Interrogé en visioconférence par la commission des affaires économiques de l'Assemblée, le secrétaire général de la CFDT a rappelé son opposition à toute modification de la durée légale du travail. Il a également enjoint les entreprises à former leurs salariés plutôt qu'à les licencier.
La commission des affaires économiques a auditionné jeudi après-midi Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT.
Le chef de file de la centrale syndicale, interrogé sur les conséquences de la crise du coronavirus, a souligné la résilience des "amortisseurs sociaux" français : "Si les protections sociales ont montré qu'elles avaient des trous dans la raquette, elles ont montré aussi leur solidité."
Laurent Berger a fait la promotion du dialogue social et souligné la nécessité de "protéger les salariés dans la reprise d'activité" mais aussi de "reconnaître et valoriser le travail qui a été trop souvent ignoré d'ordinaire".
"On ne va pas se raconter d'histoires, un certain nombre d'entreprises vont souffrir réellement, très fortement", a affirmé Laurent Berger. Pour lui, il ne faut donc pas "précipiter la fin du soutien de l'Etat aux entreprises" afin de "ne pas les débrancher sans avoir de solutions alternatives".
Face à la crise économique à venir, le secrétaire général de la CFDT veut "adapter dans les entreprises l'activité aux débouchés". Plutôt que d'utiliser la "manière brutale", c'est-à-dire le licenciement, Laurent Berger conseille en effet aux entreprises de mettre en oeuvre des dispositifs de formation de leurs salariés.
Il ne faudra pas non plus "toucher à la durée légale du travail", indique Laurent Berger, qui prône plutôt des "compromis dans les entreprises" sur la base d'accords majoritaires. "Ce n'est pas au législateur de décider le bonheur de tout le monde, partout, tout le temps", a affirmé le syndicaliste.
"Au-delà de la réalité de ceux qui sont déjà sur le marché du travail, 750.000 jeunes arrivent", s'est inquiété le patron de la CFDT, qui estime qu'il va falloir "faire preuve de beaucoup d'intelligence et d'innovation".
Selon Laurent Berger, qui souhaite la mise en oeuvre d'un RSA spécifique, "tout un tas de jeunes" risquent à court terme de "n'avoir aucune ressource, aucun droit en termes d'indemnisation".
Il a par ailleurs évoqué la possibilité de "conditionner un certain nombre d'aides aux entreprises à la qualité du dialogue social, à la capacité de trouver des compromis".
Laurent Berger a également demandé la mise en oeuvre d'une "étape 2 de la loi Pacte sur la présence des salariés dans les conseils d'administration, sur le rôle des instances représentatives du personnel". Le secrétaire général de la CFDT prône par exemple l'obligation d'obtenir un avis conforme du CSE des entreprises sur certains sujets, notamment en cas de restructuration.
Insistant sur des perceptions différentes du télétravail selon les salariés, Laurent Berger estime que celui-ci doit faire l'objet d'une "négociation dans l'entreprise". Il ajoute qu'il faudra faire attention aux "conditions matérielles" des travailleurs, à la "formation des managers", mais aussi aux amplitudes horaires.
Il faudra se méfier que le télétravail ne soit pas une logique de gain de coûts.Laurent Berger
Des discussions vont s'ouvrir entre les organisations syndicales et patronales, a indiqué Laurent Berger, qui ne s'est pas prononcé sur la nécessité de voter une loi sur le sujet.
"Vieillir nécessite un vrai investissement dans notre pays", a affirmé le chef de file de la CFDT, qui se dit favorable à la création d'une cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée au grand âge. "Il faudra aller au-delà de 2,4 milliards d'euros par an" et avant 2024, c'est-à-dire "beaucoup plus vite que ce qui est prévu", a-t-il estimé.
La prise en charge du grand âge doit, selon lui, permettre de lutter contre le chômage : "On estime à plusieurs dizaines de milliers d'emplois nécessaires dans le métier du grand âge", a ajouté le syndicaliste.
Laurent Berger qui prône une politique de rénovation thermique des logements publics et privés, voit dans la transition écologique un autre moyen de créer de l'emploi.
Sur le plan économique, "la place de l'Europe va être fondamentale", assure le secrétaire général de la CFDT, qui plaide pour un dialogue "avec les travailleurs, les citoyens, les acteurs économiques" afin d'éviter "une crise démocratique". "La montée de l'extrême droite est extrêmement forte partout en Europe, elle prospère sur les inégalités sociales et sur l'absence de perspective", a mis en garde Laurent Berger.