Les élus français ont posté de nombreux messages de solidarité aux membres du Congrès américain après l'invasion du Capitole par des soutiens du président sortant Donald Trump. L'événement ravive aussi sur les débats sur les populismes et le rôle des réseaux sociaux.
Les parlementaires français solidaires de leurs collègues américains. Mercredi, alors que le Congrès des États-Unis devait valider la victoire du futur président Joe Biden, des manifestants pro-Trump ont pénétré à l'intérieur du Capitole. Ils ont réussi, en s'introduisant au sein des hémicycles des deux chambres, à interrompre la session parlementaire qui devait avaliser les résultats de l'élection.
Des évènements condamnés avec fermeté par les députés français. "Mes pensées démocratiques et amicales vont aux parlementaires des États-Unis d'Amérique empêchés de siéger", a réagi dès mercredi soir le Président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand.
"Les députés La République en marche apportent tout leur soutien aux parlementaires américains et à tous ceux qui défendent la démocratie, que nous avons en commun", a également affirmé le président du groupe LaREM à l'Assemblée nationale Christophe Castaner.
Damien Abad, le président du groupe Les Républicains, a lui aussi réagi, jugeant "le comportement de Donald Trump et d'une partie de ses soutiens indigne de la démocratie américaine". Le député LR a déploré des "images tristes et désastreuses".
Dans une démocratie, le choix des électeurs et les résultats du vote doivent être respectés ! Damien Abad
D'autres députés se sont en outre alarmés d'institutions rendues fragiles, aux États-Unis comme ailleurs, par le jeu des "populistes". "Quand les populistes accèdent au pouvoir, jamais ils ne s'inscrivent dans la démocratie", a estimé la présidente du groupe "Socialistes" à l'Assemblée nationale Valérie Rabault, appelant à "préserver les institutions, et donc la démocratie". Même inquiétude chez le président du groupe MoDem : "La démocratie est fragile, nos devoirs n'en sont que plus grand", a estimé pour sa part Patrick Mignola.
"Voici où mène le populisme : à la tentative de destruction de la démocratie et des institutions", a tweeté Olivier Becht, le président du groupe Agir ensemble. Pour le président du groupe "Libertés et Territoires", Bertrand Pancher, ces événements sont "une nouvelle et troublante démonstration de l'extrême fragilité des pays libres avec des populistes au pouvoir". Enfin dans un message rédigé en anglais, le président du groupe "UDI et indépendants" Jean-Christophe Lagarde a estimé que "Trump le fou", qui a "fait suffisamment de mal à l'ensemble du monde libre", devait "s'en aller" : "Enlevez-lui vite l'arme nucléaire !"
Rapidement cependant, le débat s'est aussi déplacé sur le sol français. "Honte à tous les soutiens de Trump qui l’ont toujours défendu comme Marine Le Pen" a mis en cause, toujours sur Twitter, le secrétaire national du PCF et député du Nord Fabien Roussel. À l'unisson le président du groupe La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a jugé que "l'extrême droite doit être repoussée et réprimée aux États-Unis, et ses connexions dans le monde mises hors d'état de nuire". Il a demandé à "[Marine] Le Pen et au Rassemblement national" de "retirer leur soutien à Trump".
"Pour faire des leçons de démocratie, il faut soi-même être irréprochable" a répondu le porte-parole du groupe LaREM à l'Assemblée nationale, Pieyre-Alexandre Anglade, interrogé par LCP. Tout en distinguant "les violences des partisans de Trump avec ce qui se passe en Europe aujourd'hui", il dénonce "les mouvements démagogues, nationalistes, identitaires, qui prospèrent sur le continent européen". Et de charger tout à la fois le leader de la France Insoumise – "qui n'a jamais eu le moindre mot pour dénoncer les violences des gilets jaunes" – que Marine Le Pen, "qui a été pendant quatre ans le relais du trumpisme dans notre pays".
Le député des Français d'Amérique du Nord, Roland Lescure (La République en marche) dresse lui aussi un parallèle entre les situations américaine et européenne. "Mais aux Etats-Unis, ces électeurs désenchantés se sont trouvés un leader", précise l'élu. Il estime que Trump a "su déclencher une étincelle".
Invitée des 4 vérités sur France 2 jeudi matin, la présidente du Rassemblement nationale a répliqué à ces attaques. "Extrêmement choquée par ces images de violences", elle a estimé que "dans une démocratie, on doit défendre le droit de contester, de manifester mais pacifiquement", Mais la députée du non-inscrite du Pas-de-Calais d'ajouter aussitôt, à propos des insurgés : "Moi, je ne les confonds pas avec les 72 millions d'Américains qui ont voté pour Donald Trump et qui n'ont pas envie d'être amalgamés avec ce type de comportement".
Autre sujet de débat, le rôle joué dans ces événements par Internet. Ainsi Roland Lescure voit dans les évènements survenus aux Etats-Unis "la révolte d'une petite minorité très active sur les réseaux sociaux".
Tout en regrettant que Donald Trump n'ait "manifestement pas mesuré la portée de ses propos", Marine Le Pen s'en est elle pris à la décision de Facebook et Twitter de bloquer temporairement les comptes de Donald Trump. Cela "nous interroge aussi nous Français" : "Est-ce que des grandes sociétés privées comme les géants du numérique peuvent décider de qui a le droit de parler ?".
Quoiqu'il en soit, les événements du Capitole vont d'alimenter les débats en France sur cette question. Elle devrait d'ailleurs très prochainement être débattue par les députés, le projet de loi sur le respect des principes de la République – qui sera examiné début février dans l'hémicycle – comportant des mesures pour lutter contre les contenus illicites et la haine en ligne.
Enfin, plus largement c'est l'état de nos démocraties qui est en question. Interrogé par LCP, le député La France insoumise Alexis Corbière évoque ainsi "le sentiment que quelque chose ne fonctionne plus" dans nos institutions : "Les gens ne vont plus voter, ils ont le sentiment que cela ne changera rien", affirme-t-il. Il rappelle avoir été lui-même "élu avec 60% des voix mais seulement 20% des électeurs inscrits". Le député insiste sur "la nécessité de rétablir des outils démocratiques".
À l'inverse, le président du groupe d'amitié France-Etats-Unis à l'Assemblée nationale, Guy Teissier (Les Républicains) juge que la France n'est pas menacée par des débordements similaires à ceux observés aux Etats-Unis : "Nous sommes deux grands peuples très différents." Selon lui, en France, "les groupuscules, collectifs très virulents qui agissent depuis un certain nombre d'années sont extrêmement marginaux".