Le ministre de la Santé, Olivier Véran, était auditionné mercredi 13 janvier par les députés de la commission des Lois, sur le projet de loi qui prolonge l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021. Le texte, qui autorise en outre la mise en œuvre d'un régime transitoire jusqu'à la fin septembre, avait été présenté le matin en Conseil des ministres. Dans une ambiance parfois tendue, les députés de l'opposition ont protesté contre le calendrier d'examen du texte, très resserré, ainsi que contre la durée de la prolongation fixée par l'exécutif.
L'Union sacrée entre la majorité et les oppositions contre le front du Covid-19 semble loin. C'est devant des députés de la commission des Lois, pour le moins partagés, que le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, est venu défendre le projet de loi "prorogeant l’état d’urgence sanitaire", qui doit être examiné dès ce jeudi par les élus.
Le texte prévoit de prolonger l'état d'urgence sanitaire du 16 février 2021, date de sortie prévue par le précédent texte voté sur ce sujet, au 1er juin 2021. Le cadre juridique de cet état d'exception, qui prévoit l'instauration d'un régime transitoire, doit pour sa part être étendu jusqu'à la fin de l'année 2021. Il permet la mise en oeuvre de mesures contraignantes destinées à lutter contre la propagation du nouveau coronavirus, sur tout ou partie du territoire national. La caducité des fichiers de traçage utilisés, Contact Covid et SI-DEP, est pour sa part étendue jusqu'à la fin de l'année 2021.
Premier écueil pour les député de l'opposition : le calendrier d'examen du texte. Ce dernier, qui doit être examiné en séance publique à partir du 20 janvier, a été présenté mercredi matin en Conseil des ministres, puis mis en ligne sur le site de l'Assemblée aux alentours de 16 heures, environ deux heures et demie avant l'audition d'Olivier Véran. Ce qui a notoirement agacé de nombreux députés, dont Philippe Gosselin (Les Républicains), Danièle Obono (La France insoumise) ou encore Pascal Brindeau (Union des démocrates et indépendants). Le député de la majorité Sacha Houlié (LaREM) a également convenu qu'il était "assez délicat" de devoir étudier le texte dans ces conditions.
La présidente de la commission, Yaël Braun-Pivet a tenu à préciser que les députés de la commission avaient été mis au courant de l'examen du texte et de l'audition du ministre de la Santé "il y a une semaine", la représentation nationale ayant selon elle été avertie suffisamment en avance.
Au-delà de la forme, plusieurs députés de l'opposition ont critiqué l'usage sur le temps long d'un état d'exception "exorbitant de droit commun", comme l'a expliqué Philippe Gosselin.
Il s'est également interrogé sur le fait que le projet de loi ne propose pas de "clause de revoyure" avant plusieurs mois, écartant de fait le contrôle parlementaire. Une critique également portée par d'autres élus du groupe Les Républicains, tels que Raphaël Schellenberger ou Guillaume Larrivé, ce dernier jugeant le texte "too much".
"Tout est décidé d'avance. On nous demande juste de voter pour", s'est désolé Paul Molac (Libertés et territoires), pour qui la "vindicte populaire ne manquera pas de se mettre en place". Danièle Obono a pour sa part martelé que le projet de loi marquait "l'échec du gouvernement".
Je n'ai pas connu dans ma vie de restrictions aussi importantes que celles-là. Paul Molac, député Libertés et territoires
Confronté à ces critiques, Olivier Véran n'a pas caché son agacement. "Je note beaucoup de propositions bienveillantes, pragmatiques et constructives de la part des intervenants, pour permettre de protéger les Français sans avoir à recourir à l'état d'urgence sanitaire", a-t-ironisé, ajoutant avoir passé 20 heures au Parlement au cours des deux derniers jours, démontrant ainsi sa volonté de participer au débat parlementaire.
Le ministre de la Santé a déployé tout un arsenal argumentaire pour convaincre les députés les plus rétifs à une nouvelle prorogation de l'état d'urgence sanitaire ou de régimes transitoires, en vigueur depuis le 24 mars 2020 sur le territoire national. Il a jugé cette prorogation "indispensable", du fait de l'évolution de la propagation de l'épidémie sur le territoire et de la menace du variant britannique. Olivier Véran a également soutenu que la France était l'un des pays européens affichant le "niveau de contraintes le plus faible".
Il s'est également prononcé contre la suppression de l'article 3 du projet de loi, qui prévoit de prolonger le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu'au 30 septembre 2021, rappelant l'utilité qu'avait eu ce régime dans les Bouches-du-Rhône lors de la reprise de l'épidémie à la rentrée 2020.
Olivier Véran a, par ailleurs, démenti que le projet de loi permettrait au gouvernement de recourir à un confinement généralisé jusqu'à la fin de l'année, comme l'avait soutenu Raphaël Schellenberger, et a rappelé que l'exécutif ne comptait pas mettre en place un "passeport sanitaire" pour les personnes vaccinées, hypothèse qui avait fait polémique.
Par ailleurs, le ministre de la Santé a été interrogé à plusieurs reprises sur le retrait d'un texte instituant un cadre général de l'état d'urgence sanitaire dans le droit commun afin de pouvoir y recourir quand les circonstances l'exigent. Le projet de loi, controversé, avait été retiré le 22 décembre dernier, "entre la bûche et la galette", selon les mots de Danièle Obono. Le ministre de la Santé a justifié cette décision par la nécessité de ne pas statuer sur un tel texte dans un contexte d'urgence. "Si, par grand malheur, on avait besoin d'avoir encore des mesures de gestion sanitaire après [le 31 décembre 2021], un nouveau texte vous serait présenté dans l'intervalle."