Des députés de la majorité et de la Nupes unissent leurs voix pour porter un "projet humaniste" en matière d'immigration

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Photo tribune immigration 2
par Soizic BONVARLET, le Mardi 12 septembre 2023 à 11:45, mis à jour le Mardi 12 septembre 2023 à 12:53

Dans une tribune transpartisane dévoilée lundi 11 septembre, des députés issus de la majorité (Renaissance et Démocrate), de la Nupes, La France insoumise exceptée, et du groupe Liot, demandent "des mesures urgentes, humanistes et concrètes pour la régularisation des travailleurs sans papiers". 

Une coalition de circonstance afin de peser dans le rapport de force avec la droite sur l'immigration, telle est la raison d'être de la tribune transpartisane dévoilée lundi 11 septembre par Libération, ainsi que France Info, et publiée dans le quotidien mardi matin. Un texte commun né de rencontres qui ont eu lieu ces derniers mois, entre plusieurs députés de l'aile gauche de la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale et des députés de la Nupes, rejoints par des élus du groupe Liot. 

Au total, 35 parlementaires - députés et sénateurs -, ont signé cette tribune pour se faire entendre et tenter de faire bouger les lignes en vue de l'examen du projet de loi portant sur l'immigration au Parlement. Côté Assemblée nationale, les signataires sont issus de six groupes politiques, à l'instar de Sacha Houlié (Renaissance), Maud Gatel (Démocrate), Boris Vallaud (Socialistes), Julien Bayou (Écologiste), Fabien Roussel (Gauche démocrate et républicaine), ou encore Jean-Louis Bricout (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires). Ils réclament notamment la régularisation des travailleurs "dans tous [les] métiers qui connaissent une forte proportion de personnes placées en situation irrégulière (...) bien souvent ceux que l'on retrouve en première ligne dans les secteurs en tension". Ils exigent également "le droit au travail pour les demandeurs d’asile", ainsi que des mesures d’urgence pour "remédier à la situation d'embolie des préfectures".

Bâtir un "contre-récit" dans le rapport de force avec la droite

Objectif : contrecarrer un éventuel durcissement du projet de loi relatif à l'immigration qui selon nos informations, devrait être examiné au Sénat en novembre et en février prochain à l'Assemblée nationale, après l'interruption de son examen au Palais du Luxembourg au mois de mars dernier en raison du contexte lié à la réforme des retraites. Alors que le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a plaidé pour "un compromis politique" avec les sénateurs Les Républicains, une partie de la majorité craint de voir dénaturée l'une de ses mesures phares, à savoir la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers dits "en tension". Et pour cause, la droite s'oppose à cette mesure qu'elle apparente à une "régularisation massive des sans-papiers" et à un "projet de résignation nationale", selon les mots du président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau. Lundi 11 septembre, lors des journées parlementaires du groupe Démocrate, le ministre de l'Intérieur a cependant semblé opposer une fin de non-recevoir à son ancienne famille politique. 

À l'initiative de cette démarche transpartisane et inédite entre des élus de la majorité et de la Nupes : Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), anciennement à la tête de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ainsi que Marilyne Poulain, préfète déléguée à l'égalité des chances dans le Bas-Rhin et ancienne membre de la direction confédérale de la CGT, particulièrement active dans la lutte pour la régularisation des travailleurs sans papiers.

Le député de La France insoumise Andy Kerbrat s'est rendu à une première réunion à l'invitation de ces derniers, alors que le projet de loi était examiné par la commission des lois du Sénat. Le député, qui figure parmi les chefs de file de son groupe sur les questions migratoires, explique qu'il n'était alors pas opposé à l'idée de ces échanges, tenus "dans un cadre informel". L'aile gauche de la majorité, notamment représentée par le président de la commission des lois Sacha Houlié et par sa collègue apparentée au groupe Renaissance Stella Dupont, aurait à cette occasion présenté l'initiative comme la volonté de construire un "contre-récit" sur le projet de loi relatif à l'immigration, afin de ne pas laisser le champ libre à la droite. "Il s'agissait d'abord de rechercher des solutions à des problèmes très concrets qui se posent tous les jours sur le terrain", ajoute Maud Gatel (MoDem), selon qui cet objectif a suscité l'assentiment unanime des participants, permettant des échanges constructifs.

Ces travailleurs sans papiers contribuent à l'économie et à la vie sociale de notre pays (...). La France qui se lève tôt, ce sont aussi elles et eux, si utiles, si nécessaires. Et pourtant ils n’ont pas officiellement le droit de travailler faute de pouvoir disposer d’un titre de séjour. Extrait de la tribune

Julien Bayou (Écologiste), qui a tenu la plume lors de la rédaction de la mouture finale du texte, revendique de s'être associé à ceux qu'il surnomme "les humanistes anonymes de la majorité" pour donner à voir que le consensus en matière d'immigration pourrait bien se jouer à rebours d'un discours anti-régularisations. L'élu Europe Écologie-Les Verts, qui considère que le projet de loi porté par le ministre de l'Intérieur est "enlisé" et pourrait ne jamais voir le jour, souhaite avant tout que l’État cesse de s'apparenter à ce qu'il dénonce comme relevant d'une véritable "fabrique des sans-papiers".

La France insoumise absente de la photo

Après une deuxième rencontre avec les futurs signataires de la tribune, Andy Kerbrat (LFI) a finalement décidé de se retirer de la démarche, estimant en substance que signer le texte revenait à avaliser le projet de loi tel que présenté initialement par l'exécutif, qui relève selon lui d'une logique utilitariste d'"entrepreneuriat humaniste", "proche de la vision de l'immigration choisie de Sarkozy". Andy Kerbrat précise cependant que son groupe ne s'opposerait pas forcément à une proposition de loi relative à la régularisation des travailleurs sans papiers, au cas où la mesure disparaîtrait du projet de loi, ou s'avèrerait moins-disante par rapport à sa version initiale. Signataire de la tribune, Maud Gatel (MoDem) indique que ce texte transpartisan s'apparente à "une contribution au débat". "Nous n'en sommes pas encore au stade du travail parlementaire", précise la députée, distinguant cette initiative de l'examen, en tant que tel, du projet de loi portant sur l'immigration. 

Les derniers mots de la tribune sonnent cependant comme un avertissement concernant les mesures "urgentes, humanistes et concrètes" que ses signataires considèrent nécessaires. "Si le gouvernement n'est pas en mesure de les faire rapidement adopter par le Parlement, nous en prendrons l'initiative", concluent-ils.