Législatives anticipées : trois recours déposés devant le Conseil constitutionnel, le calendrier électoral mis en cause

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par Soizic BONVARLET, le Mercredi 12 juin 2024 à 19:40, mis à jour le Mercredi 12 juin 2024 à 22:20

Alors que le premier tour des élections législatives convoquées après la dissolution de l'Assemblée nationale aura lieu dans moins de trois semaines, deux recours ont été déposés devant le Conseil constitutionnel pour contester les délais d'organisation de ces élections. La France insoumise a, quant à elle, annoncé le dépôt d'un recours portant sur "le gel des listes électorales". 

Y aurait-il une faille dans la convocation des élections législatives anticipées prévues les 30 juin et 7 juillet prochains ? Deux recours visant le décret du 9 juin organisant le scrutin ont en tout cas été déposés, mardi 11 juin, auprès du Conseil Constitutionnel. Déposés par l'association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) et un avocat en droit public, Olivier Taoumi, ces recours contestent les délais d'organisation du scrutin. Le dépôt d'un troisième recours a, par ailleurs, été annoncé par La France insoumise, notamment "contre le gel des listes électorales"

Délais et "sincérité du scrutin"

Le recours de l'Adelico pointe deux difficultés : le délai très court pour les candidats afin de pouvoir se déclarer, ainsi que le laps de temps entre la dissolution de l’Assemblée nationale et le premier tour du scrutin. L'un des auteurs du recours, Jean-Baptiste Soufron, évoque "la mauvaise computation du délai de 20 jours pour les Français qui ne vivent pas en métropole car pour eux, il n’y aura pas 20 jours minimum mais seulement 19 jours pleins - un délai impératif fixé par l’article 12 de la Constitution". Cet article prévoit que les législatives "ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution".

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"Le choix d'organiser le premier tour le dimanche 30 juin porte gravement atteinte à la sincérité du scrutin", considère le recours de l'Adelico. Pour les Français établis à l'étranger, le vote par procuration et le vote électronique "ne peuvent pas être organisés dans des conditions de sécurité optimale" estiment, en outre, les auteurs du recours. l'avocat Olivier Taoumi argue, lui aussi, que le délai de 20 jours prévu par l'article 12 n'est pas respecté pour certaines régions et territoires d'Outre-mer, en Guyane et à Saint-Pierre-et Miquelon, notamment.

Les constitutionnalistes sceptiques sur les recours

"Il y a une chose qui est certaine, c'est qu'on est dans une campagne inédite en termes d'expédition", estime la maîtresse de conférences en droit public, Anne-Charlène Bezzina, qui rappelle cependant qu'en 1981, après l'élection de François Mitterrand, les délais avaient aussi été très courts - la dissolution ayant eu lieu le 22 mai et les élections les 14 juin et 21 juin -, et que les recours auprès du Conseil constitutionnel avaient tous été rejetés.

Elle considère donc que, cette fois encore, la Constitution est respectée dans son esprit, malgré une possible exception pour des Français résidant dans certains pays étrangers, ainsi que dans certains territoires d'outre-mer, en fonction des fuseaux horaires. "Les délais en outre-mer étant toujours raccourcis par rapport à la métropole, je ne suis pas sûre que le Conseil y voit une inégalité injustifiée ni une méconnaissance qui viole la Constitution", indique-t-elle auprès de LCP. Le professeur de droit public Julien Jeanneney et la constitutionnaliste Marie-Anne Cohendet, interrogés par FranceInfo, appliquent la même analyse. 

Quant au décret qui fixe la date limite des dépôts de candidatures au 16 juin, soit seulement deux semaines avant le scrutin, entrant en contradiction avec l'article du Code électoral selon lequel "les déclarations de candidatures doivent être déposées (...) au plus tard à 18 heures le quatrième vendredi précédant le jour du scrutin", Anne-Charlène Bezzina souligne que "la Constitution prime sur le code électoral". "On ne va pas très loin en prétendant qu'on viole la sincérité du débat en voulant aller vite", estime aussi la constitutionnaliste, qui relève en outre que, d'une certaine façon, les Jeux olympiques contraignent le calendrier. 

"Grave problème démocratique"

La France insoumise dénonce elle aussi la convocation des élections législatives "dans un délai record de trois semaines", mais également l'impossibilité de nouvelles inscriptions sur les listes électorales. Le décret de convocation dispose que "l'élection aura lieu à partir des listes électorales (...) extraites du répertoire électoral unique et à jour". "Cette décision du monarque présidentiel est un grave problème démocratique alors que notre pays compte 11 millions de gens non et mal-inscrits sur les listes électorales", indique aussi le communiqué de presse de LFI, évoquant "principalement des jeunes et des précaires". Et la présidente sortante du groupe La France insoumise à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, de conclure : "Macron veut une élection sans le peuple".

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"Je ne crois pas absolument pas à ce grief", balaie Anne-Charlène Bezzina, rappelant notamment que les citoyens qui auront 18 ans d'ici le premier tour seront automatiquement inscrits sur les listes électorales. Quant à l'association entre précarité et "mal-inscrits", elle considère en outre qu'il s'agit d'"une considération que le Conseil constitutionnel ne prendra pas en compte, n'ayant pas vocation à entrer dans des considérations de sociologie électorale". Si ce recours a, lui aussi, peu de chance d'aboutir, la constitutionnaliste fait cependant valoir que le "le buzz médiatique" qu'il génère lui permet de remplir pleinement sa fonction d'outil à vocation politique.