Alors que tous les regards sont braqués sur le Conseil constitutionnel, qui rendra son verdict ce vendredi 14 avril sur la réforme des retraites, comment fonctionne cette institution créée par la Constitution de 1958 ? Rôle, composition, procédure de saisine, processus de décision... Mode d'emploi.
Conforme, ou pas, à la Constitution ? Vendredi, les neuf "Sages", qui ont sur leur bureau quatre saisines et une procédure de référendum d'initiative partagée, rendront leurs décisions, très attendues, sur la réforme des retraites.
Fondé en 1958, le Conseil constitutionnel contrôle notamment à la conformité des lois votées par le Parlement aux grands principes de la République, fixés par la Constitution, ainsi qu'au respect de la procédure législative prévue la Loi fondamentale.
Les Sages de la rue de Montpensier peuvent juger qu'une loi est conforme à la Constitution, ou qu'elle ne l'est pas de façon partielle ou totale. Dans ce dernier cas, le texte censuré ne peut pas être promulgué par le président de la République et ne peut donc pas entrer en vigueur.
C'est sur ce point - les décisions qu'il rendra sur les trois recours déposés contre la réforme - que le Conseil est le plus attendu. Cependant, ce vendredi, les Sages se prononceront aussi sur la conformité de la procédure de référendum d'initiative partagée (RIP) dont il a été saisi.
Au-delà des décisions concernant la conformité des lois en général et la réforme des retraites en particulier, le Conseil constitutionnel veille à la régularité des élections et des référendums.
Enfin, depuis 2008, le gardien de la Constitution peut être interrogé à l'initiative de citoyens sur la conformité d'une loi qui s'applique déjà, à condition qu'il ne se soit pas déjà prononcé sur celle-ci. C'est la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Le Conseil est composé de neuf membres nommés pour un mandat unique de neuf ans, afin d'assurer l'impartialité et l'indépendance de l'institution. Tous les 3 ans, trois membres du Conseil sont renouvelés.
Le Conseil constitutionnel est composé de :
Le président du Conseil - dont la voix est prépondérante en cas d'égalité - est nommé par le chef de l'Etat. Depuis 2016, c'est l'ancien Premier ministre de gauche Laurent Fabius, nommé par François Hollande, qui préside l'institution. Les autres membres du Conseil sont l'ancien Premier ministre de droite Alain Juppé, Jacqueline Gourault et Jacques Mézard, anciens ministres d'Emmanuel Macron, ainsi que le juriste et ancien conseiller d'Etat Michel Pinault, la haute fonctionnaire et ancienne secrétaire générale de l'Assemblée nationale Corinne Luquiens, l'avocat et ancien sénateur de droite François Pillet, le haut fonctionnaire et ancien conseiller d'Etat François Seners, et la magistrate Véronique Malbec.
Parmi les membres actuels : le président du Conseil a été nommé par François Hollande, deux Sages ont été nommés par Emmanuel Macron, trois ont été nommés par le président du Sénat, Gérard Larcher, deux ont été nommés par l'ancien président de l'Assemblée, Richard Ferrand, et un Sage a été nommé par un autre ancien président de l'Assemblée, Claude Bartolone.
Par ailleurs, les anciens présidents de la République sont membres de droit du Conseil constitutionnel : cela signifie qu'ils peuvent, s'ils le souhaitent, participer à ses réunions. Mais Nicolas Sarkozy et François Hollande ont décidé de ne pas siéger parmi les Sages.
Avant sa promulgation, une loi définitivement adoptée par le Parlement peut être examinée par le Conseil constitutionnel si celui-ci est saisi par :
Dans le cas de la réforme des retraites, les Sages ont été saisis par la Première ministre, Elisabeth Borne, ainsi que par les députés de la Nupes, les députés du Rassemblement national et les sénateurs de gauche. Les parlementaires de gauche ont, par ailleurs, initié une procédure de référendum partagé.
Quand il est saisi d'une loi qui n'a pas encore été mise en œuvre, comme c'est le cas pour la réforme des retraites, le Conseil doit statuer dans un délai d'un mois. Ce délai est réduit à huit jours si le gouvernement demande au Sages de statuer en urgence, ce qui n'a pas été le cas concernant le texte sur les retraites.
Le Conseil ne siège et ne juge qu'en formation plénière (c'est-à-dire lorsque tous les membres sont réunis). Sur chaque procédure les Sages délibèrent sur la base du travail d'un rapporteur nommé en son sein, qui peut lui-même s'appuyer sur le travail du service juridique de l'institution. A l'issue des délibérations, un vote a lieu. En cas d'égalité entre deux positions différentes, c'est le président du Conseil qui tranche : sa voix est prépondérante. Les délibérés et votes au sein du Conseil sont secrets.
Si la loi est jugée conforme à la Constitution, le président de la République peut la promulguer ce qui rend possible son application.
Si la loi est jugée partiellement conforme et qu'elle est donc frappée d'une censure partielle, la partie du texte validée par les Sages peut entrer en vigueur, mais pas les mesures censurées.
Si la loi est jugée non conforme dans son ensemble, cette censure totale empêche la promulgation et donc l'application du texte.
Les décisions des Sages s'imposent et ne sont susceptibles d'aucun recours. Sur les 744 décisions de constitutionnalité qu'il a rendu depuis sa création concernant des lois ordinaires ou organiques, le Conseil a censuré 352 textes partiellement et 17 totalement.