L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, en première lecture, dans la nuit du mercredi 6 au jeudi 7 mars, la proposition de loi "portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982". Le texte va désormais être transmis au Sénat pour y être examiné en deuxième lecture.
"Il est temps de dire, au nom de la République française, pardon." Le moment était solennel lorsqu'Eric Dupond-Moretti s'est avancé à la tribune de l'Assemblée nationale pour soutenir la proposition de loi "portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982", dans la soirée du mercredi 6 mars.
Le texte, initialement déposé par le sénateur socialiste Hussein Bourgi - présent dans les tribunes du Palais-Bourbon ce soir -, était porté par Hervé Saulignac (Socialistes) à l'Assemblée. "C'est parce que l'homophobie parfois décomplexée perdure dans notre société contemporaine que nous devons voter cette proposition de loi", a clamé le député. "C'est bien notre code pénal qui a permis de condamner au moins 10 000 personnes, dont 93 % à des peines de prison."
Après avoir discriminé, amnistié, dépénalisé, l'heure est venue de reconnaître et de réparer. Il n'est jamais trop tard pour être digne. Hervé Saulignac (député Socialistes)
Adoptée à l'unanimité, avec les voix des élus Les Républicains et Rassemblement national dont l'absence avait été remarquée en commission la semaine dernière, la proposition de loi prévoit la reconnaissance de la Nation quant à l'application d'une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, et un mécanisme de réparation financière qui sera géré par une commission ad hoc. Du fait de l'ancienneté des condamnations et de l'absence de statistiques précises, il est difficile de cerner le nombre de personnes qui pourraient être aujourd'hui concernées par cette réparation ; il pourrait être osciller entre 100 et 200 individus.
Ce mécanisme de réparation financière avait été retiré du texte par le Sénat en première lecture, avant d'être rétabli la semaine dernière en commission des lois de l'Assemblée. "Quel serait le sens de la reconnaissance du préjudice sans la mise en œuvre de sa réparation ?", a pointé Hervé Saulignac.
Plusieurs députés ouvertement gays ont pris la parole dans l'hémicycle, témoignant de la persistance de l'homophobie dans notre société. "Être homosexuel, c'est encore courir le risque d'être discriminé", a rappelé David Valence (Renaissance). "Avant de m'assumer, de m'affirmer tel que je suis, Maxime Minot, gay, j'ai dû subir remarques et quolibets", a témoigné l'élu Les Républicains, encore visé par des tags homophobes en novembre dernier.
Andy Kerbrat (La France insoumise) a pour sa part pastiché le Premier ministre, Gabriel Attal, reprenant sa formule devenue célèbre issue de sa déclaration de politique générale : "L'Etat français a cassé des vies, les a brisées en mille morceaux, les a marginalisées. À notre République des les réparer et de les réhabiliter aujourd'hui." Sébastien Chenu (Rassemblement national) a préféré convoquer Friedrich Nietzsche, mais aussi Monique Pelletier, ministre de Valéry Giscard d'Estaing qui "fera abroger en 1980, avant la gauche, l'amendement Mirguet qui a gravé la législation envers les homosexuels".
La proposition de loi va désormais retourner au Sénat, où elle sera examinée en deuxième lecture. "Dans état autre que celui qui nous est arrivé", a fait remarquer Hervé Saulignac juste après l'adoption du texte, satisfait d'avoir réparé les "dégâts" causés par les sénateurs qui avaient largement amoindri la porté et le contenu du texte.