L'Assemblée vote une hausse de la retraite des conjointes d'agriculteurs

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LILIAN CAZABET / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
par Maxence Kagni, le Jeudi 17 juin 2021 à 10:05, mis à jour le Jeudi 17 juin 2021 à 18:54

Les députés ont adopté la proposition de loi "visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles" du député communiste André Chassaigne. Plusieurs mesures techniques contenues dans ce texte auront pour conséquence d'augmenter de 100 euros la pension de 210.000 personnes, dont 67% de femmes.

"Il y a plus pauvre que le retraité agricole pauvre : sa femme." Le président des députés communistes, André Chassaigne, a présenté jeudi 17 juin dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale sa proposition de loi "visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles". Etudiée dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Gauche démocrate et républicaine", elle a été adoptée à l'unanimité par les députés (132 pour, 0 contre) et avec le soutien du gouvernement.

Ce texte revalorise par une succession de mesures techniques les retraites des conjoints collaborateurs (qui sont très souvent des conjointes) et celles des aides familiaux. En tout, 210.000 personnes verront leur retraite augmenter en moyenne de 100 euros.

Une "première pierre"

"Au 1er janvier 2020, 97% des retraités du statut de conjoint collaborateur étaient des femmes", a expliqué jeudi André Chassaigne. Une proportion ramenée à "deux tiers" pour les aides familiaux. Or ces femmes touchent une "pension moyenne de 604 euros quand elles ont validé au moins 150 trimestres dans le seul régime des non-salariés agricoles et de 307 euros par mois quand elles n'ont pas atteint cette durée d'assurance". "Autrement dit", a précisé la députée socialiste Christine Pires Beaune, "la moyenne des retraites agricoles notamment pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux est inférieure au seuil de pauvreté".

La proposition de loi d'André Chassaigne établit donc un montant unique de pension majorée de référence (PMR) pour les non-salariés agricoles : le montant prévu pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux est réhaussé à hauteur de celui des chefs d'exploitation. "Cette fusion se traduira par un gain mensuel moyen de 62 euros pour les conjoints et les aides familiaux et de 75 euros pour les femmes concernées", a expliqué André Chassaigne. Cette disposition s'appliquera pour les retraités actuels et futurs. 

"Les syndicats réclamaient cette mesure depuis longtemps, ce sera chose faite", s'est félicitée Jacqueline Dubois (La République en marche). Marc Le Fur (Les Républicains) a pour sa part salué "un petit pas, un pas concret, précis, insuffisant peut-être, mais qui a le mérite d'exister".

Autre disposition prévue par le texte : le plafond d'écrêtement de la PMR a été réhaussé d'environ 30 euros. "17.500 retraités supplémentaires pourront [donc] bénéficier de la pension majorée de référence", a commenté la ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, Elisabeth Borne. Le gouvernement a également promis de relever par voie réglementaire le montant de la PMR à 705 euros. "Au total, plus de 210.000 retraités, dont 67% de femmes, seront bénéficiaires de cette série de mesures", a conclu la ministre, selon qui "ces femmes verront leur pension augmenter de manière significative, en moyenne de 100 euros".

Elisabeth Borne a également promis de relever la PMR à hauteur du minimum contributif (MiCo) majoré applicable au régime général : "Il en résultera une augmentation d'environ 6 euros par mois qui sera mise en oeuvre par voie réglementaire", a expliqué la ministre.

"Autres secteurs d'activité"

Les députés ont, en revanche, repoussé un amendement qui permettait d'élargir aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux l’accès au complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (CDRCO). Cette mesure, notamment soutenue par les députés "Les Républicains" et "Socialistes", aurait permis de fixer un plancher de pension de retraite à 85% du Smic.

Ce dispositif n'a pas convaincu la majorité : "Le CDRCO est un supplément de pension offert aux seuls chefs d'exploitations ayant exercé 17 ans et demi et plus", a commenté la députée La République en marche Jacqueline Dubois (La République en marche). Selon elle, "il ne serait ni juste ni raisonnable de donner le même niveau de pension à tous sans considération des cotisations versées".

"Cette garantie de pension est aujourd'hui réservée aux exploitants agricoles car elle est le reflet de l'effort contributif supérieur de ces assurés", a elle aussi jugé la ministre, Elisabeth Borne. Son collègue, le secrétaire d'Etat chargé des Retraites, Laurent Pietraszewski, a mis en avant la nécessité de respecter une "équité" et de "prendre garde à ne pas oublier les autres secteurs d'activité" : "Le sujet des petites retraites n'est pas catégoriel."

Une préoccupation reprise à son compte par Luc Lamirault (Agir ensemble), qui craint "une inégalité vis-à-vis des autres indépendants" : "Comment justifier qu'un tel mécanisme ne s'applique pas aux conjoints collaborateurs des artisans ou des commerçants ?"

"Statut plus protecteur"

Les députés ont par ailleurs adopté un amendement du gouvernement qui vise à lutter contre le non-recours à l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) en informant mieux les personnes éligibles. 

La proposition de loi limite aussi à cinq ans la durée du statut de conjoint collaborateur, comme c'est déjà le cas pour le statut d'aide familial. Une façon d'inciter les personnes qui en bénéficient à opter pour "un statut plus protecteur". "Le statut de conjoint collaborateur est aujourd'hui une trappe à petites retraites et parfois même vecteur d'une précarité insoupçonnée en cas de rupture ou de divorce", a justifié le député MoDem Nicolas Turquois. Cette limitation s'appliquera à tous les conjoints collaborateurs, y compris à ceux qui seraient déjà en activité au moment de la promulgation de la loi.

Le vote de ce texte en première lecture s'ajoute à l'adoption définitive en 2020 de la proposition de loi communiste "visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles en France continentale et dans les outre-mer". Ce texte, dont l'examen avait débuté en 2017, rehausse à 85% du Smic net (soit 1046 euros par mois) le niveau minimum de retraite pour les anciens chefs d'exploitation agricole ayant une carrière complète. "Pour beaucoup d'entre-eux, c'est tout simplement la possibilité de vivre au-dessus du seuil de pauvreté", s'est félicité jeudi André Chassaigne. Le dispositif entrera en application le 1er novembre prochain