Face à la résurgence de l'épidémie, le ministre de la Santé a défendu, mardi devant la commission des lois de l'Assemblée, un projet de loi prolongeant jusqu'en avril le régime transitoire adopté à la sortie de l'état d'urgence sanitaire.
"Le virus est toujours aussi dangereux." Mardi soir, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, a mis en garde les députés de la commission des lois face à la résurgence de l'épidémie de Covid-19 : "Nous sommes à un tournant de la crise sanitaire, à la croisée des chemins."
"Le virus circule encore, parfois de manière très active", a souligné Olivier Véran, qui a donné plusieurs chiffres alarmants. "Entre le début du mois de juillet et la fin du mois d'août, le nombre d'hospitalisations liées au Covid-19 et le nombre de personnes en réanimation à cause du virus a plus que doublé", a-t-il ajouté.
Le ministre a expliqué qu'au début de l'été, le taux de positivité des tests était de 1%, contre 6% aujourd'hui.
"Je ne serai pas le ministre du déni", a martelé Olivier Véran, venu présenter devant les députés le projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire.
L'état d'urgence sanitaire, déclaré le 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19, a pris fin le 10 juillet. Depuis, un régime "transitoire", initialement institué jusqu'au 30 octobre, s'applique.
Ce changement (...) a permis de poursuivre la reprise des activités (...) tout en conservant la faculté de prescrire des mesures visant à prévenir et (...) à maîtriser au mieux une dégradation de la situation sanitaire. Exposé des motifs du projet de loi
Le projet de loi, qui sera examiné en séance publique à partir du 28 septembre, prolonge ce régime transitoire jusqu'au 1er avril 2021. "Ce texte, je le sais, ne suscite pas l'enthousiasme", a reconnu Olivier Véran, qui le juge toutefois "indispensable".
Cette prorogation doit être la dernière : en effet, selon Olivier Véran, le Parlement examinera d'ici janvier 2021 un projet de loi instaurant un dispositif pérenne de gestion de l’urgence sanitaire.
"Nul ne conteste la progression de la pandémie", a affirmé Philippe Gosselin (Les Républicains), qui a toutefois critiqué une situation "transitoire qui dure". L'élu de la Manche a mis en avant "les questions relatives aux libertés individuelles", selon lui insuffisamment mises en avant par le projet de loi.
Même préoccupation du côté de Paul Molac (Libertés et Territoires) qui se dit "inquiet" face aux annonces du gouvernement qui veut "mettre ce qu'il y a dans l'état d'urgence sanitaire dans le droit commun, comme nous l'avons fait pour l'état d'urgence contre le terrorisme".
La députée Marietta Karamanli (Socialistes et apparentés) a pour sa part évoqué les "incohérences" et les "aberrations" des mesures "déconcentrées" de lutte contre l'épidémie, "très différentes dans leur portée d'une ville à l'autre".
Une critique reprise par Ugo Bernalicis (La France insoumise), qui a évoqué "le délire du droit à la différenciation", par Danièle Obono (La France insoumise), qui a parlé de "pagaille généralisée", ou encore par Cécile Untermaier (Socialistes et apparéntes), qui a dénoncé un manque de "lisibilité".
"On ne peut pas traiter le cas de la Dordogne de la même manière que la situation marseillaise", leur a répondu Olivier Véran, évoquant notamment un problème "d'adhésion des élus locaux". Le ministre a précisé que "la répartition du profil épidémique est très variable d'un territoire à l'autre".
A l'instar de George Pau-Langevin (Socialistes et apparentés), de nombreux députés ont évoqué le sujet des résultats des tests, qui parviennent parfois une dizaine de jours après leur réalisation. La députée, testée le 11 septembre, n'a toujours pas obtenu ses résultats : "A quoi cela sert de tester, si on n'a jamais le résultat ?"
"Je ne juge pas normal du tout qu'il faille attendre 5, 7 ou 10 jours pour se faire tester", a répondu Olivier Véran. Le ministre a toutefois ajouté que deux tiers des Français "ont leur résultat en moins de 48 heures". Il a également expliqué avoir "réorienté toutes les forces de dépistage" vers "les publics prioritaires avec des horaires d'ouverture et un contrôle administratif pour vérifier que les personnes relèvent bien de la priorisation".
Le ministre en a profité pour répondre à l'interpellation de Sacha Houlié (La République en Marche) à propos de l'application StopCovid. La semaine dernière, un article de L'Opinion indiquait que l'exécutif "réfléchirait" à donner un accès prioritaire aux tests de dépistage aux personnes utilisant cette application de "traçage". Une hypothèse rapidement démentie par le gouvernement.
Devant les députés, Olivier Véran a expliqué qu'aujourd'hui les personnes reconnues comme étant "cas contact" par leur médecin, par le médecin de l'Assurance maladie ou par l'ARS ont un accès prioritaire aux tests. "Ce ne serait absolument pas choquant que soit reconnue comme cas contact une personne reconnue (comme tel) par StopCovid", a indiqué le ministre.
Ainsi, le simple fait d'utiliser l'application ne permettrait pas d'avoir accès en priorité à un dépistage. En revanche, un tel accès serait offert aux personnes reconnues comme "cas contact" par l'application.
Plus tôt dans la journée, lors de la séance des questions au gouvernement, Olivier Véran avait nié vouloir atteindre une quelconque "immunité collective" : "Il n'est pas du tout question de laisser mourir qui que ce soit", a déclaré le ministre devant les députés.