Guerre en Ukraine : Julien Denormandie craint des "famines" au Maghreb et en Afrique subsaharienne

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Mohamed el-Shahed / AFP
par Maxence Kagni, le Vendredi 25 mars 2022 à 10:02, mis à jour le Vendredi 25 mars 2022 à 13:55

Devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée, le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation a pointé un risque de "troubles politiques et sociaux de premier ordre" au Maghreb et en Afrique subsaharienne. Selon Julien Denormandie, la France ne craint pas de pénuries. En revanche, il estime que l'Espagne et l'Italie pourraient rencontrer des difficultés en matière d'élevage. 

Ne pas "minimiser les risques absolument terribles" que fait peser le conflit entre la Russie et l'Ukraine sur certains pays pourtant éloignés des combats. Auditionné, vendredi 25 mars, par les députés de la commission des affaires économiques, le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, Julien Denormandie, a alerté sur un risque de "famines" dans plusieurs pays du Maghreb et d'Afrique subsaharienne d'ici "douze à dix-huit mois". Ces pays pourraient être "déstabilisés" à court terme et connaître des "troubles politiques et sociaux de premier ordre". 

Certains d'entre-eux ont peu de stocks de blé et "sont très dépendants de l'Ukraine et de la Russie". A cette tension s'ajoute la hausse des prix observée actuellement sur les marchés : plusieurs pays n'ont pas les "capacités de financement" pour faire face à ce choc tarifaire, a prévenu Julien Denormandie. Le Maroc, la Tunisie et à plus forte raison le Burkina Faso ou le Sénégal pourraient rencontrer de grandes difficultés, a analysé le ministre. L'Egypte, qui est "dépendante à plus de 50% des importations de blé", est dans la même situation. Or le Printemps arabe a eu pour "élément déclencheur" une "crise du pain", a rappelé Julien Denormandie.

A un niveau moindre, de "véritables risques" de pénurie pèsent sur "un certain nombre de pays", "parfois européens". C'est notamment le cas de l'Espagne et de l'Italie, dont les élevages ne sont pas adossés à des "terrains d'exploitation agricole pour alimenter" les animaux.

Initiative FARM

Julien Denormandie a également évoqué l'initiative européenne FARM (Food on Agriculture Resilience Mission), présentée jeudi par Emmanuel Macron à la sortie du G7. "C'est une réponse coordonnée et solidaire des pays producteurs vis-à-vis de pays qui seraient en grande difficulté" alimentaire. Farm comprendra trois volets. Le premier permettra d'agir pour "plus de transparence sur les stocks" afin de tenter de "détendre les marchés" et donc de faire baisser les prix. Le deuxième consiste à produire plus "là où c'est possible" dans le but de vendre "à des prix raisonnables aux pays qui en auraient besoin". Le troisième devra permettre "d'accompagner les pays tiers à augmenter leur capacité de production chez eux".

Par ailleurs, une aide alimentaire est apportée aux Ukrainiens, qu'ils soient restés dans leur pays ou réfugiés. Une autre aide européenne, sollicitée par le "ministre des Affaires agraires d'Ukraine", consiste en un apport "d'éléments permettant à l'Ukraine de maintenir autant que faire se peut son appareil de production agricole". 

Julien Denormandie a , par ailleurs, appelé à "ne pas balayer d'un revers de main" la stratégie européenne "Farm to fork", tout en l'amendant. Cette stratégie, défendue par la Commission européenne et qui vise à faire baisser l'usage des pesticides et des engrais, pourrait entraîner une baisse de la production. Comme Emmanuel Macron, Julien Denormandie souhaite lui adjoindre "une vision d'objectif de résilience et d'indépendance alimentaire, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent", en fixant "un objectif politique de production". C'est-à-dire en produisant plus : "Cela s'appelle le progrès."

Un "effet prix" en France

Dans ce contexte, le ministre a expliqué que la France ne devrait pas connaître de pénuries, malgré quelques tensions sur les engrais, l'huile de tournesol et les volailles. "La France est résiliente, indépendante d'un point de vue alimentaire", a-t-il souligné. Les Français font, en revanche, face à un "effet prix" qui est "significatif" : "Un certain nombre d'intrants voient leurs coût augmenter de manière très conséquente", a analysé Julien Denormandie, citant les carburants (gazole non routier), le gaz (pour le maraîchage, la volaille, les sucreries, les laiteries), l'alimentation animale et les engrais. 

Plusieurs réponses à ce "choc de l'offre" sont apportées aux agriculteurs par le gouvernement : la remise de quinze centimes hors taxes sur les prix du carburant à la pompe concerne aussi le gazole non routier (GNR). Par ailleurs, un "remboursement anticipé de la TICPE" sur les achats de GNR et un "acompte sur la TICPE de 2022" seront versés dès le 1er mai "pour renforcer la trésorerie des uns et des autres". Sur le gaz, une aide définie au niveau européen permettra aux industriels et agriculteurs de limiter leurs pertes. Enfin, une enveloppe de 400 millions d'euros d'aide sera dévolue à l'alimentation animale et 150 millions d'euros permettront de financer une exonération sociale et patronale pour les agriculteurs.

Tous ces dispositifs ne suffiront toutefois pas à compenser l'ensemble des hausses des prix à venir. "Il est très important que les industriels et la grande distribution jouent le jeu, prennent leur part", a insisté Julien Denormandie, qui a annoncé avoir rouvert des "négociations" avec les acteurs du secteur.