Après la décision de la Cour suprême des États-Unis de revenir sur le droit à l'avortement qui était reconnu au niveau fédéral, plusieurs voix se sont élevées au sein de l'Assemblée nationale fraîchement renouvelée pour inscrire ce droit dans la Constitution. Une procédure qui s'avère plus complexe que pour un texte de loi dit "ordinaire".
À l'heure où tous les regards se tournent vers l'Assemblée nationale, le gouvernement ne disposant pas d'une majorité absolue, députés de gauche et de la majorité semblent pouvoir se retrouver sur le droit à l'avortement. L'actualité internationale a ainsi servi de déclencheur à un texte qui pourrait faire l'objet d'un assez large consensus, au travers de la décision de la Cour suprême américaine, vendredi 24 juin, de revenir sur le fameux arrêt "Roe versus Wade", promulgué en 1973, garantissant par sa jurisprudence le droit à l’avortement à l'échelle fédérale.
L'annonce a suscité une déflagration au niveau mondial, faisant craindre une régression générale en matière de droits des femmes, et inspiré dès le lendemain matin à Aurore Bergé, la désormais présidente du groupe "Renaissance" (ex-La République en marche) à l'Assemblée, une initiative pour graver un peu plus en profondeur le droit à l'avortement dans le marbre de la loi française. Il s'agirait de l'inscrire dans la Constitution, complexifiant ainsi la possibilité de son démantèlement en cas d'arrivée au pouvoir d'un gouvernement qui souhaiterait le restreindre. La Première ministre, Élisabeth Borne, a réagi en donnant l'assurance que le gouvernement soutiendrait "avec force" cette proposition de loi.
Seulement voilà, la présidente du groupe de La France insoumise, Mathilde Panot, avait elle-même annoncé, dès la veille au soir, sa volonté "de déposer une proposition de loi pour inscrire [l'avortement] dans la Constitution".
Une velléité de longue date des Insoumis, qui avaient dès 2018 proposé un amendement en ce sens, puis une proposition de loi en 2019, tous deux rejetés par la majorité LaREM, et désormais reprise par l'ensemble des groupes constituant la Nupes. La coalition a d'ailleurs finalement proposé de déposer "un texte commun à l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale qui le souhaitent". Mathilde Panot indique ce lundi qu'une proposition de loi a déjà été transmise pour co-signature à l'ensemble des députés, hormis ceux du Rassemblement national. Doté d'un article unique, le texte visant à enrichir la Constitution énonce que "Nul ne peut entraver le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse. La Nation garantit à toute personne l'accès effectif à ce droit".
Quels que soient le texte qui sera finalement retenu ainsi que ses rédacteurs, une telle proposition de loi semble avoir toutes les chances d'être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée.
L'article 89 de la Constitution stipule, dans son alinéa premier, que "l'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement". Les députés, comme les sénateurs, peuvent donc être à l'origine d'une proposition de loi constitutionnelle.
Pour pouvoir aboutir, cette dernière doit d'abord être votée par les deux assemblées dans les mêmes termes. Dans un deuxième temps, la proposition de loi constitutionnelle doit être approuvée par référendum (là où un projet de loi constitutionnelle peut, sur décision du Président de la République, être soumis au Congrès, c'est-à-dire aux deux assemblées réunies conjointement, plutôt qu'à référendum).
Si à ce stade, aucune proposition de loi constitutionnelle n'a encore été officiellement déposée à l'Assemblée nationale, il est possible de le faire dès à présent, puisque le mandat des députés de la XVIe législature est désormais effectif.
Concernant les perspectives d'examen du texte, une telle proposition de loi pourrait éventuellement être inscrite à l'ordre du jour lors de la session extraordinaire du Parlement qui sera convoquée dans les prochains jours, à partir de début juillet, notamment pour voter des mesures en faveur du pouvoir d'achat des Français. La conférence des présidents de l'Assemblée, qui se réunira jeudi 30 juin, à 12h30, après que le Président et le bureau du Palais-Bourbon auront été élus mardi et mercredi, fixera l'ordre du jour de cette session extraordinaire.