Le Parlement adopte définitivement un texte privant un époux meurtrier de son conjoint de tout avantage matrimonial

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Perrine Goulet
Perrine Goulet présente la proposition de loi "justice patrimoniale au sein de la famille" dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. LCP
par Adèle Daumas, le Jeudi 23 mai 2024 à 16:05, mis à jour le Jeudi 23 mai 2024 à 16:30

À l'unanimité, les députés ont définitivement adopté la proposition de loi visant à "assurer une justice patrimoniale au sein de la famille". Porté par le groupe Démocrate, le texte a pour objectif de corriger des "anomalies" du droit matrimonial, notamment le fait qu'un époux coupable de meurtre ou de tentative de meurtre sur conjoint puisse bénéficier des avantages matrimoniaux liés à leur contrat de mariage.

L'Assemblée nationale a définitivement adopté, ce jeudi 23 mai, une proposition de loi visant à "assurer une justice patrimoniale au sein de la famille". Portée par Perrine Goulet (Démocrate), cette proposition a fait consensus parmi les députés qui l'ont votée à l'unanimité. Précédemment, le texte avait fait l'objet d'un accord entre les élus des deux Chambres du Parlement en commission mixte paritaire. 

La proposition de loi, composée de deux articles et très technique, vise à corriger des "anomalies" du droit patrimonial : le fait qu'un époux qui a tué son conjoint puisse tirer bénéfice du contrat de mariage (article 1) et qu'une personne se retrouve solidaire d'une dette fiscale contractée par son ex-conjoint (article 2).

Un nouveau dispositif de "déchéance des avantages matrimoniaux"

L'article 1 du texte "vient combler une faille juridique", a expliqué Perrine Goulet en préambule de la discussion. Dans la version actuelle du droit, un conjoint qui tue son partenaire est exclu de sa succession (c'est "l'indignité successorale") ou de toute donation qu'il lui aurait faite (c'est le dispositif d'"ingratitude"). Mais rien n'est prévu pour les "avantages matrimoniaux", c'est-à-dire les clauses du contrat de mariage qui bénéficient à l'un des époux lorsque l'autre décède. Par exemple, dans le cas d'époux ayant choisi le régime de la communauté universelle des biens avec attribution intégrale au survivant, le patrimoine de la victime peut échoir à son conjoint meurtrier.

Pour remédier à cet état de fait, le texte propose de créer un "régime autonome de déchéance matrimoniale". Ce nouveau régime vise toute personne ayant "provoqué ou tenté de provoquer la mort de son conjoint. Il s'appliquera automatiquement en cas de condamnation pénale pour homicide conjugal et s'appliquera également sur décision du juge pour d'autres actes particulièrement graves (torture, viol, violences)", a détaillé Perrine Goulet.

"nous mettons fin à un monde où Un homme qui tue sa femme peut récupérer l’ensemble des biens qui leur appartenaient." Thomas Cazenave (ministre)

La rapporteure de la proposition de loi - qui l'avait initialement présenté dans le cadre d'une journée d'initiative parlementaire du groupe Démocrate - a souligné que les sénateurs avaient renforcé le texte, par exemple en "supprimant la faculté de pardon [qui permet de lever l'indignité] pour mieux prendre en compte les cas d'emprise" ou encore "en prévoyant qu'en cas d’apport à la communauté de biens propres par l'époux décédé, la communauté lui devra récompense, ce qui permet aux héritiers de récupérer lesdits biens en valeur ou en nature".

La création d'une "remise gracieuse" pour un ex-conjoint solidaire d'une dette fiscale

L'article 2 du texte "constitue une avancée majeure pour les personnes victimes de la solidarité fiscale", s'est félicité le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave"Former un couple, vivre ensemble et payer ses impôts peut virer au cauchemar lorsque son conjoint commet une fraude fiscale".

En effet, aujourd'hui un ex-conjoint peut se retrouver solidaire d'une dette fiscale contractée par son ancien partenaire, même à son insu, et s'en voir exiger le remboursement par l'administration fiscale. Or, "ce sont avant tout des femmes qui sont concernées" par ces cas de figure, a relevé le ministre. Certaines femmes se voient ainsi "retirer leur maison, leur voiture", pour contribuer à rembourser une dette qu'elles n'avaient pas contractée. 

Un dispositif de décharge de responsabilité solidaire est actuellement en vigueur, mais il ne permet pas de couvrir toutes les situations, Pour y remédier, une demande de "remise gracieuse" pourra désormais être déposée par l'ex-conjoint. Si la demande est accordée, la personne victime de la solidarité fiscale sera déclarée "tiers à la dette" et celle-ci sera annulée.

Un texte consensuel

La proposition de loi a fait consensus parmi les députés, qui l'ont adoptée à 80 voix "pour" sur 80 suffrages exprimés. Ils ont notamment salué l'article 1, particulièrement emblématique : "une personne n'a pas le droit de s'enrichir avec le crime", a déclaré Meyer Habib (apparenté Les Républicains). "Il est urgent de rectifier cette anomalie, qui est une injustice juridique et morale honteuse", a abondé Karine Lebon (Gauche Démocrate et Républicaine). A l'issue du scrutin, Perrine Goulet a tenu à remercier "pour son engagement" son collègue Hubert Ott (Démocrate), à l'initiative de la proposition de loi, pour avoir "détecté ce point" de droit.