Devant les députés de la commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre, la directrice de l'IGPN Brigitte Jullien a expliqué que dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, "la police des polices" a ouvert 67 enquêtes administratives, dont huit reconnaissent un usage disproportionné de la force de la part de 17 policiers.
Le maintien de l'ordre est de plus en plus sujet à polémique en France. Six ans après la mort de Rémi Fraisse et deux ans après le début du mouvement des Gilets jaunes, une commission d'enquête a été créée à l'été 2020 à la demande du groupe Socialistes et apparentés. Elle est chargée de travailler sur "l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines du maintien de l’ordre", alors que le ministère de l'Intérieur a publié début septembre une mise à jour de son schéma national du maintien de l'ordre (SNMO).
À ce titre, les députés recevaient mercredi 14 octobre Brigitte Jullien, directrice de l’Inspection générale de la police nationale, une institution est chargée de veiller au respect, par les fonctionnaires de police, des lois et des règlements et du code de déontologie de la Police nationale (IGPN). La directrice de la "police des polices" est notamment revenue sur le mouvement des Gilets jaunes et a tiré un bilan des saisines de l'IGPN. (Toute personne s'estimant victime ou témoin de violences policières peut saisir l'institution, ndlr)
"Depuis novembre 2018, nous avons traité 406 dossiers judiciaires", explique Brigitte Jullien. "311 enquêtes sur les 406 ont été retournées à l'autorité judiciaire", dit-elle, avant de détailler les suites connues de son institution. Depuis presque deux ans, il y a eu "quatre condamnations, six poursuites et quatre mises en examen", révèle Brigitte Jullien, tandis que "quinze policiers ont fait l’objet d’alternatives aux poursuites". En revanche, 205 dossiers des 406 saisines ont été classés par les parquets, indique la directrice de l’Inspection générale de la police nationale.
Brigitte Julien explique par ailleurs que 67 enquêtes administratives ont été ouvertes par l'IPGN. Sur ces 67 enquêtes, "30 ont déjà été retournées à l’autorité administrative", continue-t-elle. En revanche, sur huit enquêtes, "il a été ou va être retenu un usage disproportionné de la force à l’encontre de 17 policiers".
Cette judiciarisation systématique est une remise en cause de toute action de police Brigitte Jullien le 14 octobre 2020
"Ces chiffres ne tiennent pas compte des enquêtes traitées par les autorités locales puisque nous n’avons pas l’exclusivité", précise la directrice de l’IGPN, qui déplore par ailleurs, depuis plusieurs années, "une nette tendance à contester de manière systématique et par principe tout usage de la force, et même de la contrainte, au nom de leur liberté d’aller et de venir " de la part des manifestants. Brigitte Julien souligne que ces contestations ont lieu, "quand bien même les ripostes et l’usage de la force par les forces de sécurité intérieure seraient tout à fait justifiés".
Selon la directrice de l'Inspection générale de la Police nationale, cette "judiciarisation systématique" est “une remise en cause de toute action de police”. Brigitte Jullien s’inquiète que ce constat, "qui touchait essentiellement le maintien de l’ordre", semble désormais s’étendre "au droit commun de l’opération de police judiciaire, voire des services d'intervention comme le RAID ou la BRI sur des opérations périlleuses". "Il résulte de cette situation un risque de paralysie des effectifs et un engorgement réel de l’IGPN", prévient-elle.