Covid-19 : L'ancien directeur de l'ARS Grand-Est critique la gestion de la crise par l'Etat

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AFP
par Fanny SALIOU, le Jeudi 23 juillet 2020 à 10:06, mis à jour le Jeudi 23 juillet 2020 à 18:34

L'ancien directeur de l'Agence régionale de santé de la région Grand-Est a livré devant les députés un réquisitoire lourd et sévère à l'encontre de l'administration centrale dans sa gestion de la crise du Covid-19. Les actuels directeurs des ARS du Grand-Est et d'Île-de-France, auditionnés à leur tour, contredisent ses propos. 

"Nous avons été confrontés à un pilotage central [de l'épidémie] beaucoup trop uniforme, beaucoup trop aveugle sur la réalité de notre situation et beaucoup trop sourd à nos demandes" : c'est la cinglante analyse que livre l'ancien directeur de l'ARS Grand-Est sur la gestion de l'épidémie par l'Etat. 

Limogé le 8 avril, alors que le virus sévit encore avec virulence, Christophe Lannelongue s'est exprimé mercredi devant les députés de la commission d'enquête avec une certaine liberté de ton. Et son exposé est sans appel : l'Etat n'a pas su faire confiance au terrain. "Nous avons terriblement souffert de la difficulté de relation avec le niveau central", a-t-il déploré. 

Masques

Au cœur des difficultés : la question des masques. Le 17 février, Christophe Lannelongue fait part à la direction générale de la Santé de tensions sur les stocks de masques dans les établissements de référence. "Ce signalement reste sans réponse", affirme-t-il. Le 5 mars, l'ARS fait une annonce de rupture de stock dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. La 1ère réunion avec l'équipe nationale sur la gestion des masques  a eu lieu le 12 mars, soit près d'un mois après la première alerte de l'ARS.

Ce n'est pas normal que ce ne soit que le 12 mars qu'ait été créée une équipe dédiée aux masques au niveau national Christophe Lannelongue, ancien directeur de l'ARS Grand-Est

En clair, l'Etat aurait mis trop de temps a réagir face à la grave pénurie de masques qui s'annonçait. "Nos alertes n'ont servi à rien", a déploré Christophe Lannelongue devant la commission d'enquête.

Deux fois le ministre au téléphone

Christophe Lannelongue a affirmé avoir eu personnellement le ministre, Olivier Véran, au téléphone deux fois. Trop peu, selon certains députés, dont Damien Abad, qui a qualifiée cette information de "surréaliste".

Alors que l'épidémie ravage sa région, Christophe Lannelongue a regretté que le Grand-Est ait été traité comme les autres par la direction générale de la santé. 

Je suis intervenu plusieurs fois en poussant des cris d'alarme sur la situation de notre région. Mais c'était considéré comme de l'agitation. Christophe Lannelongue, ancien directeur de l'ARS Grand-Est

A l'heure du bilan, Christophe Lannelongue préconise de "faire d'avantage confiance à l'Etat déconcentré". 

Des relations "fluides" pour les directeurs d'ARS en poste

A l'opposé de l'implacable critique exposée au députés par Christophe Lannelongue, les directeurs actuellement en poste des ARS du Grand-Est et d'Île-de-France n'ont fait part d'aucune difficulté dans leurs relations avec le ministère.  Marie-Ange Desailly-Chanson, la successeure de Christophe Lannelongue à l'ARS du Grand-Est à partir du 9 avril affirme : "Je n'ai eu aucun souci de relation avec le national."

Aurélien Rousseau, le directeur de l'ARS d'Île-de-France parle lui aussi de "liens fluides et rapides". Il considère également que les directeurs d'ARS doivent être capables de prendre eux-mêmes des décisions, bien qu'elles comportent des risques. 

L'autonomie parfois, il faut la prendre. C'est à nous, directeurs d'ARS, de prendre nos responsabilités. Aurélien Rousseau, directeur de l'ARS Île-de-France

Réponse aux critiques

Souvent accusées d'être déconnectées du terrain par les soignants, les ARS ont profité de leur audition pour détailler leur mission pendant la crise épidémique : diffusion de doctrines, mise en place de centres covid, suivi de la distribution des masques aux soignants ou encore création de plateformes numériques pour recruter des renforts. 

"Notre rôle, c'est de mettre en place les consignes", a résumé la déléguée du Val-d'Oise, entendue aux côtés des deux directeurs d'ARS. 

Autre critique faite aux ARS : une culture "hospitalo-centrée" qui aurait mis de côté la médecine libérale et qui aurait conduit en partie à un engorgement des hôpitaux. Le directeur de l'ARS d'Île-de-France a livré une forme de mea culpa : "Les premières semaines de la crise, tout le monde était focalisé sur le fait que l'hôpital tienne. A posteriori, je me dis, qu'effectivement, on aurait pu plus embarquer les libéraux".