Engie regrette que Veolia et Suez "s'écharpent" et appelle au dialogue

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par Jason Wiels, le Mardi 29 septembre 2020 à 11:30, mis à jour le Lundi 8 février 2021 à 11:23

Devant les députés, le président du conseil d'administration d'Engie, Jean-Paul Clamadieu, s'est dit sous la "pression" de l'offre limitée dans le temps de Veolia, qui pourrait encore améliorer sa proposition pour s'emparer des parts de son rival Suez.

La fusion des géants du traitement de l'eau et des déchets aura-t-elle lieu ? Les appétits de Veolia pour son concurrent Suez créent en tout cas des remous au sein du capitalisme français : "Je ne crois pas que la place de Paris donne une très bonne image quand on voit deux groupes s'écharper de cette manière", a regretté mardi Jean-Pierre Clamadieu, à la tête d'Engie, auditionné par les députés spécialistes des finances et des affaires économiques.

Tout commence en janvier, quand le président du conseil d'administration d'Engie prévient le patron de Suez, Philippe Varin, que le groupe gazier veut vendre l'importante participation financière (32%) qu'il détient au sein du numéro 2 français de la gestion des eaux usées. "Je lui ai dit qu'il fallait se préparer", a assuré Jean-Pierre Clamadieu à la représentation nationale. Le projet de vendre les parts est confirmé officiellement en juillet, afin de permettre à Engie de dégager des ressources pour se concentrer sur son développement dans le secteur de l'énergie.

Une offre millimétrée

Depuis, Veolia a formulé une offre de 2,9 milliards d'euros le 30 août, située juste sous le seuil légal de 30% qui déclenche obligatoirement une offre publique d'achat (OPA) : "J'ai été surpris par la forme de cette offre, qui porte non pas sur les 32% que nous détenions (...) mais sur 29,9%. Cela permet une transaction très rapide, c'est sur cet effet que souhaite jouer évidemment Antoine Frérot [le PDG de Veolia]", a-t-il décrit. Si Engie a depuis demandé à Veolia de réhausser sa proposition, Jean-Pierre Clamadieu estime que le projet industriel du numéro 1 du secteur est "cohérent".

Surtout, c'est le seul projet actuellement sur la table : "Quand vous voulez vendre quelque chose il vaut mieux avoir deux acheteurs plutôt qu’un. Ma déception c’est qu’au fil de ces quatre dernières semaines nous n’avons pas vu de seconde offre se constituer", a-t-il regretté. Pourquoi ne se donne-t-il pas plus de temps pour trouver un autre investisseur ? Parce que pour Veolia, qui l'a confirmé devant l'Assemblée nationale, le 30 septembre constitue une date limite pour répondre à son offre. Un ultimatum dont le refus pourrait conduire à une perte virtuelle de près d'un milliard d'euros pour le vendeur Engie :

Si demain l’offre de Veolia vient à expiration, le cours de Suez va redescendre au niveau où il était avant à 12 euros. Notre participation aura perdu un milliard de valeur. Est-ce un risque que nous devons prendre ? Jean-Paul Clamadieu, le 29 septembre 2020

Du côté de Suez, la position est tout aussi rigide : c'est un refus net de se vendre à son principal concurrent. L'entreprise craint même un "démantèlement" en règle de ses activités en France pour se conformer au droit de la concurrence et agite la crainte de "4000 licenciements". Pire : le groupe compte mener une véritable guérilla juridique. Le 23 septembre, il a annoncé le déplacement de sa filiale Eau France dans une fondation aux Pays-Bas pour la mettre à l'abri. "On rêve, on rêve !", a lâché Jean-Paul Clamadieu devant les députés, qui qualifie de "pilule empoisonnée" la ruse déployée par Suez pour contrer Veolia.

L'État peut-il mettre fin à "la guerre" ?

Par sa participation dans Engie (22% des parts, un tiers des votes), l'État pourrait être en mesure de remettre un peu d'ordre dans ce dossier sensible, par exemple en demandant à Veolia un peu plus de temps. C'est ce qu'a sous-entendu Bruno Le Maire lors des questions au gouvernement, quelques heures après l'audition de Jean-Paul Clamadieu : "L'État ne cédera à aucun ultimatum, à aucune pression. L'enjeu est trop important, il y a 30 000 emplois chez Suez [en France]."

Veolia est censée ajuster sa proposition mardi soir, à la veille d'un nouveau conseil d'administration d'Engie. Le groupe gazier va-t-il sceller la vente avec son seul acheteur ? Le feuilleton pourrait tout même de se prolonger étant donné l'enjeu du dossier : à eux deux, Veolia et Suez pèsent 36 milliards d'euros de chiffre d'affaires et près de 5% des parts de marché de leur secteur dans le monde.