Les députés ont adopté à l'unanimité, mercredi 17 novembre, une proposition de loi de Sylvain Waserman (MoDem) renforçant la protection des lanceurs d'alerte. Le texte clarifie également le cadre juridique du statut de lanceur d'alerte et la procédure de signalement. Les élus ont également renforcé le soutien financier apporté aux lanceurs d'alerte à la situation financière dégradée à la suite de leurs révélations.
Donner aux lanceurs d'alerte leur "juste place" : tel est l'objectif de la proposition de loi de Sylvain Waserman (MoDem), adoptée en première lecture, à l'unanimité, mercredi 17 novembre, dans l'Hémicycle de l'Assemblée nationale. Les lanceurs d'alerte "constituent un véritable pilier de notre système démocratique", au côté de la liberté de la presse et de l'indépendance de la justice, a détaillé le rapporteur du texte, qui a salué le travail commun des parlementaires sur le sujet et le consensus qui a émergé.
Cette proposition de loi intervient alors que la France doit transposer une directive européenne d'ici à la fin de l'année. L'occasion de dépoussiérer les avancées entreprises par la loi Sapin II en 2016, pionnière sur le sujet, mais qui a souffert de quelques dysfonctionnements dans son application : elle obligeait notamment à d'abord effectuer le signalement en interne. Une fois cette nouvelle loi adoptée, "la France deviendra le fer de lance de la protection des lanceurs d'alerte", s'est félicité Sylvain Waserman.
Parmi les principales modifications apportées en séance publique, les députés ont adopté un amendement porté par la majorité présidentielle pour renforcer le soutien financier apporté aux lanceurs d'alerte. La proposition de loi prévoyait déjà que les frais d'avocat pourraient être supportés par la partie adverse, si le juge estime que la procédure engagée vise à entraver le signalement d'un lanceur d'alerte ou s'apparente à des représailles.
L'amendement adopté va plus loin : le juge pourra décidé d'allouer un secours financier supplémentaire en cas de dégradation de la situation financière d'un lanceur d'alerte, toujours amené par la partie adverse. "Un subside pour pallier aux besoins immédiats", a expliqué Sylvain Waserman. Cette somme pourra être considérée comme définitivement acquise par décision du juge, à tout moment de la procédure. "Il faut être nécessairement dans une procédure judiciaire pour le faire valoir", a regretté Ugo Bernalicis (LFI), pour qui cette mesure est un pis-aller du fait des critères financiers de recevabilité des amendements. Il a par conséquent appelé le gouvernement à "se mouiller" pour faire des propositions qui s'apparentent à véritable secours financier au cours de la navette parlementaire.
Les groupes LFI, PS et Libertés et territoires ont, sans succès, proposé de consacrer un droit d'asile pour les lanceurs d'alerte étranger en leur octroyant le statut de réfugié politique. "La France a une dette immense envers Julian Assange, persécuté depuis douze ans", a plaidé Mathilde Panot (LFI). "Ceux qui s'engagent au péril de leur vie doivent pouvoir bénéficier de la protection de la France. Cela dépasse les clivages politiques", a-t-elle ajouté.
"Un lanceur d'alerte peut déjà obtenir le statut de réfugié s'il fait l'objet de persécutions dans son pays d'origine", a rétorqué Sylvain Waserman, qui s'est opposé à ce que ce statut soit automatiquement attribué. "Ce n'est pas réaliste." Plus largement, il a estimé que la réponse en la matière devait être décidée à l'échelon européen. "Cela honorerait notre socle de valeurs communes."
Comme en commission, l'opportunité de pouvoir confier un statut de lanceur d'alerte à une association ou un syndicat a alimenté les débats, Sylvain Waserman comme le gouvernement y étant défavorables. "Certains lanceurs d'alerte aspirent à conserver leur anonymat", a plaidé Marie-George Buffet (PCF). "Une occasion manquée", a regretté Ugo Bernalicis (LFI). Ces organisations pourront cependant bénéficier d'un statut hybride de "facilitatrices" et d'une protection spécifique.
D'autres composantes du statut de lanceur d'alerte ont fait débat. Comme la nécessité qu'un salarié ou un fonctionnaire ne bénéficie pas de contrepartie financière pour être reconnu comme lanceur d'alerte. Il s'agit d'éviter un phénomène de "chasseurs de prime", comme l'a répété Sylvain Waserman.
Une deuxième proposition de loi de l'élu MoDem, qui venait en complément de la première, a par ailleurs été adoptée dans la foulée. Ce texte à portée organique consacre le Défenseur des droits comme interlocuteur privilégié des lanceurs d'alerte. Les deux propositions de loi vont désormais être transmises au Sénat.