Alors que le "bouclier loyer" devait s'éteindre à la fin du mois de juin, les députés ont voté son prolongement jusqu'au début de l'année 2024 en adoptant une proposition de loi portée par Thomas Cazenave (Renaissance), par 259 voix contre 93. Débattu dans une ambiance houleuse à l'Assemblée nationale mercredi 31 mai au soir, le texte sera examiné au Sénat le 7 juin.
Dans un climat tendu, les députés ont approuvé la prolongation du plafonnement de la hausse des loyers jusqu'en 2024 pour les particuliers et les PME. Ce "bouclier loyer" avait été mis en place par la loi "pouvoir d'achat", en août 2022, mais il devait s'éteindre à la fin du mois de juin.
C'est donc dans l'urgence que la majorité présidentielle a déposé cette proposition de loi, afin de permettre son adoption définitive avant l'extinction du dispositif destiné à limiter les effets de l'inflation sur les loyers. Le gouvernement a d'ailleurs engagé la procédure accélérée - une seule lecture devant chaque Chambre avant la réunion d'une commission paritaire - sur le texte.
"J'ai pleinement conscience que ce texte est examiné dans des délais restreints et inhabituels", a reconnu le rapporteur Thomas Cazenave (Renaissance), en ouverture des débats dans la nuit du mercredi 31 mai au jeudi 1er juin, alors que de source parlementaire c'est une imprévoyance gouvernementale qui serait à l'origine de cette nécessité de légiférer en urgence. De fait, le texte avait été adopté la veille en commission, un parcours express destiné à "protéger les Français". "Le gouvernement n'a visiblement pas été en capacité d'anticiper l'arrivée à échéance fin juin du dispositif", a raillé Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine), critiquant un texte "déposé à la hussarde", sans que la mesure n'ait été évaluée.
La hausse de l'indice de référence des loyers des ménages dépend de l'indice des prix à la consommation. Inflation oblige, les loyers auraient donc pu augmenter significativement en cas de disparition du bouclier, autour de 6 % au dernier trimestre de 2023. Le bouclier plafonne temporairement cette hausse à 3,5 %. Un dispositif similaire est prévu concernant les loyers commerciaux, pour les PME. "Nous ne souhaitons pas que les locataires et les preneurs ne subissent l'intégralité des conséquences de l'inflation", a expliqué Thomas Cazenave.
Les députés de gauche estimant qu'il fallait "geler" les loyers et pas seulement contenir leur hausse ont voté contre le texte. "Cette illusion de bouclier conduira nécessairement à une hausse", a déploré Cyrielle Chatelain (Écologiste). "Toute augmentation créerait le risque de jeter encore plus de personnes dans la pauvreté. Nous ne pouvons pas l'accepter", a-t-elle déclaré.
"Depuis les années 60, la part du budget des Français consacré au logement est passé de 10 à 30 %", a pointé William Martinet (La France insoumise), qui a demandé une "année blanche" plutôt qu'un "choix antisocial", tandis que Stéphane Peu a rappelé que les locataires avaient déjà subi une hausse de 3,5 % en 2022-2023. "Avec ce dispositif, ils vont donc connaître une nouvelle hausse", a regretté l'élu communiste.
"Nous ne pouvons pas non plus totalement déséquilibrer la situation, au risque de pénaliser les propriétaires et bailleurs. Thomas Cazenave (député Renaissance)
"Nous ne pouvons pas non plus totalement déséquilibrer la situation, au risque de pénaliser les propriétaires et bailleurs. Eux aussi sont touchés par l'inflation", a répondu Thomas Cazenave, pointant les obligations en matière de rénovation énergétique et la hausse de la taxe foncière. Selon lui, dans un contexte de crise de l'offre de logements, le gel des loyers aggraverait encore la situation en zones tendues.
Par ailleurs, Thomas Cazenave, ainsi que la ministre déléguée chargée des PME, Olivia Grégoire, ont relevé le risque d'une censure du Conseil constitutionnel en cas de gel des loyers ou d'extension trop large du bouclier. La reconduction du dispositif actuel garantissant au contraire la conformité du texte qui doit maintenant être examiné par le Sénat mercredi 7 juin.