Députés et sénateurs vont tenter de trouver un accord, ce jeudi 21 juillet après-midi, sur une version commune du projet de loi de veille sanitaire contre le Covid-19. lors d'une commission mixte paritaire. Depuis les dernières élections législatives, l'équilibre des force en présence au sein de ce cénacle, où siègent sept élus de l'Assemblée nationale et sept élus du Sénat, a sensiblement évolué. Cette réunion, qui se tient à huis clos, sera un test quant à la capacité des deux Chambres à bâtir des compromis.
Quelles conséquences institutionnelles et politiques aura l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale ? La commission mixte paritaire (CMP) qui se réunit aujourd'hui permettra de mieux appréhender les nouveaux rapports de force au sein du Parlement après les élections législatives. Sous la Ve République, faute d'accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, ce sont les députés qui votent la loi en dernier ressort. La procédure parlementaire prévoit deux autres moyens d'entériner un texte : la navette parlementaire, qui suit son cours jusqu'à l'adoption d'une version commune entre les deux chambres. Ou la commission mixte paritaire, qui se réunit la plupart du temps après une ou deux lectures dans chaque Chambre, et dans laquelle sept députés et sept sénateurs sont chargés de rédiger un compromis, soumis ensuite à la validation de leurs pairs.
Ces CMP, dans le jargon parlementaire, font l'objet d'un compte-rendu mais ne sont pas filmées, ce qui permet, dans le dialogue favorisé par le huis clos, d'aboutir à des compromis politiques parfois inespérés. De fait, obtenir une CMP conclusive est plutôt chose courante, même quand l'Assemblée et le Sénat n'ont pas la même couleur politique. Par exemple, LCP relevait que sous les premières années du quinquennat d'Emmanuel Macron, les trois-quarts des projets et propositions de loi avaient été adoptés par des votes conformes lors de la navette parlementaire ou à l'issue d'une CMP. Les chiffres publiés par le Sénat pour 2021-2022 confirment ce ratio : sur 56 textes adoptés, 42,9% l'ont été en CMP, 39,3% par un vote conforme, et 17,9% seulement par un dernier mot de l'Assemblée nationale.
Si le compromis semble la règle, c'est que les sénateurs ont finalement intérêt à ne pas laisser les députés décider seuls de la loi, car cela peut revenir à annuler tout apport législatif de la Chambre haute. En jouant le compromis, le Sénat peut quant à lui revendiquer de peser sur les textes adoptés. Du côté de l'exécutif, une CMP conclusive est un gain de temps précieux qui permet d'éviter une deuxième, une troisième, voire parfois une quatrième lecture des textes au Parlement.
La nouvelle donne politique après les élections législatives permet au Sénat, où la droite est majoritaire depuis 2014, d'espérer peser davantage encore. Les Républicains et son allié centriste occupent 4 places en commission mixte paritaire (3 LR, 1 pour l'Union centriste), tandis que l'opposition sénatoriale en a 3 (2 PS, 1 RDPI-Renaissance). Du côté de l'Assemblée, la coalition présidentielle a perdu une place en CMP à la suite des dernières élections législatives et la perte de la majorité absolue. Si elle garde 4 représentants (3 Renaissance, 1 Démocrate-MoDem), les oppositions sont représentés par 1 RN, 1 LFI et 1 LR. A noter qu'à la suite des élections législatives, Les Républicains ont eux aussi perdu une place de titulaire au sein des CMP. Au final, l'addition des forces en présence montre que LR/Union centriste et Renaissance/Démocrate font jeu égal, avec 5 élus chacun.
Cette évolution du rapport de force ne devrait cependant pas révolutionner le jeu des CMP. Théoriquement, une coalition des oppositions peut mettre les élus de la coalition présidentielle en minorité, mais politiquement les convergences entre droite, gauche et extrême droite semblent plus improbables. En revanche, les sénateurs de droite, ainsi que leur collègue député, joueront un rôle plus stratégique que jamais pour faire aboutir rapidement les futures lois de l'exécutif, surtout que celui-ci ne dispose plus que d'une majorité relative à l'Assemblée.
À cet égard, le projet de loi de veille sanitaire, amputé de l'article sur le passe aux frontières par les députés des oppositions en première lecture, va être un test grandeur nature du nouvel équilibre en CMP. Jeudi à 14h, celle-ci va se réunir, alors que les sénateurs ont voté la possibilité de mettre en oeuvre un "certificat sanitaire de voyage" pour les Outre-mer, seulement si les hôpitaux sont saturés, et pour les échanges avec l'étranger, "si un nouveau variant constitue une menace sanitaire grave". De plus, le texte du Sénat prévoit que la Haute Autorité de Santé pourra être saisie pour statuer sur réintégration des soignants non-vaccinés "dès que la situation sanitaire ne justifierait plus une telle obligation". A charge pour les députés et sénateurs de la CMP de s'accorder sur une version commune. Dans le cas contraire, la navette législative reprendra son cours.