Les membre du Haut Conseil pour le climat (HCC) présentaient ce mercredi les conclusions de leur dernier rapport, au moment où le pays connaît une forte vague de chaleur. Tout en constatant des "progrès", le Haut Conseil émet de sérieux doutes sur la capacité de la France à tenir ses objectifs.
Auditionnés par la commission du développement durable, les membres du Haut Conseil pour le climat (HCC), ont présenté, ce 13 juillet, leur rapport annuel, rendu public deux semaines plus tôt. Ce dernier analyse les moyens de mise en œuvre de la "stratégie nationale bas carbone", lancée en 2015, et des objectifs de la France en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.
Benoît Leguet, membre du Haut Conseil, a introduit les échanges par un constat porteur d'espoir : "Des progrès ont été accomplis dans la réponse de la France au réchauffement climatique", a-t-il déclaré. "Les augmentations de gaz à effet de serre ont augmenté d’environ 6,4% en 2021, mais elles restent 3,8% en dessous de leur niveau de 2019 et s’inscrivent dans une poursuite de tendance à la baisse depuis environ 2005", a indiqué Benoît Leguet. "Les émissions en 2021 sont 23% en dessous de leur niveau de 1990", a-t-il ajouté.
Un message vite nuancé : "Mais nous sommes néanmoins inquiets, car des risques qui nous semblent majeurs de ne pas atteindre les objectifs climatiques, persistent. Nous appelons à un sursaut de l’action climatique en France", a poursuivi celui qui est aussi directeur général de l'Institut de l'économie pour le climat.
Le phénomène du réchauffement climatique en France se mesure ainsi à 1, 1 degrés sur la dernière décennie. et devrait atteindre, selon les prévisions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), 1, 5 degrés à court terme, soit à l'horizon 2030.
Parmi les signaux positifs cependant, l'expert a fait savoir que "pour la première fois cette année, en France, tous les grands secteurs émetteurs connaissent désormais une baisse de leur émission". Dans la méthode employée par le gouvernement français, le HCC s'est aussi réjoui que la Première ministre soit désormais responsable de l’action climatique, et a vanté notamment des instruments de prévention des risques climatiques "efficaces".
Du côté sombre du tableau en revanche, le Conseil considère que les outils au niveau de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme restent insuffisamment mobilisés. Globalement, les instruments de planification sont eux jugés trop peu développés. Des constats qui amènent à une conclusion sans appel : "En l’état, la France n’est pas prête à faire face aux évolutions climatiques", considère Benoît Leguet. L'expert a également souligné le fait que les mesures conjoncturelles impulsées par l'exécutif et liées à l'inflation et à la guerre en Ukraine "auront des conséquences structurelles sur la trajectoire d’émissions à long terme si elles sont maintenues".
Partant de ce constat, les membres du HCC ont unanimement formulé la nécessité de transformer les feuilles de route en mesures prescriptives appliquées aux différentes filières.
Le Haut Conseil prône pour ce faire davantage de moyens adossés aux objectifs, afin de s’assurer que la transition écologique ne devienne pas une variable d’ajustement budgétaire. Il recommande également d'accentuer la formation des décideurs sur les enjeux du climat, ainsi que le traitement du sujet en termes médiatiques.
Formulant des préconisations plus spécifiques, un autre membre du HCC, Jean-François Soussana, a insisté sur l'objectif "zéro artificialisation nette des sols", inscrit dans la loi Climat et résilience adoptée l'an dernier, et fixé à horizon 2050. Celui qui est membre du GIEC a en particulier visé les lieux de stockage, ainsi que les parkings. "On ne sait pas très bien pourquoi il y a une exemption sur le commerce en ligne", a-t-il regretté. Il a également souligné l'importance de faire un effort de reconquête des friches industrielles en restaurant les sols, technique dont la France dispose.
Notant que 30% des gaz à effet de serre en France sont produits par le secteur des transports, dont la moitié par les véhicules des particuliers, le HCC appelle à des incitations fortes des acteurs publics, tout en reconnaissant les contraintes sociales que cela représente. De même pour la réduction de la production animale, afin de réduire les gaz à effet de serre du secteur agricole. Plus globalement, le Haut Conseil appelle à ce que le terme de "sobriété", désormais employé aux plus hauts sommets de l’État, ne s'avère pas qu'un vain mot.
Les députés ont salué le rapport du HCC. Aymeric Caron (La France insoumise) a évoqué un "travail salutaire" "qui a l’énorme mérite d’alerter les Français sur l’inaction du président de la République face à l’urgence climatique".
Marie Pochon (Écologiste) a pour sa part appelé à légiférer sur les préconisations du Haut Conseil, au travers notamment de "l’accélération de la rénovation thermique, le développement de nouvelles pratiques agricoles et alimentaires, l’augmentation des financements climat, la préservation des terres, la sortie pour de vrai des fossiles". La députée a également appelé à la vigilance sur le fait que les textes que le Parlement s'apprête à examiner en séance, et notamment celui sur le pouvoir d'achat, ne freinent pas les objectifs climatiques. On ne peut pas dire "oui, il y a le réchauffement climatique, mais...", a-t-elle mis en garde.
Ce rapport ne devrait en tout cas pas rester sans suite. La loi énergie climat de 2019 prévoit que le gouvernement réponde au Haut Conseil dans les six mois succédant la production de son rapport annuel, puis que le Parlement puisse s'en saisir, s’il le souhaite, pour exercer un suivi. Une "boucle vertueuse" selon les membres du HCC, qui ont invité les députés à exercer leur mission de contrôle dans ce cadre.