Fin de vie : Alain Claeys, co-auteur de la loi actuelle auditionné par les députés

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par Soizic BONVARLET, le Lundi 23 janvier 2023 à 12:31, mis à jour le Mardi 24 janvier 2023 à 10:34

La mission d'évaluation de la loi du 2 février 2016 dite "Claeys-Leonetti" a auditionné Alain Claeys, co-rapporteur de la loi qui porte son nom, ainsi que le professeur Régis Aubry. Tous deux sont les auteurs de l'avis du Comité consultatif national d’éthique qui, en septembre dernier, s'est prononcé en faveur d'une aide active à mourir strictement encadrée.

L'ancien député socialiste Alain Claeys et le professeur Régis Aubry, fervents défenseurs des soins palliatifs, avaient co-rédigé l'été dernier un avis pour le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), dont ils sont tous les deux membres, qui considère "qu’il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir". Auditionnés lundi 23 janvier par la mission d'évaluation de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, ils ont souligné la nécessité de ne pas opposer le développement d'une "culture palliative" et la possibilité d'une aide active à mourir.

Une "culture palliative" qui ne va pas encore de soi

À l'origine, avec Jean Leonetti, de la dernière grande loi consacrée à la fin de vie, Alain Claeys a initié sa propre audition par une question qu'il a lui-même formulée : "Est-ce que cette loi règle tout ?" "Non", a immédiatement admis l'ancien parlementaire. Il a notamment fait valoir que le Parlement avait alors été saisi pour prendre spécifiquement en charge les situations dans lesquelles le pronostic vital des patients est engagé à court terme.

Appliquée à l'hôpital et très peu au sein des Ehpad ou à domicile, Alain Claeys a indiqué que "la loi de 2016 reposait avant tout et en toile de fond sur le développement des soins palliatifs", et qu'il reste "encore aujourd'hui un énorme travail à faire" sur le sujet. Il a notamment incriminé le défaut de moyens, 20 départements ne disposant toujours pas d'unité de soins palliatifs, mais aussi le manque de formation chez les soignants.

Bien que pré-requis nécessaire, Alain Claeys et Régis Aubry ont fait le constat que, même en situation d'application de la loi, certains cas restaient réfractaires à son champ. "Nous sommes confrontés à des demandes d'aide active à mourir, qui ne sont pas nombreuses, mais qui existent", a ainsi déclaré Régis Aubry, qui dirige le département douleurs - soins palliatifs du CHU de Besançon. Une telle demande est "signifiante", a-t-il aussi estimé, en ce qu'"elle signifie une souffrance".

Distinguer suicide assisté et euthanasie

Si Régis Aubry a participé à l'avis ouvrant la voie à un débat sur l'instauration d'une aide active à mourir en France, il a tenu à opérer un distinguo entre assistance au suicide et euthanasie. Si dans le premier cas, le patient se voit prescrire, selon des conditions strictes, une substance létale, le médecin administre lui-même la substance en cas de demande d'euthanasie. "Il y a des enjeux éthiques différents entre la question de l'assistance au suicide et celle de l'euthanasie", a considéré le médecin, citant l'exemple de l'Oregon, aux États-Unis, où le suicide assisté est autorisé, et où un tiers des personnes à qui un produit létal a été prescrit feraient finalement le choix de ne pas en faire usage.

Régis Aubry a aussi estimé que cette "ambivalence" et ce choix en dernière instance, pouvaient être mis à mal dans le cadre d'une euthanasie, avant de questionner le rôle du médecin en tant qu'"acteur" de l'administration létale. "Qu'au terme d'un accompagnement on accepte qu'une personne se suicide, est quelque chose qui à mon avis, relève de la solidarité et du respect de l'autonomie", a-t-il estimé. "Qu'on soit l'acteur de l'administration du produit létal réduit la part d'autonomie de la personne".

Plus largement, le médecin a évoqué le "sentiment d'indignité" qui frappe nombre de ses patients en situation de maladie ou de handicap sévères, et souhaité que la société change le regard qu'elle porte sur ces situations de vulnérabilité, avant d'appeler de ses vœux un véritable volontarisme politique en la matière.