L'Assemblée confirme la restitution de biens culturels au Sénégal et au Bénin

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Le sabre et son fourreau attribués à El Hadj Omar Tall, grande figure militaire et religieuse ouest-africaine du XIXème siècle (AFP)
par Jason Wiels, le Lundi 7 décembre 2020 à 17:35, mis à jour le Lundi 7 décembre 2020 à 20:40

Les députés se sont prononcés lundi en faveur du retour des pièces demandées par leurs pays d'origine en votant une exception au caractère normalement inaliénable des collections françaises. La proposition du Sénat de créer une commission ad hoc pour filtrer les prochaines demandes a été rejetée.

Le Parlement a parfois ses raisons que la raison ne connaît pas. Pourtant favorables sur le principe à la restitution de biens culturels à deux anciennes colonies françaises - le Bénin et le Sénégal -, sénateurs et députés n'ont pas réussi à se mettre d'accord le 19 novembre sur une version commune du projet de loi qui organise ce transfert.

De retour dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale lundi, le texte a été de nouveau voté en deuxième lecture par les députés, sans l'article ajouté par les sénateurs qui prévoyait la création d'un "Conseil national de réflexion" pour aiguiller la politique de retour des biens culturels.

"Fait du prince"

Pourquoi un tel bras de fer sur un projet de loi qui, au départ, faisait consensus ? La controverse entre les deux chambres ne porte en effet guère sur les demandes officielles déposées par les deux pays afin de récupérer, pour le Bénin, vingt-six pièces du Trésor de Béhanzin provenant du pillage du palais d'Abomey en 1892 et, pour le Sénégal, d'un sabre et de son fourreau attribués à El Hadj Omar Tall, grande figure militaire et religieuse du XIXe siècle. 

C'est en fait l'annonce impromptue le 5 novembre, quelques heures après le débat sénatorial sur le projet de loi, du départ d'un autre bien, celui de la couronne de la reine malgache Ranavalona III, qui a semé la zizanie.

Un transfert qu'Emmanuel Macron avait promis à son homologue malgache cette année, alors que le pays fête les 60 ans de son indépendance. Cette couronne de la discorde, pour l'instant prêtée par le musée de l'Armée (Paris) à Antananarivo, devrait à son tour être l'objet d'un texte législatif pour être définitivement rendue, car la loi prévoit que les collections publiques françaises sont inaliénables.

"Cette annonce a représenté un nouveau mépris du travail parlementaire et un nouvel exemple du fait du prince", a fustigé Emmanuelle Anthoine (LR) en soutien à ses collègues du Sénat. Au nom de la majorité sénatoriale, Catherine Morin-Desailly (UDI) avait conditionné son vote en commission mixte paritaire à l'acceptation par les députés de créer un comité d'experts, "garde-fou nécessaire" avant d'envisager de tels retours. Une demande "renforcée par la remise en catimini de la couronne (...) sans que le gouvernement juge utile d'en informer le Parlement", qu'ont rejetée les députés.

Un conseil "doublon" selon le gouvernement

Pour le rapporteur du projet de loi Yannick Kerlogot (LaREM), ce télescopage relève plutôt d'un "concours de circonstances, peut-être maladroit". "Les prémices du dossier datent de 2005, sous Jacques Chirac. (...) Ce n'est donc pas le fait du prince récent, a-t-il rappelé. On répond à une demande symbolique forte des autorités malgaches."  

La ministre de la culture Roselyne Bachelot s'est elle vivement opposée à la proposition des sénateurs, que les députés LR ont tenté en vain de réinscrire dans le projet de loi :

C'est un conseil inutile sur le plan scientifique et inutile sur plan législatif. Roselyne Bachelot, le lundi 7 décembre 2020

Les membres de ce qu'elle considère être un "doublon", car le ministère de la culture et les musées concernés assurent déjà l'expertise des pièces faisant l'objet d'une demande de retour, auraient été nommés par le gouvernement. "Alors, l'indépendance, pardon...", a souligné la ministre en haussant les épaules.

Le texte doit continuer prochainement son parcours législatif avec une deuxième lecture au Sénat, et fera l'objet d'une ultime lecture par les députés si les sénateurs maintiennent l'objectif de créer un comité d'experts.