L'Assemblée nationale a approuvé, lundi 18 mars au soir, une mesure permettant aux salariés en arrêt maladie d'origine non professionnelle d'acquérir 24 jours de congés payés par an. La mesure a été présentée, par voie d'amendement gouvernemental, dans le cadre d'un projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne.
Tous les salariés en arrêt maladie pourront-ils bientôt acquérir des jours de congés payés, même si leur maladie n'est pas d'origine professionnelle ? C'est le sens d'un amendement gouvernemental voté par les députés dans le cadre du projet de loi "portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole" (55 voix "pour", 22 "contre").
Adopté par le Sénat en décembre dernier, ce projet de loi contient des dispositions essentiellement techniques sur de nombreux domaines, comme la valorisation des déchets, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ou encore le droit bancaire, monétaire et financier. L'ensemble de le texte a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, lundi 18 mars au soir (58 voix "pour", 16 "contre").
L'amendement gouvernemental réforme l'acquisition de congés pendant les périodes d'arrêt maladie. L'exécutif souhaite ainsi mettre le droit français en conformité avec le droit de l'Union européenne.
Cette situation a été jugée non-conforme au droit européen par la Cour de cassation, dans plusieurs décisions datées du 13 septembre 2023. "En application du droit de l'Union européenne et de la jurisprudence de la Cour de cassation, les salariés doivent acquérir des congés en arrêt maladie, quelle que soit l'origine de la maladie (professionnelle ou non)", a notamment expliqué le Conseil d’Etat, dans un avis sollicité par le gouvernement, rendu le 13 mars 2024.
L'amendement du gouvernement contient donc deux grandes mesures :
La différence de traitement entre ces deux situations n'a pas été jugée contraire à la Constitution par le Conseil d’Etat, que le gouvernement a consulté pour s'assurer de la solidité juridique du dispositif. "Il est important de voter cet [amendement] pour que les personnes concernées par leur manque de congés suite à des arrêts maladie puissent se défendre demain", a déclaré le rapporteur du texte, Ludovic Mendes (Renaissance), quelques minutes avant le vote. "Il s'agit d'une avancée sociale importante à travers laquelle la France rattraperait un retard de quinze ans sur le droit européen", a quant à lui salué Maxime Minot (Les Républicains).
Ce dispositif a cependant été critiqué sur les bancs de la gauche, qui a dénoncé une "mesure discriminante" puisque les salariés auront un nombre de congés payés différent en fonction de l'origine de leur arrêt maladie. "Ce gouvernement est radin, un petit peu, et préfère économiser 800 millions d'euros par an sur le dos des salariés les plus fragiles", a déclaré François Piquemal (La France insoumise). "Vous ne pouvez pas vous en empêcher, vous créez un droit au rabais", a pour sa part regretté Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine).
Quand on est en arrêt maladie, on ne se la coule pas douce, on se soigne. Sophie Taillé-Polian (Ecologiste)
L'amendement crée également deux nouvelles obligations :
Le dispositif est rétroactif mais très encadré. Une fois la loi entrée en vigueur, les salariés encore dans l'entreprise concernée disposeront de deux ans pour faire valoir leurs droits vis-à-vis de congés payés acquis pendant des arrêts maladie intervenus après le 1er décembre 2009. Les salariés ayant quitté l'entreprise pourront réclamer les sommes correspondant aux congés payés acquis dans une limite de trois années, soit 12 semaines de congés maximum.
"Il s'agit de rendre les conséquences financières supportables pour les petites entreprises", a commenté Ludovic Mendes. La ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, a fait preuve de la même préoccupation : "Les enjeux financiers sont importants, ils sont importants pour la compétitivité, pour l'emploi, pour les salariés." Des explications qui n'ont pas convaincu les députés de gauche. Hadrien Clouet (La France insoumise) a ainsi mis en cause le gouvernement, qui n'a "discuté qu'avec le patronat de cet amendement", alors que les syndicats "sont tous contre".
"La limitation qui est posée (pour les salariés ayant quitté l'entreprise, ndlr) ne nous va pas du tout", a en effet déclaré à l'AFP la secrétaire nationale de la CFDT, Isabelle Mercier, tandis que la CGT, qui dénonce un mécanisme "incompréhensible", a critiqué dans un communiqué la mise en œuvre d'un "système de prescription" visant à "limiter drastiquement les possibilités de régularisation". "L’action est purement et simplement prescrite pour tous les contrats de travail rompus depuis 2021 !", a expliqué pour sa part la CFE-CGC.
Le patronat, lui, a salué l'initiative du gouvernement : "Notre travail, mené de concert avec le gouvernement a porté ses fruits", a réagi le 14 mars le président du Medef, Patrick Martin, sur la plateforme X (ex-Twitter). "Une absurdité en cours d’être (enfin) corrigée", a réagi à la même date le président de la CPME, François Asselin.
Lors du débat dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, plusieurs députés de gauche ont, en outre, dénoncé une "nouvelle usine à gaz" et une transposition "au rabais", Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine) mettant, par exemple, en garde face à un "dispositif en partie impraticable et limité". "Il y aura des contentieux, cela va reposer sur des démarches individuelles au lieu d'établir clairement le droit", a regretté le député communiste.