Destitution d'Emmanuel Macron : la commission des lois rejette largement la procédure initiée par LFI

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La procédure de destitution d'Emmanuel Macron a été rejetée en commission des lois. LCP
La procédure de destitution d'Emmanuel Macron a été rejetée en commission des lois. LCP
par Maxence Kagni, le Mercredi 2 octobre 2024 à 15:21, mis à jour le Mardi 8 octobre 2024 à 11:44

La proposition de résolution visant à lancer une procédure de destitution à l'encontre du président de la République a été rejetée, ce mercredi 2 octobre, par la commission des lois de l'Assemblée nationale. C'est la Conférence des présidents de l'institution qui décidera de la suite à donner à l'initiative de la France insoumise, avec un éventuel examen dans l'hémicycle.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a repoussé, très largement, l'initiative de La France insoumise. Ce mercredi 2 octobre, les députés ont rejeté la proposition de résolution "visant à réunir le Parlement en Haute Cour, en vue d'engager la procédure de destitution du président de la République", Emmanuel Macron (15 voix pour, 54 contre). 

Le texte de la résolution avait été signé par la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, ainsi que 80 autres députés issus de La France insoumise, de la Gauche Démocrate et Républicaine et du groupe Ecologiste et Social : ils estiment que le chef de l'Etat a commis "un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat" en ne nommant pas la candidate du Nouveau Front Populaire, Lucie Castets, à Matignon. Un argumentaire rejeté mercredi matin par les représentants des huit autres groupes politiques de l'Assemblée, la plupart jugeant l'initiative "infondée juridiquement".

LFI dénonce un "coup de force"

C'est Antoine Léaument (LFI) qui a défendu devant ses collègues la proposition de résolution. Le député de l'Essonne a dénoncé "le coup de force" d'Emmanuel Macron, qui s'est "arrogé seul un droit de veto" à l'issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet derniers. "En démocratie, on ne respecte pas les élections seulement quand on est satisfait du résultat", a déclaré Antoine Léaument.

L'élu reproche à Emmanuel Macron d'avoir nommé Michel Barnier à Matignon alors qu'il est issu "d'un parti ayant fait 5% aux élections". "Comment appelle-t-on un régime où ce sont les perdants qui gouvernent ? Certainement pas la démocratie ou la République", a déclaré Antoine Léaument. "Bravache, il avait dit 'qu'ils viennent me chercher', l'heure est venue", a-t-il encore ajouté.

Même s'il n'avait pas signé le texte, l'élu écologiste Pouria Amirshahi (Ecologiste et social) a voté en faveur de la proposition de résolution afin de provoquer "un débat sur la responsabilité politique du Président et sur son rôle même". "Il ne s'agit pas du procès d'un homme mais du procès d'une Constitution, de l'hyperprésidentialisme et de la Ve République", a considéré le député de Paris. "A part cette procédure exceptionnelle, il n'en existe aucune autre (...) pour contraindre le président de la République de répondre de ses décisions graves", a-t-il estimé. "La dérive autocratique du Président impose une réponse constitutionnelle des parlementaires à la hauteur du coup de force contre nos institutions", a ajouté Emeline K/Bidi (Gauche Démocrate et Républicaine).

Une absence de "consensus"

L'argumentaire des députés favorables à la destitution d'Emmanuel Macron avait été été contredit, en ouverture de séance, par le rapporteur Jérémie Iordanoff (Ecologiste et Social). Selon lui, le président de la République a accumulé les "fautes politiques" depuis la dissolution de l'Assemblée nationale. Cette accumulation ainsi que les "répercussions" des décisions du chef de l’Etat peuvent "constituer un manquement", au sens de l'article 68 de la Constitution, qui prévoit la procédure de destitution.

Mais ce manquement n'est pas "manifestement incompatible" avec l'exercice du mandat de président de la République puisque le mot "manifeste" sous-entend "l'hypothèse d'un consensus qui dépasse largement les clivages partisans", ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Jérémie Iordanoff estime donc que l'initiative de ses collègues n'est pas fondée : "Il existe un autre mécanisme pour aller rechercher la responsabilité de l'exécutif au sens large, c'est la motion de censure".

Une position partagée par le représentant du groupe Socialistes et apparentés, Hervé Saulignac : "L'honneur de notre Assemblée sera de ne pas répondre à un abus de pouvoir par un autre abus de pouvoir.

"Robespierre aux petits pieds"

Les autres groupes se sont montrés très critiques vis-à-vis de ce qu'ils considèrent être un "coup de communication" de La France insoumise. "Nous sommes tous conscients que pour des raisons juridiques et d'équilibre politique la destitution du président de la République ne recueillera pas l'assentiment des deux tiers des parlementaires et n'ira pas à son terme", a souligné Philippe Latombe (Les Démocrates). Tandis que Philippe Gosselin (Droite Républicaine) et Agnès Firmin Le Bodo (Horizons) ont dénoncé un "procès politique" et une "manœuvre abusive".

Et Aurore Bergé (Ensemble pour la République) de dénoncer l'attitude des signataires de la proposition qui veulent "jouer les Robespierre aux petits pieds", tandis que Brigitte Barèges (Union des Droites pour la République) a évoqué l'"ivresse révolutionnaire" de La France insoumise. 

"La meilleure façon de priver Emmanuel Macron de ses fonctions présidentielles eut été de faire en sorte qu'il n'y accédât pas" a, quant à lui, ironisé Philippe Schreck (Rassemblement national), reprochant à la gauche de l'avoir préféré à Marine Le Pen en 2017 et 2022. Pour Paul Molac (LIOT), la tentative de La France insoumise est même contreproductive : "Vouée à l'échec, elle ne fera que renforcer le Président dans la logique qui est la sienne, c'est-à-dire de faire ce qu'il veut, quand il veut."

Le rejet de la proposition de résolution, ce mercredi, ne marque pas forcément la fin de son parcours. L'ensemble des députés pourraient être amenés à se prononcer par un vote dans l'hémicycle. La Conférence des présidents de l'Assemblée nationale "aura à s'exprimer sur l'inscription [du texte] à l'ordre du jour d'une prochaine séance", a précisé le président de la commission des lois, Florent Boudié. Cette séance, si elle a lieu, devra se dérouler dans "treize jours au plus tard". Le cas échéant, un nouveau rejet, qui ne fait pas de doute compte tenu des forces en présence au Palais-Bourbon, éteindrait la procédure.