Limiter l'irresponsabilité pénale en cas de prise de stupéfiants, renforcer la sécurité des forces de l'ordre, lutter contre les "rodéos motorisés"... Le texte du gouvernement, préparé par le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur, est examiné à compter du mardi 14 septembre en commission des lois. Ce texte doit notamment permettre de répondre à l'émotion causée par la décision de justice rendant le meurtrier de Sarah Halimi pénalement irresponsable.
A huit mois de l'élection présidentielle, les questions de sécurité et de justice s'annoncent comme deux des principaux thèmes de la campagne et, jusqu'au bout, le gouvernement aura légiféré sur ces sujets. À l'instar de ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a fait voter de nombreuses lois sur la sécurité : de la loi SILT qui organise la sortie de l'état d'urgence tout en pérennisant certaines de ses dispositions à la loi "sécurité globale" en passant par un texte contre le terrorisme, le treizième depuis la vague d'attentats de 2015, le sujet est revenu régulièrement sur la table du Conseil des ministres.
Discuté à partir de de mardi par la commission des lois en procédure accélérée, le projet de loi sur la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure fait d'abord écho à l’indignation provoquée à l’affaire Sarah Halimi, une retraitée juive assassinée chez elle, à Marseille, en 2017. Lors du procès, l'abolition du discernement de son meurtrier, et donc l'irresponsabilité pénale de celui-ci, qui n'a donc pas pu être jugé, a été retenue par les experts mandatés par la justice. Consommateur régulier de cannabis, celui-ci aurait agi sous l'effet d'une "bouffée délirante aiguë", selon les termes retenus par les spécialistes.
Cette décision a indigné jusqu'à Emmanuel Macron lui-même : "Décider de prendre des stupéfiants et devenir alors 'comme fou' ne devrait pas à mes yeux supprimer votre responsabilité pénale. Sur ce sujet, je souhaite que le garde des Sceaux présente au plus vite un changement de la loi", avait-il déclaré au Figaro en avril.
La promesse présidentielle se traduit dans l'article premier du texte, qui crée une exception à l'irresponsabilité pénale : "La loi exclura l’irresponsabilité pénale lorsque la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre une infraction [ou de la faciliter, ndlr]", a explicité Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, lors de la présentation du projet de loi cet été.
Les articles suivants créent de plus deux nouvelles infractions, qui permettront de réprimer sévèrement la consommation volontaire de drogue ou d'alcool qui provoquerait des conséquences violentes ou meurtrières, même involontaires, avec des peines s'échelonnant de deux à dix ans de prison.
Le deuxième grand axe du projet de loi représente une nouvelle étape pour "protéger ceux qui nous protègent". Dans la lignée de la loi relative à la sécurité globale, le texte prévoit la création d'une infraction spécifique destinée à sanctionner les faits de violence commises à l'encontre des policiers, gendarmes, policiers municipaux, militaires déployés dans le cadre de l'opération Sentinelle et agents pénitentiaires. Ces sanctions seront équivalentes à celles prévues pour les sanctions aggravées. À savoir, sept ans de prison et 100 000 euros d'amende pour les violences ayant entraîné une interruption temporaire d'au moins 8 jours, et cinq ans de prison et 75 000 euros de prison pour les ITT inférieures. Ces peines seront applicables lorsque les violences ont touché un proche du membre des forces de sécurité intérieure.
Un pan du projet de loi se penche plus particulièrement sur les refus d'obtempérer, responsables de plus la moitié des décès de policiers et gendarmes en opération en 2020. Conformément aux annonces du Premier ministre, Jean Castex, en mai dernier, les peines prévues pour cette infraction sont doublées, passant à deux ans de prison et 15 000 euros d'amende. En outre, en cas de mise en danger de la vie d'autrui des agents procédant au contrôle routier, ces peines seront portées à 7 ans de prison et 100 000 euros d'amende. Par ailleurs, diverses modalités administratives et juridiques (suspension ou annulation du permis, confiscation du véhicule, etc.) sont détaillées au sein de l'opus.
Le projet de loi concrétise par ailleurs la volonté de mettre en place une véritable réserve opérationnelle de la police nationale, calquée sur le modèle de celle de la gendarmerie. L'objectif espéré est d'œuvrer au rapprochement police-population, tout en renforçant la capacité opérationnelle de la police nationale en déléguant certaines tâches aux réservistes. Ces derniers bénéficieront d'une formation initiale et continue, et s'engageront pour une période d'au moins cinq ans.
Plusieurs articles du projet de loi tirent les conséquences de la censure partielle, par le Conseil constitutionnel, de la loi relative à la sécurité globale et plus particulièrement des mesures sur la prise d'images par les forces de l'ordre. Le texte encadre par conséquent le fait de filmer un gardé à vue (pour éviter qu'il s'évade ou tente d'attenter à ses jours) ainsi que les dispositifs de caméras embarquées depuis un véhicule de la police ou de la gendarmerie.
En outre, il supervise la captation d'images depuis des drones, mesure sensible que l'exécutif a déjà tenté d'introduire dans la loi. Afin de tenir compte de la censure du Conseil constitutionnel, le projet de loi renforce fortement le cadre d’usage de ces caméras tout en améliorant le contrôle préalable à leur mise en œuvre. Parmi les mesures envisagées : l'arrêt immédiat d'une vidéo dès lors qu'un intérieur de domicile est filmé. L'objectif étant, cette fois, de répondre aux exigences de l'institution.
Renforcement du contrôle des armes à feu, extension des compétences des gardes particuliers, révision de la procédure pénale concernant les mineurs... Diverses mesures sont rassemblées en queue de texte, qui fait un peu office de voiture-balai des dernières dispositions pénales et sécuritaires que l'exécutif souhaite faire passer avant la fin du quinquennat.
Parmi elles, une remise à niveau de la lutte contre les "rodéos motorisés", qui empoisonnent le quotidien de nombreux riverains dans certains quartiers. Une loi spécifique a été promulguée en août 2018, mais elle peine à produire des effets tangibles, ont observé Natalia Pouzyreff (LaREM) et Robin Reda (LR), qui viennent de rendre les conclusions d'une mission d'évaluation portant sur le texte. Ils ont notamment proposé d'utiliser des drones pour mieux identifier les délinquants quand ils s'enfuient, et porteront des amendements sur le projet de loi en ce sens. Sans aller jusque-là, le texte comporte dans sa version initiale plusieurs dispositions destinées à lutter contre le phénomène : obligations administratives renforcées et possibilités accrues de détruire les motos ayant servi aux rodéos.