Dans une tribune parue dans L'Express le 28 septembre, douze députés issus des rangs de la majorité présidentielle, de la gauche et de la droite, plaident pour que le projet de loi relatif à la fin de vie soit scindé en deux. Ces députés ne souhaitent pas avoir à se prononcer sur un texte qui porterait 'en même temps' sur le développement des soins palliatifs et sur l'instauration éventuelle d'une aide active à mourir.
Alors que la présentation en Conseil des ministres du projet de loi "fin de vie" est attendue prochainement, des députés aux profils politiques variés tentent de peser sur les derniers arbitrages de l'exécutif. Leur souhait : que la question du développement des soins palliatifs, qui fait l'objet d'un consensus, soit dissociée de celle de l'aide active à mourir.
Le projet de loi sur lequel travaille le ministère de la Santé, et plus particulièrement la ministre chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin-Le Bodo, devrait contenir trois volets. L'un consacré aux modalités d'une "mort choisie", un autre aux soins palliatifs, et un troisième dédié aux droits des patients.
Et c'est bien le fait que la partie du texte consacrée au développement des soins palliatifs, dont l'accès est encore loin d'être garanti, cohabite avec la question de l'instauration d'une aide active à mourir, qui inquiète les signataires de la tribune parue dans les colonnes de L'Express, le 28 septembre. Parmi eux : Dominique Potier (Socialistes), Blandine Brocard (Démocrate), André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine) ; Patrick Hetzel (Les Républicains), Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance), ou encore Frédéric Valletoux (Horizons). Si certains des contributeurs s'avèrent radicalement opposés à l'instauration d'une aide active à mourir, qu'il s'agisse d'euthanasie ou de suicide assisté, et l'ont fait savoir haut et fort à la faveur de précédentes prises de position, d'autres ont pu faire part de leurs réserves tout en jugeant le débat souhaitable, et la société mûre pour ce faire. Quoiqu'il en soit, le texte de la tribune se garde ici de livrer un avis explicite sur le sujet.
"Combiner dans un même texte des questions par essence différentes serait une erreur et nous priverait collectivement de la liberté d’expression que nous confère la Constitution", estiment les signataires de la tribune, craignant que la mise en commun de deux sujets, qu'ils estiment radicalement distincts, au sein d'un seul et même vote final sur le projet de loi ne biaise le débat et la décision qui en résultera.
"La criticité du développement des soins palliatifs fait aujourd’hui consensus. Il n’est aucun questionnement éthique et nous sommes réunis à la fois sur un même diagnostic et sur une même visée", font-ils valoir, là où l’aide active à mourir serait "d’une tout autre portée en droit et ne fait pas consensus".
La question de la fin de vie est un tout.
Olivier Falorni (Démocrate)
Un constat vis-à-vis duquel Olivier Falorni (Démocrate) s'inscrit en faux. Auteur en 2021 d'une proposition de loi visant à mettre en place une "assistance médicalisée active à mourir", et président de la mission d'évaluation de la loi de 2016 dite "Claeys-Leonetti", il considère que scinder le projet de loi sur la fin de vie serait "une erreur profonde". "La question de la fin de vie est un tout", estime le député, selon lequel il est primordial que la loi attendue contienne à la fois le volet lié à l'aide active à mourir et celui sur les soins palliatifs, mais également les blocs consacrés aux droits des patients et à l'accompagnement du deuil. Et d'opposer à celle des députés une autre tribune, parue dans Le Monde et signée cette fois par 90 professionnels de santé en exercice, réclamant de pouvoir "accompagner les malades sans espoir de guérison dans leur demande d’aide active à mourir", qu'ils apparentent à un "soin".
Pour le communiste Pierre Dharréville, signataire de la tribune parue dans L'Express, instaurer un "continuum" entre soins palliatifs et aide active à mourir constitue "un problème". Le fait d'inscrire dans un seul et même projet de loi des sujets qui ne sont selon lui pas de même nature, nécessitant dans les deux cas d'être abordés "avec le plus grand soin", n'est "pas à la hauteur".
De même pour Patrick Hetzel (Les Républicains), farouche opposant à l'instauration éventuelle d'une aide active à mourir, et pour qui les deux aspects cités dans le texte sont "anthropologiquement de nature différente". Réfutant également l'idée qu'un continuum puisse s'exercer, il estime par ailleurs que le fait de lier soins palliatifs et aide active à mourir relève de la part de l'exécutif d'un "choix stratégique". "Au travers de cette tribune, on dénonce aussi une forme de cynisme politique. Or, on ne peut pas faire preuve de cynisme autour de ces questions", martèle le député.
Dénonçant "une manière de créer une forme de package pour rendre l’aide active à mourir acceptable", Patrick Hetzel n'envisage pas que les conditions pour un débat serein dans l'hémicycle puissent se faire jour à moins d'examiner deux textes distincts.
L'hypothèse de voir deux textes présentés au Parlement s'avère cependant peu probable, le projet de loi relatif à la fin de vie étant déjà sur le bureau du président de la République, en attente des derniers arbitrages concernant la question de l'aide active à mourir, avant sa présentation en Conseil des ministres d'ici à la fin de l'année, et un examen à l'Assemblée nationale annoncé pour l'année prochaine.
Les députés signataires de la tribune parue dans L'Express le 28 septembre :
Blandine Brocard, députée (Démocrate) du Rhône ; Vincent Bru, député (Démocrate) des Pyrénées-Atlantiques ; André Chassaigne, député (Gauche démocrate et républicaine) du Puy-de-Dôme ; Pierre Dharréville, député (Gauche démocrate et républicaine) des Bouches-du-Rhône ; Patrick Hetzel, député (Les Républicains) du Bas-Rhin ; Caroline Janvier, députée (Renaissance) du Loiret ; Yannick Neuder, député (Les Républicains) de l’Isère ; Astrid Panosyan-Bouvet, députée (Renaissance) de Paris ; Dominique Potier, député (Socialistes) de Meurthe-et-Moselle ; Cécile Untermaier, députée (Socialistes) de Saône-et-Loire ; Frédéric Valletoux, député (Horizons) de Seine-et-Marne ; Annie Vidal, députée (Renaissance) de Seine-Maritime.