Ségur de la Santé. Ce texte doit permettre au Parlement d'affiner, de préciser, de renforcer les engagements qui ont été pris cet été".
Et c'est pour cette même raison que le groupe "Socialistes et apparentés" a déposé une motion de rejet préalable sur l'ensemble du texte. "En réalité cette proposition de loi vise à concrétiser les choix du gouvernement", a ainsi justifié la présidente Valérie Rabault, "mais en laissant l'initiative parlementaire, le gouvernement s'est dans le même temps soustrait à deux obligations : celle d'avoir un avis du Conseil d'Etat sur le texte, et celle d'avoir une étude d'impact". Valérie Rabault a également déploré l'absence de "fil conducteur" du texte, "assemblage de mesures qui manquent d'articulation". Fait notable, les groupes de "La France insoumise" et de la "Gauche démocrate et républicaine", rejoints par "Les Républicains", ont souhaité s'associer à cette motion de rejet. Une alliance qui n'a cependant pas suffi à ce qu'elle soit approuvée.
L'examen de la proposition de loi a donc pu se poursuivre avec l'adoption de l'article 1er et du 1er bis - sur les protocoles locaux de coopération à l'initiative de professionnels de santé -, et des articles 2 et 2 bis sur l'élargissement des prérogatives des sages-femmes en matière de prescriptions d'arrêts maladie. En revanche, Olivier Véran a soutenu un amendement de suppression de l'article 2 ter, contre l'avis de la rapporteure, sur la réalisation d'IVG instrumentales jusqu'à la dixième semaine, le ministre s'étant prononcé en faveur de ce principe mais arguant de la redondance avec l'expérimentation déjà votée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette suppression, soutenue par les bancs de la droite, a probablement constitué la surprise de la soirée. L'article 2 quater, touchant aux prescriptions liées aux IST, a quant à lui été adopté. S'adressant aux députés, le ministre de la Santé s'est félicité : "en l'espace d'une heure de débats parlementaires, vous avez boosté le rôle et les missions des sages-femmes comme cela n'avait pas été fait depuis plus de dix ans".
La discussion sur le texte reprendra mardi après-midi à l'issue de la séance de questions au gouvernement.