Les députés de la commission des affaires européennes ont rejeté, mercredi 25 octobre, une proposition de résolution plaidant pour le non-renouvellement de l’autorisation du glyphosate au sein de l’UE. L'autorisation actuelle de l'herbicide expirera le 15 décembre. La Commission européenne a proposé que celle-ci soit renouvelée pour dix ans, mais les 27 ne se sont pour l'instant pas mis d'accord sur le sujet.
"Sur une base scientifique, toutes les raisons de voter contre le renouvellement du glyphosate sont confirmées." Delphine Batho (Ecologiste) a déroulé, mercredi 25 octobre, un long réquisitoire contre l'herbicide, longtemps symbolisé par le Roundup de la société Monsanto. Alors que l’autorisation du glyphosate expire le 15 décembre 2023 dans l'Union européenne, la Commission européenne a proposé de la renouveler pour 10 ans, s'appuyant sur un rapport européen estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d’interdire la substance.
Le 13 octobre, lors d'un vote - au cours duquel la France s'était abstenue - cette proposition n'avait pas obtenu la majorité qualifiée requise, au sein des 27, pour être validée. Un nouveau vote des Etats membres de l'UE doit intervenir courant novembre.
"La proposition de la Commission européenne, actuellement en débat, n'est pas acceptable", a grondé Delphine Batho, en défendant devant la commission des affaires européennes une proposition de résolution - non contraignante pour le gouvernement - visant à engager la France à ne pas voter pour le renouvellement de cette autorisation. Outre les élus de son groupe, le texte a été signé par des députés de la Nupes, du groupe Liot, mais également par quatre députés de la majorité présidentielle, issus des groupes Renaissance et Démocrate. Signe que le sujet ne fait pas consensus.
Comme l'a rappelé l'ancienne ministre de l'Ecologie, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a relevé de faible à moyen le niveau de présomption d'un lien entre le glyphosate et la survenue d'un cancer lymphatique, le lymphome non hodgkinien. Delphine Batho a également souligné le rôle de perturbateur endocrinien, ainsi que des effets neurotoxiques et sur l'ADN, mis en avant par l'Inserm.
Par ailleurs, la députée a dénoncé l'impact de l'herbicide sur l'environnement : pollution des sols, effets sur la faune et la flore, risque pour les pollinisateurs... Autant d'arguments qui plaident, selon elle, pour abandonner l'utilisation du glyphosate sur les sols européens. "Sur le plan économique, le coût des bénéfices de son utilisation est inférieur au coût de ses conséquences, qui sont de 2,3 milliards d'euros par an", a-t-elle indiqué.
Jean-Luc Fugit (Renaissance) a justifié son opposition à la proposition de résolution par son "refus de laisser certains agriculteurs sans solution", en l'absence d'alternative viable à l'herbicide. "C'est une question de responsabilité politique", a-t-il ajouté, se disant en revanche favorable à limiter son usage quand des alternatives non-chimiques sont applicables, en vue d'une sortie progressive de la substance. Il a aussi considéré qu'un renouvellement pour une durée plus limitée que cette de 10 ans proposée par Bruxelles serait préférable. Également membre de la majorité présidentielle, Sabine Thillaye (Démocrate) a insisté sur la nécessité d'une "harmonisation à l'échelle européenne", afin de ne pas pénaliser les agriculteurs français.
"C'est une question sensible, loin de faire consensus au sein de la communauté scientifique" a, quant à, lui relevé Pierre-Henri Dumont (Les Républicains), soulignant lui aussi l'absence de substitut au glyphosate, et ce malgré les nombreux fonds engagés dans la recherche. Plutôt qu'une interdiction pure et dure, le député LR s'est prononcé pour limiter son utilisation et privilégier des "solutions technologiques".
Plus sévère, Pierrick Berteloot (Rassemblement national) a dénoncé la "propagande écologiste" en œuvre pour diaboliser l'herbicide. "Interdire le glyphosate par précaution serait encore une fois condamner à mort nos agriculteurs. Les risques ne sont pas avérés", a-t-il estimé, argumentant pour une réautorisation de 5 ou 7 ans, afin de pouvoir statuer définitivement sur la dangerosité de la substance.
Sans surprise, Delphine Batho a reçu le soutien des députés des groupes de gauche, à commencer celui des élus du groupe Ecologiste. "Le glyphosate est un produit extrêmement dangereux. Le ré-autoriser pour 10 ans va totalement à rebours de l'histoire", a cinglé Julie Laernoes, qui a critiqué la "lâcheté politique" de l'exécutif. D'un ton similaire, sa collègue Marie Pochon a fustigé le "revirement permanent" des autorités.
"Cette abstention de la France est regrettable. Cela cache une vraie décision, celle de la volonté du renouvellement de la substance", s'est indignée Delphine Batho, revenant sur le vote du 13 octobre au niveau européen. "S'abstenir, dans un contexte où il y a une montée du populisme, du complotisme, c'est une manière de se dérober, de louvoyer", a-t-elle critiqué, juste avant le rejet de sa proposition de résolution. En cas d'absence d'accord entre les 27 courant novembre, la Commission pourra décider seule de prolonger l’autorisation du glyphosate.