Les députés ont entamé, lundi 5 décembre, l'examen en séance du projet de loi relatif à "l'accélération de la production d'énergies renouvelables". Le texte vise notamment à lever les freins au développement des filières de l'éolien et du photovoltaïque, dans un contexte de crise énergétique, et alors que la France accuse un retard en matière d'EnR. Les députés ont deux semaines pour plancher sur le projet de loi.
"Un tournant historique". C'est ainsi que la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a qualifié le projet de loi sur "l'accélération de la production d'énergies renouvelables" examiné depuis lundi après-midi, 5 décembre, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. En ouvrant le débat sur ce texte, largement amendé avant d'être adopté par le Sénat début novembre, la ministre a fait part de son état d'esprit "confiant" quant à la capacité des députés à s’accorder sur "l'essentiel", à savoir "faire face à la crise énergétique, pour le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité des entreprises, défendre l'indépendance industrielle, énergétique et politique de notre pays, lutter contre le dérèglement climatique pour l'avenir de nos enfants".
À la tribune, la ministre a notamment indiqué que concernant la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM), "le gouvernement défendra un amendement de rétablissement de la rédaction initiale". Lors de l'examen du texte en commission, les députés avaient rejeté l'article 4 qui étendait cette RIIPM à tous les projets d'EnR. Souhaitant répondre aux inquiétudes exprimées quant aux conséquences éventuelles de cet article en matière de préservation de la biodiversité, la ministre a rappelé que la mesure avait été adoptée à l'échelon européen, et assuré qu'elle n'avait pas vocation à revenir sur "les conditions à remplir en matière d'impact environnemental".
Ce gouvernement ne sacrifiera pas la biodiversité au profit du climat. Agnès Pannier-Runacher
Pas suffisant cependant, à ce stade en tout cas, pour convaincre Hubert Wulfranc (Gauche démocrate et républicaine), selon qui la biodiversité constituait "le parent pauvre du texte initial". S'il a concédé des améliorations non négligeables grâce au travail conjugué des sénateurs et des députés en commission, il n'en a pas moins déclaré, s'adressant au gouvernement : "Vous revenez sur la suppression de l'article 4, clairement, vous faites régresser le droit de l'environnement". La principale crainte des députés opposés à la généralisation de la RIIPM étant que les dérogations deviennent la norme pour installer des dispositifs d'énergies renouvelables dans des espaces naturels, là où la Nupes notamment, souhaite que soient privilégiés les terrains d'ores-et-déjà artificialisés.
Plusieurs députés ont profité de la tribune qui leur était donnée par la discussion générale sur le texte pour dénoncer l'impréparation dont fait, selon eux, preuve le gouvernement au sujet de la crise énergétique et de ses conséquences éventuelles sur la fourniture d'électricité. Emmanuelle Ménard (non inscrite) a déploré "les errements de l’État stratège", quand Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine) a réitéré la demande de son président de groupe, André Chassaigne, d'organiser un débat au Parlement sur les risques de coupures d'électricité au cours de l'hiver.
À propos du projet de loi, Les Républicains et le Rassemblement national ont fait part de leurs vives critiques à l'endroit de la copie du gouvernement. Emmanuel Maquet (LR) a , lui aussi, dénoncé l'élargissement de la RIIPM au détriment "de la faune et de la flore", avant de déplorer le manque de considération faite par le texte aux "territoires" et aux élus. Jean-Philippe Tanguy (RN) a, pour sa part, mené une attaque en règle contre les éoliennes et les panneaux solaires : "Plus vous développez les énergies intermittentes, plus vous nous lierez aux énergies fossiles, en particulier au gaz, elles fonctionnent de pair", a affirmé le député.
Du côté des Écologistes, Charles Fournier a salué des "avancées" et un "bon texte de méthode", avant de souligner l'importance d'"une loi de programmation ambitieuse" et d'un devoir de vigilance sur la RIIPM et l'agrivoltaïsme, tandis que Marie-Noelle Battistel (Socialistes et apparentés) a évoqué "deux points durs" persistants à ce stade dans le texte, à savoir "le solaire au sol" et "la question du partage de la valeur". "L'accueil d'installations de production d'EnR n'est pas une charge qui implique une indemnisation, mais une contribution à un effort national", a-t-elle aussi estimé, critiquant le principe d'une remise sur le prix des factures d'électricité pour les usagers résidant à proximité de ces installations. La députée a indiqué que si les modifications proposées par son groupe étaient prises en compte, elle et ses collègues du groupe Socialistes seraient en mesure de voter le texte "comme si c'était presque le nôtre".