Ingérences étrangères : La commission d'enquête publie son rapport sur fond de polémique persistante

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Constance Le Grip à l'Assemblée nationale, le 8 juin 2023
Constance Le Grip à l'Assemblée nationale, le 8 juin 2023 (©LCP)
par Raphaël Marchal, le Jeudi 8 juin 2023 à 19:58, mis à jour le Vendredi 9 juin 2023 à 23:40

Le rapport de la commission d'enquête sur les ingérences étrangères a officiellement été rendu public, ce jeudi 8 juin. Sa rédactrice, Constance Le Grip (Renaissance), alerte sur les risques et les menaces émanant de la Russie et de la Chine. Alors que son parti est qualifié de "courroie de transmission" de Moscou dans le rapport, le président de la commission d'enquête, Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national), dénonce un "procès politique". 

La France est-elle menacée par des ingérences étrangères ? Au terme de six mois de travaux, la commission d'enquête dédiée a rendu public son rapport, ce jeudi 8 juin. Une instance marquée par le sceau de l'inédit : pour la première fois, le groupe Rassemblement national a pu proposer un thème de commission d'enquête parlementaire, espérant en profiter pour "laver son honneur", selon les mots du président de cette commission, Jean-Philippe Tanguy (RN). 

En charge de la fonction de rapporteure, Constance Le Grip (Renaissance) alerte dans ses conclusion sur les menaces émanant de la Russie, mais aussi de la Chine, en voie de "russianisation". "Cyberattaques", "manipulations de l'information", "atteintes au patrimoine économique, scientifique et technique", recrutement d'anciens responsables politiques, mais aussi d'anciens cadres de l'armée... La députée fait part de l'agressivité de plus en plus assumée de certaines puissances étrangères, couplée à une certaine "naïveté" au sein de l'élite française.

Elle recommande de mettre en place un régime d'incompatibilités fonctionnelles pour certains hauts fonctionnaires et officiers supérieurs, notamment pour des entreprises étrangères, avec aussi le maintien d'un devoir de réserve. De manière similaire, elle plaide pour durcir la limitation des nouvelles carrières pour certains responsables politiques et militaires, quitte à exclure certaines zones géographiques.

Alors que le prêt bancaire tchéco-russe octroyé au Front national en 2014 a été au centre de l'audition de Marine Le Pen, cette dernière déplorant l'absence de possibilité de financement auprès des établissements français et européens, Constance Le Grip appelle à poursuivre la réflexion pour améliorer l’accès des formations politiques aux prêts bancaires. Elle juge, en outre, nécessaire d'interdire explicitement les prêts de personnes étrangères ne résidant pas en France aux formations politiques.

Par ailleurs, la rapporteure souligne la fragilité de certains pans de la société française, évoquant notamment les médias français dans la "guerre informationnelle". Elle appelle désormais à ce que la "prise de conscience" de l'État face aux tentatives d'ingérences en matière économique et scientifique soit diffusée à l'ensemble des acteurs.

Un "sabotage", selon Jean-Philippe Tanguy...

Dire que le document n'a pas été favorablement accueilli par le président de la commission d'enquête relève de l'euphémisme. Jean-Philippe Tanguy dénonce certaines conclusions de la rapporteure et les choix qu'elle a opérés, dans un avant-propos au rapport de plus de 60 pages. Un exercice "record", destiné à "rétablir la vérité", a-t-il revendiqué lors d'une conférence de presse.

Pour le député RN, Constance Le Grip a organisé le "sabotage" du rapport, afin de dresser le "procès politique" du Rassemblement national. 

Ce travail de "sabotage", selon lui, permis à Constance Le Grip d'accuser le Front national, puis le Rassemblement national, d'avoir été la "courroie de transmission de la Russie", une expression qui avait fuité dans la presse la semaine dernière, avant la publication du rapport. "Ces trois mots n'ont été prononcés par aucun des experts que nous avons auditionnés", a assuré Jean-Philippe Tanguy, dénonçant une "accusation" personnelle de la rapporteure.

Plus globalement, le président de la commission d'enquête déplore que le rapport n'évoque que de manière très superficielle la principale ingérence étrangère qui ressort, estime-t-il, des nombreuses auditions menées au cours des derniers mois : celle exercée par les États-Unis en matière économique. 

... "Ridicule", répond Constance Le Grip

"Je ne vais pas m'abaisser à répondre point par point à toutes [c]es accusations mensongères, fausses, tronquées", a déclaré Constance Le Grip à la presse. Soulignant le caractère qu'elle considère "assez ridicule" de l'avant-propos de Jean-Philippe Tanguy, la députée Renaissance affirme, au contraire, que le rapport est tout à fait fidèle aux entretiens menées par la commission.

Jugeant peu utile de poursuivre le "match", elle a espéré que les conclusions du rapport pourront "contribuer utilement à une prise de conscience de la réalité et de la dangerosité des ingérences étrangères à l'œuvre contre notre système démocratique".