La cheffe de l'Inspection générale de la police nationale et le chef de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale ont été auditionnés, mercredi 12 juillet, par la commission des lois de l'Assemblée. Agnès Thibault-Lecuivre (IGPN) et Alain Pidoux (IGGN) se sont notamment inscrits en faux contre toute idée d'"impunité" au sein de la police et de la gendarmerie.
L'audition était prévue dans le cadre de la mission de contrôle de l'Assemblée nationale avant la mort du jeune Nahel à Nanterre et les émeutes qui ont eu lieu au cours des jours suivants. Ces récents évènements étaient cependant dans toutes les têtes, lors de l'audition de la cheffe de l'Inspection générale de la police nationale et du chef de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale, mercredi 12 juillet, par la commission des lois du Palais-Bourbon.
Tour à tour, la directrice Agnès Thibault-Lecuivre (IGPN) et le général Alain Pidoux (IGGN) ont expliqué et défendu le rôle nécessaire joué par leurs services dans les relations entre forces de l'ordre et population, avec un objectif de transparence concernant l'exercice de leurs missions par les policiers et les gendarmes. L'IGPN "ambitionne d'œuvrer au rapprochement de la police et des usagers", a ainsi déclaré Agnès Thibault-Lecuivre, première magistrate à avoir été nommée à tête de cette instance. "Le cœur du sujet porte sur le lien de confiance entre les forces de sécurité intérieure et nos concitoyens", a complété le général Alain Pidoux.
Une confiance qui repose sur deux exigences : l'exemplarité des forces de l'ordre et la sanction de ceux qui peuvent notamment se rendre coupables de violences illégitimes. "Il n'y a pas d'impunité. Les sanctions sont effectives", a insisté le chef de l'IGGN, en réponse aux doutes soulevés par Jean-François Coulomme (La France insoumise) et Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine). Alain Pidoux estime que le système existant est fonctionnel, sans qu'il soit nécessaire d'y apporter des modifications. "Par pitié, veillez à ne pas compliquer l'action des enquêteurs", a-t-il demandé.
Au cours de l'audition, les responsables des Inspections générales ont actualisé le nombre de procédures judiciaires ouvertes à l'encontre de membres des forces de l'ordre depuis la mort de Nahel et les émeutes des jours suivants. Agnès Thibault-Lecuivre a fait part de 21 procédures, "de gravité et de nature très différentes", tandis qu'Alain Pidoux a évoqué une enquête portant sur un tir de LBD par un gendarme, soit un total de 22 procédures.
Pour rappel, l'IGPN et l'IGGN n'ont pas la faculté de sanctionner eux-mêmes les policiers et les gendarmes. Ils peuvent en revanche soumettre au ministère de l'Intérieur la sanction disciplinaire qu'ils jugent la plus adaptée. En 2002, l'IGPN a été saisie par la justice de 1 065 enquêtes judiciaires, et a ouvert 192 enquêtes administratives. L'IGGN a pour sa part conduit 783 enquêtes judiciaires.
Sans faire directement référence à Nahel, les deux responsables ont été interrogés sur les refus d'obtempérer. "En 2022, nous avons eu 13 morts liés à des tirs sur des véhicules en mouvement, et nécessairement ça interroge", a reconnu Agnès Thibault-Lecuivre. Tout en évoquant le régime "très strict" prévu par la loi de 2017 qui a notamment réformé les règles d'usage de leur arme de service par les policiers. Le président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance), a fait savoir que le lancement d'une mission d'évaluation sur ce sujet sera mis à l'étude après la rentrée prochaine.
Côté gendarmerie, quelque 30 tirs ont été recensés lors de refus d'obtempérer, sans faire de mort. "30 tirs pratiquement inutiles", selon le général Pidoux. "Vous n'arrêtez pas un véhicule avec une arme à feu" a-t-il expliqué, avant de souligner : "Quand vous êtes en danger, que l'on fonce sur vous, que le gendarme sauve sa vie ou celle de son camarade, c'est normal. on appelle ça de la légitime défense et c'est le code pénal qui s'applique."
Un autre événement marquant a été évoqué au cours de l'audition : la manifestation interdite du 25 mars à Sainte-Soline, contre les mégabassines, lors de laquelle l'action des forces de l'ordre a été vivement critiqué dans un rapport publié le 10 juillet par la Ligue des droits de l'Homme (LDH). Ce document "tente de réécrire l'histoire en faisant passer les gendarmes pour des guerriers factieux, surarmés, prêts à s'acharner violemment sur de gentils manifestants écologistes et pacifiques", a cinglé Edwige Diaz (Rassemblement national).
Moins offensif, le chef de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale a cependant fait part de son étonnement de voir un rapport de 164 pages compilé aussi rapidement sur un tel événement. Au total, quatre enquêtes ont été ouvertes par l'IGGN, a-t-il précisé, tandis que des "heures de vidéos" ont été saisies. "Nous n'avons pas vu une image d'un gendarme bloquant une ambulance", a-t-il indiqué, alors qu'une polémique a éclaté sur la possibilité pour le Samu de secourir les blessés lors de la manifestation. "En revanche, j'ai vu des prospectus disant de ne pas aller voir les secours sur place. Et j'ai vu que la personne qui avait été la plus gravement blessée, Serge, avait été déplacée alors qu'il était blessé à la tête."
La commission des lois aura de nouveau l'occasion de se pencher sur la gestion de cette manifestation interdite. Une commission d'enquête parlementaire sur les groupuscules violents, dont les travaux portent notamment sur Sainte-Soline, est actuellement en cours à l'Assemblée. Par ailleurs, le président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance), a fait savoir qu'il souhaite renouveler chaque année l'audition de l'IGPN et de l'IGGN dans le cadre de la mission de contrôle du Parlement.