Alors que la loi Egalim, entrée en vigueur fin 2018, n'a pas permis d'atteindre les objectifs affichés, le député Thierry Benoit (UDI) a présenté mercredi 24 mars à l'Assemblée un rapport de suivi sur la mise en œuvre des conclusions de la commission d’enquête sur la grande distribution et les relations commerciales avec ses fournisseurs. Le rapport formule sept propositions destinées à mieux rémunérer agriculteurs et producteurs. Le député (LaREM) Gregory Besson-Moreau a indiqué qu’il déposerait une proposition de loi reprenant l’essentiel de ces recommandations.
C'était il y a plus de deux ans. Le 25 septembre 2019, la commission d’enquête sur "la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs", avait formulé 41 propositions en complément de la loi Egalim. Cette semaine, le député Thierry Benoit (UDI), qui avait présidé cette commission a présenté devant ses collègues de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée son rapport de suivi sur la mise en oeuvre des 41 propositions faites en 2019.
Des pratiques inacceptables
Critiquée, notamment par les agriculteurs, pour son manque d’efficacité, la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim) prévoyait notamment la hausse de 10% du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions. "Ces mesures ont généré une forme de marge supplémentaire. Le volume financier est estimé à 600 millions d’euros, constate le député d'Ille-et-Vilaine, mais on a du mal à identifier où ils sont passés."
Thierry Benoit regrette que ce surplus n’ait pas "ruisselé" en direction des agriculteurs et des acteurs en amont de la filière agricole. Il souligne également la persistance de pratiques inacceptables de la part des distributeurs, tels que le déréférencement abusif ou l’octroi de pénalités indues.
Pour mettre fin à cette situation, le rapport d’information formule sept propositions destinées à garantir une meilleure répartition des revenus de l’alimentation entre producteurs, industriels et distributeurs.
Un rapport qui tombe "à point nommé" selon le président de la commission des Affaires économiques, Roland Lescure, étant donné que les négociations commerciales annuelles - plus tendues que les années précédentes en raison de la crise sanitaire - arrivent à leur terme.
Repenser les négociations commerciales
"Les agriculteurs et le revenu agricole ne doivent pas être la variable d’ajustement des politiques sociales en France" estime Thierry Benoit. Pour cela, le député propose de mettre fin aux négociations commerciales annuelles en leur substituant des négociations pluriannuelles et tripartites. La date "butoir" du 1er mars, résultant des délais fixés à l’article L. 441-4 du code de commerce serait ainsi supprimée. Cette proposition permettrait aux producteurs de mieux s’adapter aux aléas de toutes natures, notamment climatiques.
Afin de rendre ces négociations commerciales plus transparentes, le rapport propose de dissocier les multiples niveaux de négociations. D’une part : les négociations portant sur le tarif, devant faire l’objet d’une protection particulière. D’autre part, celles portant sur les enveloppes promotionnelles, les accords internationaux ou les pénalités logistiques qui échappent aux observateurs et au contrôle des pouvoirs publics.
Alors qu'en 2019, la commission d’enquête proposait d'encadrer l’application de pénalités logistiques sujettes à de nombreuses dérives, Thierry Benoit préconise leur suppression. Il apparait en effet que ces pénalités s’apparentent selon lui à une source de profits non justifiés pour les distributeurs.
Bien que cela ne fasse pas partie des propositions, les députés Michèle Crouzet (MoDem) et Philippe Huppé (Agir ensemble) ont souligné en commission la nécessité de renforcer les contrôles de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes.
Meilleure distribution des revenus et accent mis sur l’étiquetage
Par ailleurs, afin de garantir une meilleure distribution des revenus, le rapport envisage de mettre en place un mécanisme permettant de contraindre les distributeurs à faire ruisseler le surplus généré par la hausse du seuil de revente à perte vers les producteurs.
L’extension des dispositifs de relèvement du seuil de revente à perte et d’encadrement des promotions, aux fournisseurs non alimentaires de la grande distribution (droguerie, parfumerie, hygiène) est également recommandée.
Pour permettre de mieux identifier les produits fabriqués en France, le député propose de définir juridiquement les mentions : « origine France », « fabriqué en France » et les mentions équivalentes figurant sur l’étiquetage des denrées alimentaires.
Enfin, le rapport propose d’instaurer un moratoire d’au moins trois ans pour la création de nouvelles surfaces de vente.
En 2019, le député Grégory Besson-Moreau (LaREM) avait été rapporteur de la commission d'enquête dont Thierry Benoit était le président. Dans l'objectif de rendre les relations entre la grande distribution, les industriels et les fournisseurs plus justes, le député du groupe La République en marche de l'Aube a indiqué qu’il déposerait une proposition de loi visant à « protéger la rémunération des agriculteurs ». Elle reprendra une grande partie des propositions du rapport de son collègue d'Ille-et-Vilaine.