Proposée par Emmanuel Macron, la nomination du maire de Charleville-Mézières, Boris Ravignon (Les Républicains), à la tête de l'Agence de la transition énergétique, a été rejetée par l'Assemblée nationale et le Sénat. Ce rejet est une première sous la Ve République concernant une nomination qui doit être validée par le Parlement.
C'est la première fois qu'une nomination proposée par un président de la République est repoussée par le Parlement depuis que cette possibilité existe suite à la révision constitutionnelle de 2008. Mercredi 12 avril, après avoir été auditionné par les commissions du développement durable de l'Assemblée nationale et du Sénat, Boris Ravignon a vu sa candidature à la tête de l'Ademe rejetée par le Parlement.
Depuis décembre dernier, le maire Les Républicains de Charleville-Mézières, était président, par intérim, du conseil d’administration de l’Agence de la transition écologique. Une fonction à laquelle Emmanuel Macron souhaitait le nommer pour cinq prochaines années.
Créée en 1991 et issue de la fusion de plusieurs agences étatiques, l'Ademe est une agence de l'Etat réfléchissant particulièrement aux questions de transition écologique et d'expertise à destination des collectivités territoriales. Elle a été présidée, de janvier 2018 jusqu'en juin 2022 par l'ancien député socialiste, devenu proche d'Emmanuel Macron, Arnaud Leroy. Sa démission avant le terme de son mandat avait mené à la nomination de Boris Ravignon, après un scrutin serré, en décembre dernier.
Si le maire LR de Charleville-Mézières affirmait récemment auprès de L'Ardennais "[ne pas avoir] d'inquiétude" pour être renouvelé à son poste, les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat qui ont le pouvoir de valider, ou pas, un certain nombre de nominations, en ont donc décidé autrement.
Soutenu par l'Elysée et proche d'Emmanuel Macron (voir ici), le candidat à sa propre succession devait, quatre mois après son audition par le Parlement pour accéder à la présidence par intérim, obtenir à nouveau l'aval des députés et des sénateurs siégeant au sein de la commission du développement de chacune des deux Chambres, pour être confirmé à la tête de l'Ademe pour cinq ans.
Alors que l'Ademe a connu une vacance à la tête de sa direction de juin 2022 à décembre 2022, entre la démission d'Arnaud Leroy et la nomination de Boris Ravignon par intérim, celui-ci a souhaité, lors de son audition par les députés, résumer l'enjeu de sa candidature par la formule "instabilité ou continuité".
Dans une salle pleine, il a plaidé pour sa cause en défendant notamment l'indépendance de l'Agence de la transition écologique fonctionnant "avec aucun parti pris idéologique [...] pour éclairer l'avenir et permettre à la représentation nationale de faire les choix les plus éclairés". Il a aussi défendu l'Ademe comme une "agence des solutions", pour contribuer notamment à "l'accompagnement des mutations" et la "décarbonation de l'industrie" française.
Les échanges avec les députés de différents groupes ont cependant reflété, hormis au sein de la majorité présidentielle, un scepticisme partagé et fondé sur trois aspects : cumul des mandats et des fonctions alors que Boris Ravignon est déjà maire et président d'agglomération, positionnement pro-nucléaire et proximité avec l'Elysée pouvant menacer l'indépendance de l'Agence.
La question du cumul des mandats a été particulièrement pointée du doigt par Les Républicains qui ont critiqué par la voix de Pierre Vatin, "l'amateurisme dans la succession à la tête de l'Ademe". Emmanuel Blairy, au nom du groupe "Rassemblement national", a également insisté sur la question du cumul des mandats, appelant à une "disponibilité totale" du prochain président de l'Ademe.
Tout en insistant sur le caractère problématique du cumul des mandats et des fonctions, Nicolas Thierry du groupe "Ecologiste", a critiqué "le décalage entre les missions de l'Ademe et [les] positions" de Boris Ravignon en matière d'énergies renouvelables - une critique également formulée par Sylvain Carrière (groupe "La France insoumise") à propos des positions pro-nucléaire du président par intérim.
Refusant de choisir entre la présidence de l'Ademe et la poursuite de ses mandats d'élu local, Boris Ravignon a répliqué en indiquant que le cumul des mandats était "légal" et était même un "atout" à ses yeux, en permettant de "rester au contact du terrain" et d'être "à portée de baffes".
Après l'Assemblée nationale, Boris Ravignon a été auditionné au Sénat. Chaque audition donnant lieu à un vote au sein de la commission du développement durable de chacune des Chambres. Au total, 57 parlementaires ont voté "contre" sa nomination, tandis que 32 ont "pour".
Or l'article 13 de la Constitution stipule que pour ce genre de nomination : "Le président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions." Ce seuil de trois cinquièmes ayant été franchi, la nomination de Boris Ravignon est donc empêchée par le Parlement.