Covid-19 : Jean Castex promet la "transparence totale" sur les vaccins

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Un médecin américain prépare une dose du vaccin Pfizer contre la covid-19 (ARIANA DREHSLER/AFP)
par Jason WielsMaxence Kagni, Raphaël Marchal, le Mercredi 16 décembre 2020 à 11:31, mis à jour le Mercredi 16 décembre 2020 à 20:53

Le gouvernement a présenté mercredi sa stratégie sur le déploiement des vaccins contre l'épidémie de Covid-19. La campagne vaccinale pourrait démarrer avant la fin de l'année.

L'essentiel

  • Devant les députés, le Premier ministre a annoncé que la campagne de vaccination contre la Covid-19 pourrait démarrer plus vite que prévu, "lors de la dernière semaine de décembre".
  • Le plan proposé par la Haute autorité de santé et repris par l'exécutif se déroulera en plusieurs phases : les résidents d'Ehpad et le personnel soignant à risques se verront d'abord proposer un vaccin (environ 1 million de personnes) puis, selon la disponibilité des doses, l'élargissement au reste de la population se fera de manière progressive, par tranche d'âge.
  • L'autorisation de mise sur le marché, notamment du vaccin de Pfizer-BioNTech, doit être prise avant la fin de l'année au niveau européen. La France a sécurisé l'accès à 200 millions de doses via six contrats. La vaccination sera gratuite et prise en charge par l'État.
  • Selon un sondage de l'agence sanitaire Santé publique France, seule la moitié (53%) des Français interrogés en novembre veut se faire vacciner, contre deux tiers (64%) en juillet, un chiffre parmi les plus faibles au monde.
  • Pour répondre à cette forte réticence, l'exécutif a nommé l'immunologiste Alain Fischer à la tête du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale. "Les craintes sont absolument légitimes", a-t-il reconnu devant les députés. Le spécialiste estime que la capacité des vaccins à jouer sur la transmission du virus entre personnes sera déterminante pour élargir ou non la couverture vaccinale, notamment auprès des plus jeunes.

Les points clés du débat

"Un motif d'espoir"

Un an à peine après le début de la pandémie en Chine, qui aurait parié sur l'arrivée sur le marché d'un vaccin contre le coronavirus ? C'est déjà chose faite au Royaume-Uni et aux États-Unis, et ce pourrait être le cas dans l'Union européenne avant la fin de l'année. "Les premières vaccinations pourraient être réalisées dès la dernière semaine du mois de décembre", a même annoncé Jean Castex, alors que le gouvernement misait initialement sur le mois de janvier.

Selon le Premier ministre, le lancement de la campagne vaccinale constitue un "motif d'espoir" pour le pays et pourrait permettre, à terme, de "retrouver un fonctionnement normal".

Cependant, comme la vaccination prendra du temps et qu'on ne sait pas si les vaccins agissent sur la transmission de la Covid-19, Jean Castex prend bien soin de préciser que "le début de la campagne vaccinale ne va pas marquer pas la fin de l'épidémie". Les gestes barrières, l'isolement sur la base de la responsabilité individuelle et "un large recours au télétravail" resteront de rigueur dans les prochains mois. Même si des aménagements pourront être prévus dès début 2021 :

"Face à la peur, face au doute, face à la suspicion, nous expliquerons autant qu'il le faudra, nous rassurerons", a aussi assuré le chef du gouvernement, qui a promis une "transparence totale" sur le sujet.

Une visite à domicile pour les malades

Si la vaccination devrait réduire le nombre de cas graves et faire baisser la pression sur le système de soins, l'exécutif compte amplifier la prise en charge des malades par une visite médicale à domicile. Et met des nouveaux moyens sur la table :

Même si elle n'a pas tenu toutes ses promesses, la politique du "tester, alerter, protéger" devrait être corrigée, notamment par la réduction des délais pour les tests. Le Premier ministre assure que d'ores et déjà "78% des résultats" sont transmis sous 24 heures au patient. L'objectif est toujours de tendre vers les 100%.

Vigilance sur les "effets indésirables"

Après une ode à la science, le ministre de la Santé, Olivier Véran, s'est fait l'ardent défenseur des bénéfices promis par les futurs vaccins. En réfutant au passage les discours complotistes comme celui qui voudrait que l'épidémie ait pu être créée pour "engraisser" les laboratoires pharmaceutiques grâce au vaccin. Alors que "la totalité des dépenses engendrées par la campagne de vaccination à l'échelle de toute l'Europe représente moins d'une semaine de chômage partiel dans notre pays", a-t-il souligné. 

L'espoir n'excluant pas le contrôle, Olivier Véran a aussi voulu apporter des garanties sur le suivi médical des patients vaccinés. Les potentiels "effets indésirables" seront suivis non seulement par les laboratoires mais aussi par les autorités sanitaires, à travers une "pharmacovigilance renforcée". Le suivi se fera "en temps réel" et de "manière individuelle" :

Le consentement des patients, indispensables pour procéder à la vaccination, sera à ce titre "éclairé" par un rendez-vous chez le médecin généraliste avant de passer à l'acte.

Le ministre a également évoqué la logistique, qui sera un sujet délicat concernant la préparation de Pfizer-BioNTech qui se conserve à -70 degrés Celsius. "Dès que l'on a décongelé ce vaccin (...) nous avons cinq jours pour réaliser la vaccination", a-t-il précisé. Et  "le brin d'ARN messager" - l'innovation technologique de ces vaccins - ne peut voyager plus de "douze heures" sans risquer de se dégrader.

C'est parce que de telles pertes sont inévitables dans la chaîne du soin que la France a sécurisé la commande de 200 millions de doses. À raison de deux doses par patient, le gouvernement s'est donc assuré une marge de manœuvre conséquente au regard de la population française.

Mais les stocks ne devraient arriver qu'au compte-goutte dans un premier temps :

Récompenser et punir ?

Pour inciter les Français à franchir le pas de la vaccination, certains députés suggèrent de manier la carotte, d'autres le bâton. Valérie Six (UDI) propose la mise en place d'un "passeport vert" comme l'a fait Israël, qui serait la condition pour retourner "au restaurant ou au musée". "Une telle mesure serait de nature à inciter les Français à se faire vacciner", a-t-elle jugé :

Olivier Becht (Agir ensemble) avait le premier proposé, sans succès, de rendre l'isolement obligatoire pour les personnes malades. Il a proposé cette fois de sévir contre les porteurs du virus en les verbalisant davantage :

Le Parlement veut une clause de revoyure

La campagne de vaccination devant se dérouler par tranche d'âge, des plus anciens au plus jeunes comme l'a rappelé Olivier Véran, André Chassaigne (PCF) a demandé un autre débat "en mars prochain". "Nous aurons alors le recul nécessaire pour évaluer les premières phases de vaccination des personnes âgées et des personnes les plus fragiles face au virus", a-t-il fait valoir.

Pour pousser ce rôle de contrôle du Parlement, la président de la commission des affaires sociales Fadila Khattabi (LaREM) a saisi l'Office parlementaire d'évaluation des choix techniques et scientifiques. L'OPECST a d'ailleurs déjà commencé une série d'auditions des (nombreux) responsables scientifiques et administratifs impliqués dans la stratégie vaccinale. "La multiplication des cellules et autres conseil de sécurité opacifie la décision au lieu de simplifier la coordination", a déploré Gérard Leseul (PS) sur cet empilement des structures

"Je m'étonne de si peu vous entendre parler de la perspective d'un traitement contre la Covid-19", a regretté Adrien Quatennens (LFI), rappelant les travaux de l'Institut Pasteur sur le sujet. Le député insoumis aimerait que le gouvernement reprenne l'idée d'un "pôle public du médicament", alors que nous importons "80%" de notre consommation et qu'aucun acteur français n'a encore réussi à finaliser son propre vaccin.

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