Les députés examinent cette semaine, dans l'hémicycle, la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux. Le texte ne touche pas à la liberté d'installation des médecins, mais certains députés espèrent réussir à faire voter des amendements prévoyant une "régulation" en la matière.
L'Assemblée nationale à la recherche du remède contre les déserts médicaux. Les députés examinent, cette semaine, la proposition de loi "visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels". Déposé à l'initiative du groupe Horizons et cosigné par quelque 200 députés de la majorité (Horizons et Renaissance) le texte, soutenu par le gouvernement, a notamment pour objectif d'améliorer la coordination entre professionnels de santé au niveau local. Il interdit également l'intérim médical à tous les professionnels médicaux et paramédicaux en début de carrière.
La proposition de loi, dont le rapporteur est Frédéric Valletoux (Horizons), part d'un constat simple : "87% du territoire est un désert médical, résultat d'une longue fragilisation du système de santé." Or, constate le député, "la suppression du numerus clausus votée sous la précédente mandature ne produire ses effets qu'à long terme". Il est donc "urgent d’agir maintenant pour assurer à tous un accès aux soins en remettant les territoires et leurs spécificités au cœur des politiques locales de santé".
Le texte propose donc de mettre en œuvre une meilleure coordination des professionnels de santé au niveau local. Pour atteindre cet objectif, tous les professionnels de santé seront automatiquement rattachés aux "communautés professionnelles territoriales de santé" (CPTS), "sauf opposition de leur part formalisée dans des conditions définies par arrêté". Ces communautés professionnelles sont censées faciliter la coopération entre les soignants.
"Nous systématisons la participation aux CPTS en inversant le processus actuel, où les professionnels doivent demander de les intégrer", a expliqué Frédéric Valletoux. Pour l'heure, "les CPTS qui marchent bien regroupent 20 à 25% des professionnels libéraux" : l'objectif est d'atteindre "60% voire 80%".
La proposition de loi vise également à "rééquilibrer" la permanence des soins "entre le secteur public et le secteur privé", afin de "soulager les hôpitaux de cette charge". La permanence des soins est le dispositif de prise en charge des demandes de soins non programmées, aux horaires de fermeture des cabinets libéraux (le soir, la nuit, les week-ends). "Demain, les cliniques participeront [au dispositif], elles seront susceptibles d'accueillir les urgences" a expliqué, mercredi 7 juin, Frédéric Valletoux sur le plateau de Ça vous regarde.
La semaine dernière, la commission des affaires sociales a rejeté un amendement visant à contraindre les médecins qui souhaitent s'installer à le faire dans un désert médical en réservant le conventionnement aux zones "sous-dotées". La proposition d'obliger les médecins spécialistes (hors médecine générale) à pratiquer pendant leurs trois premières années d'exercice dans un désert médical a été également été rejetée. Signe que ce débat dépasse les clivages partisans, ces deux amendements étaient portés par des députés Renaissance, dont l'élu des Hautes-Pyrénées Benoit Mournet, contre l'avis du rapporteur Frédéric Valletoux (Horizons) : ce dernier a prévenu qu'il ne "soutiendrait aucune mesure coercitive", estimant qu'il s'agissait d'une "fausse solution" dans "une période de pénurie".
Le sujet sera cependant à nouveau abordé dans l'hémicycle cette semaine, Guillaume Garot (Socialistes) ayant prévenu en commission qu'il "réservait ce débat à la séance publique". Le député a déposé, avec près de 200 députés, une proposition de loi transpartisane qui interdit l'installation de nouveaux médecins et dentistes dans les zones où l'offre de soins est suffisante (sauf en cas de remplacement d'un professionnel cessant son activité).
La proposition de loi interdit en revanche l'intérim médical pour tous les professionnels médicaux et paramédicaux en début de carrière. "Cette mesure vise à lutter contre les excès de l'emploi temporaire, qui rendent de plus en plus difficile le recrutement sur des postes pérennes", a expliqué Frédéric Valletoux en commission.
Par ailleurs, le texte ouvre le contrat d'engagement de service public (CESP) à tous les étudiants en médecine, odontologie (dentistes), maïeutique (sages-femmes) et pharmacie, "à l'issue de la 2e année du 1er cycle des études de santé". Ces contrats permettent à des étudiants de se voir accorder une allocation mensuelle en contrepartie d'un engagement d'exercer deux ans au minimum dans un territoire donné, après la fin de leurs études.
La proposition de loi prévoit également de "faciliter l'exercice des médecins étrangers" (hors Union européenne) en créant une "autorisation temporaire d'exercice". Et une carte de séjour pluriannuelle "talent-professions médicales et de la pharmacie" d'une durée maximale de 4 ans sera créée.
Les députés ont, en outre, limité l'obtention des aides financières à l'installation : un professionnel de santé ne pourra en bénéficier qu'une fois tous les 10 ans, afin d'éviter le "nomadisme médical". Les médecins, dentistes et sages-femmes souhaitant quitter un désert médical devront prévenir six mois en amont leur Agence régionale de santé (ARS) et le Conseil de l'ordre, "sauf cas de force majeure" (décès, maladie grave). Enfin, un indicateur territorial de l'offre de soins (ITOS) devrait être créé.