La Cour des comptes appelle à "des efforts sans précédent de maîtrise des dépenses"

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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes lors de la présentation du rapport, le 16 février 2022 (AFP)
par Jason Wiels, le Mercredi 16 février 2022 à 16:29, mis à jour le Mercredi 16 février 2022 à 20:26

Déficit public, endettement, perspectives de croissance : le rapport annuel de la Cour des comptes décrit une France post-covid aux marges de manoeuvre très limitées, après deux ans de "quoi qu'il en coûte". Une "situation dégradée", qui implique des efforts de redressement "importants" à partir de 2023.

Après le quoi qu'il en coûte, le temps du rembourser à tout prix ? En pleine campagne présidentielle, la Cour des comptes a alerté, mercredi 16 février, sur la nécessité d'un "effort sans précédent" dans les prochaines années pour maîtriser les dépenses publiques et redresser les comptes de la France, mis à mal par la crise sanitaire.

Cette crise a entraîné la mobilisation de moyens publics "d'une ampleur inédite" pour lutter contre l'épidémie et soutenir l'économie, et "cet effort considérable va durablement peser sur le déficit et la dette publics, dont la réduction va nécessiter des efforts sans précédent de maîtrise des dépenses", préviennent les experts de la Rue Cambon dans leur traditionnel rapport annuel consacré entièrement au bilan de la gestion de la crise sanitaire.

À la tribune de l'Assemblée nationale, si le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a rappelé que le "quoi qu'il en coûte" était un choix "nécessaire", il représente dorénavant une lourde charge pour nos finances publiques.

La France déclassée 

La dette publique devrait ainsi s'accroître de 560 milliards d'euros entre la fin 2019 et la fin 2022 (641 milliards sur l'ensemble du quinquennat), pesant ainsi environ 113% du PIB. La France rentre dès lors "dans le groupe des pays de la zone euro dont, deux ans après le début de la pandémie de Covid-19, la situation des finances publiques est la plus dégradée", assène la Cour, qui s'inquiète de cet écart avec nos voisins.

Parmi les huit pays les plus riches de la zone euro, la France se retrouve désormais dans le club des pays les plus endettés et au déficit le plus élevé, aux côtés de l'Italie, l'Espagne et la Belgique. De l'autre côté, l'Autriche, l'Allemagne et le Pays-Bas se situent dans une zone plus confortable, alors que le Portugal navigue dans des eaux intermédiaires.

Pour la France, cette situation est l’aboutissement d’un mouvement de divergence commencé il y a quinze ans et qui l’a vue notamment s’écarter de l'Allemagne.  Rapport de la Cour des comptes

Malgré un rebond de 7% de la croissance l'an dernier et 4% encore attendus cette année par le gouvernement, "le déficit public devrait rester très élevé en 2021 (7% du PIB) et 2022 (5% du PIB)". Surtout, la hausse du PIB devrait végéter autour de 1,6% dès 2023. 

Des réformes à venir ?

Si le gouvernement prévoit de ramener le déficit public en dessous de 3% en 2027, il a repoussé les premiers efforts à 2023. Or, c'est justement à cette date que le pays devra fournir "des efforts plus importants", en d'autres termes des économies. Au total, ce sont donc "près de 9 milliards d'euros d'économies supplémentaires chaque année" qui devront être trouvées, et qui permettraient de limiter la hausse des dépenses à +0,4% en moyenne entre 2023 et 2027. 

Un effort bien plus important que celui effectué entre 2010 et 2019 avec une hausse dépenses qui était en moyenne de +1% par an. Pour la Cour des comptes, atteindre un tel objectif imposera donc des réformes, en priorité sur le système de retraite, l’assurance maladie, la politique de l’emploi, les minimas sociaux et la politique du logement. Par ailleurs, elle signale que des "baisses d'impôts significatives" ont continué y compris pendant la pandémie, contribuant à créer un manque à gagner de 25,6 milliards d'euros en deux ans. 

Commission des finances : six groupes d'opposition réclament le départ d'Éric Woerth

Depuis son ralliement à Emmanuel Macron, Éric Woerth a fragilisé sa position à la tête de la commission des Finances. Mercredi, les six groupes d'opposition ont demandé son départ de la présidence de la prestigieuse instance, qui est normalement dirigée par un membre de l'opposition. Son ancienne famille politique, Les Républicains, a été la première à lui demander "solennellement" de partir. 

Mais si le règlement de l'Assemblée nationale prévoit bien chaque année que l'élection à la tête de cette commission doit revenir à un opposant, il ne dit rien en cas de changement d'allégeance. Rien n'oblige donc juridiquement Éric Woerth à partir, lequel a d'ailleurs répondu qu'il ne démissionnera pas à une semaine de la fin de la session ordinaire du Parlement. La majorité n'a pas souhaité mettre en difficulté ce nouveau soutien et estime qu'il peut rester en poste. "Je ne crois pas qu'Éric Woerth, membre apparenté de la majorité pendant une semaine et deux jours, sera plus ou moins partial par rapport à ce qu'il a été pendant cinq ans", a soutenu Laurent Saint-Martin, rapporteur général du Budget et député de La République en marche.