Auditionnée par les députés, la spécialiste des maladies infectieuses a de nouveau déploré les "méthodes contestables" employées par Didier Raoult pour vanter son traitement contre le Covid-19. "Un débat aujourd'hui clos", a-t-elle affirmé, aucune étude n'ayant prouvé l'efficacité de la molécule pour les personnes ayant développé des symptômes nécessitant une hospitalisation.
Si la science pouvait être réduite à un débat binaire, les auditions successives de Didier Raoult et de Karine Lacombe, mercredi et jeudi à l'Assemblée nationale, en seraient la parfaite illustration. Dans un style plus posé et moins flamboyant que son confrère, la cheffe de service des maladies infectieuses de l'hôpital Saint-Antoine (Paris) a souhaité ramener, jeudi, la commission d'enquête sur la gestion de l'épidémie de coronavirus Covid-19 "à la réalité des chiffres".
Des chiffres qui ne seraient pas en faveur de l'hydroxychloroquine : "La question de son efficacité chez les personnes qui présentent des symptômes nécessitant une hospitalisation est clos", tranche la scientifique (voir vidéo en une). Et ce alors que Didier Raoult a estimé, devant la même commission d'enquête mercredi, que son protocole rentrera à terme "dans les livres médicaux de référence".
Dès le mois de mars, Karine Lacombe s'était érigée contre la "méthodologie contestable" du professeur Didier Raoult, suscitant des attaques personnelles et mêmes des menaces de mort à son encontre. Elle déplore ainsi avoir été "une victime médiatique" en tenant ainsi tête au patron de l'Institut hospitalo-universitaire de Marseille.
Karine Lacombe revient longuement sur l'hydroxychloroquine : "Je ne me suis pas opposé à une molécule, mais j'ai apporté un regard critique."
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> Elle évoque une "méthodologie contestable" et un "espoir prématuré", regrettant un débat scientifique "empêché"#DirectAN #COVID__19 pic.twitter.com/ApRaaou4Wn
La cheffe de service de l'hôpital Saint-Antoine enfonce un peu plus le clou en énumérant nombre de pays ayant stoppé leur protocole basé sur cette molécule.
USA, Norvège, Angleterre, Brésil... "La plupart des pays où il y a eu des essais clinique avec l'hydroxychloroquine les ont interrompus", souligne K. Lacombe
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> "Le corpus de connaissances ne va pas aujourd'hui en sa faveur. (...) J'en suis la première contrite"#COVID__19 pic.twitter.com/jusejXJOTo
L'infectiologue affirme même que le médicament controversé a pu être dangereux, voire mortel dans certains cas, pointant un pic d'alerte de pharmacovigilance "en Aquitaine et en PACA au mois de mars" sur les pathologies cardiaques. La prise à haute dose de la choloroquine pouvant éventuellement provoquer de tels effets secondaires :
"Des gens peut-être pas très malades sont décédés d'avoir pris de la chloroquine. Il y en a", pointe Karine Lacombe.
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> Elle se demande pourquoi sur les "3500 patients dépistés" par l'IHU de Marseille on n'a pas fait "un essai". "Ce n'est pas à moi de répondre."#COVID__19 pic.twitter.com/e4QlwRV1Of
Mercredi, Didier Raoult a, lui, dénoncé devant les députés des chiffres de morts dus à la chloroquine qui "ont été transmis au ministre" et qui "n'étaient pas vrais", selon lui.
L'affirmation de Karine Lacombe a en tout cas fait vivement réagir Martine Wonner (EDS). Médecin psychiatre de formation, elle s'étonne qu'on puisse établir si vite des liens de causalité. Il s'agit plus d'un lien de "temporalité", précise alors la chercheuse, pointant une coïncidence entre l'usage déclaré de la choloroquine et les alertes cardiologiques :
Des morts dus à l'hydroxychloroquine ? @MartineWonner s'étonne des propos de K. Lacombe face à la difficulté d'établir "un lien de causalité"
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> "Oui l'imputabilité est difficile à mettre en évidence", répond-elle, pointant un "lien de causalité" et le cas du Brésil#COVID__19 pic.twitter.com/1BzWmnInOw
Interpellée sur le sujet, la chercheuse explique aussi ne pas tomber dans le conflit d'intérêt en ayant collaboré plusieurs fois avec l'industrie pharmaceutique, dont le laboratoire américain Gilead promoteur du remdesivir :
"Vous m'interrogez sur mes liens d'intérêts. Ils sont encadrés de manière stricte (...) Il n'y a pas de financement occulte ou d'enrichissement personnel. Le travail qui a fait l'objet d'une rémunération, c'est un travail fait", assure Karine Lacombe. #Covid_19 #DirectAN pic.twitter.com/RTcF0Dq8KU
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Elle estime respecter les "règles strictes" qui s'appliquent à ce sujet.
Karine Lacombe est aussi revenue sur les affirmations de certains députés, selon lesquels, la France avait fait pire que de nombreux autres pays en matière de létalité. Le taux de létalité, qui se calcule par le nombre de morts de la maladie divisé par le nombre de malades confirmés, constituerait en fait un trompe-l'œil dans la mesure où la France a très peu testé :
Un taux de létalité élevé mais trompeur en France ? "Vous savez que moins on dépiste plus le taux de létalité est élevé", remarque Karine Lacombe. Or, "on a été mauvais sur le dépistage". #DirectAN #COVID__19 pic.twitter.com/9MmJkcADqM
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Y a-t-il eu en cependant des différences de mortalité significatives entre les services de réanimation des différentes régions ? Comme le rappelle Valérie Rabault (PS), Didier Raoult a affirmé que le ratio entre les personnes sorties de réanimation et celles qui y sont mortes en Île-de-France atteignait 1 sur 3, pour un taux bien plus faible à Marseille. La députée demande si un chiffre précis et officiel existe :
Ce chiffre est disponible, mais je ne peux pas vous le donner. Au vu des accusations d'hier, il va être très important que ce chiffre soit rendu public. Karine Lacombe
Pour éviter une éventuelle reprise épidémique, Karine Lacombe livre deux préconisations aux députés. Mieux impliquer la médecine généraliste, trop écartée des opérations de diagnostic et de soins au printemps :
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Ensuite, renforcer et amplifier une coopération européenne sur la recherche qui laisse pour l'instant à désirer :
L'essai clinique #Discovery "n'est pas un fiasco", considère Karine Lacombe qui réclame une institution européenne "beaucoup plus forte" en terme de management de la recherche. #Coronavirus #Covid_19 #DirectAN pic.twitter.com/NO6exhaQBj
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