Budget de la Sécu : Vers une CMP "conclusive" ? La décision des députés du parti présidentiel sera déterminante

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Assemblée et Sénat
Les bâtiments de l'Assemblée nationale et du Sénat (© Flickr - Jimmy Baikovicius / Wikimedia)
par Ludovic FAUElsa Mondin-Gava, Stéphanie Depierre, le Mardi 26 novembre 2024 à 18:48, mis à jour le Mardi 26 novembre 2024 à 19:03

Après l'adoption du projet de loi de financement de la Sécurité sociale au Sénat mardi 26 novembre, alors que le texte n'avait pas été voté à l'Assemblée nationale, une commission mixte paritaire composée de sept députés et sept sénateurs se réunira, mercredi 27 novembre, afin de tenter de parvenir à un compromis sur le PLFSS entre les deux Chambres du Parlement. La décision des députés Ensemble pour la République, opposés à une augmentation du coût du travail pour les entreprises, sera déterminante. 

Conclusive ou pas ? Une partie de la séquence budgétaire se jouera mercredi 27 novembre. Avant le budget de l'Etat, en cours d'examen au Sénat, députés et sénateurs vont tenter de se mettre d'accord sur le budget de la Sécurité sociale.

Il y a trois semaines, le texte avait été transmis aux Sénat, sans avoir été adopté à l'Assemblée nationale. Un fait inédit. Depuis le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a été adopté par le Sénat, ce mardi 26 novembre. Comme le prévoit la procédure budgétaire, une commission mixte paritaire (CMP) se réunit donc ce mercredi, à 14 heures, pour tenter d'établir un compromis sur le texte entre les deux Chambres du Parlement.

En CMP, un rapport de force favorable au gouvernement deux fois sur trois

Cette instance de conciliation est composée de sept députés et de sept sénateurs qui représentent les forces politiques du Parlement proportionnellement à leur nombre d'élus au Palais-Bourbon et au Palais du Luxembourg. Compte tenu de la composition du Sénat, le gouvernement peut compter sur cinq voix parmi les sénateurs. Et compte tenu de la composition de l'Assemblée nationale, il peut compter, deux fois sur trois en raison d'un siège tournant, sur trois voix parmi les députés. Soit une majorité de huit voix pour le "socle commun" de Michel Barnier, contre six voix pour les oppositions, lorsque la composition de la CMP est favorable au gouvernement, ce qui sera le cas de celle qui aura lieu sur le PLFSS.

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Nouveauté de cette législature, l'actuel locataire de Matignon dispose certes d'une assise plus fragile qu'Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale, mais il dispose de la majorité au Sénat. Contrairement à l'ancienne Première ministre qui avait dû multiplier les 49.3 sur le budget de l'Etat et celui de la Sécu, Michel Barnier peut donc tabler sur une CMP dite "conclusive", ce qui éviterait une nouvelle lecture de ces textes dans chacune des Chambres, puis une dernière lecture à l'Assemblée nationale. En cas d'accord, celui-ci serait ensuite soumis à l'ensemble sénateurs, qui le valideraient. Et à l'ensemble des députés. C'est à ce moment-là que pour éviter un rejet du PLFSS, qui serait provoqué par une addition des voix du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national, Michel Barnier aurait très vraisemblablement recours à l'article 49.3 de la Constitution, ce qui l'exposerait cependant à une motion de censure

Encore faut-il que, dans un premier temps, la commission mixte paritaire parvienne à un accord, alors que depuis la semaine dernière, les députés du parti présidentiel conditionnent leur vote en CMP à la question du coût du travail. Jeudi dernier, le sujet a même fait l'objet d'une interview remarquée du ministre de l'Economie et des Finances, Antoine Armand, lui-même issu du parti présidentiel, qui n'a pas hésité à mettre son poids dans la balance quitte à assumer un désaccord avec Matignon. 

Initialement, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoyait de refondre les allègements de cotisations patronales, avec notamment pour objectif de réaliser quatre milliards d'euros d'économies. Pas question pour le groupe Ensemble pour la République, qui considère que cela remettrait en cause la politique de l'emploi menée depuis l'élection d'Emmanuel Macron à l'Elysée en 2017, et que cette remise en cause serait particulièrement mal venue dans un contexte économique dégradé

Vers un accord en CMP, en dépit des tensions avec EPR sur le coût du travail ? 

Depuis, le Sénat a réduit la facture pour les entreprises à trois milliards pour les entreprises. Et le gouvernement a indiqué être prêt à réduire l'effort demandé aux entreprises à deux milliards, voire à un milliard et demi. Pas encore suffisant, à ce stade, pour le groupe présidé par Gabriel Attal. La semaine dernière, les députés du parti présidentiel ont fait savoir qu'il prendrait leur décision sur la CMP, ce mardi, lors de leur réunion hebdomadaire. Finalement au cours de cette réunion - qui a eu lieu après celle des responsables du socle gouvernemental autour de Michel Barnier à Matignon -  les députés EPR ont décidé de se laisser jusqu'à mercredi

Jusqu'au bout, certains affichent une ligne "tout ou rien" pour exercer une pression maximale, afin que le gouvernement renonce à toute augmentation du coût du travail, tandis que d'autres indiquaient, il y a quelques jours déjà, "qu'en deçà du milliard" d'euros d'augmentation de charges, un accord pourrait s'esquisser. Selon les indications recueillies par LCP à l'issue de la réunion des députés Ensemble pour la République, l'hypothèse que la commission mixte paritaire aboutisse à un accord semble, à ce stade, la plus vraisemblable, sans certitude tant qu'aucune décision n'a été prise formellement.  

En croisant et en décryptant les éléments fournis par des participants à la réunion, l'idée pour EPR serait d'obtenir le meilleur arbitrage possible sur le coût du travail et d'aller à l'accord en commission mixte paritaire au nom de la responsabilité, tout en soulignant que le groupe s'est farouchement battu contre la baisse des allègements de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises.

Selon un député présent à la réunion, Elisabeth Borne se serait montrée très critique envers le gouvernement. "Je ne suis d'accord, ni avec la partie recettes, ni avec la partie dépenses, ni sur le PLF, ni sur le PLFSS. Je ne suis d'accord avec rien. Et pas avec la méthode non plus", a dit l'ex-Première ministre, selon cette source, au cours de la réunion de groupe mardi matin. Malgré tout, en conclusion, Elisabeth Borne s'est prononcée pour ne pas faire échouer la CMP

Un source gouvernementale contactée par LCP estime, quant à elle, qu'"une voix existe" pour parvenir à un accord entre les groupes du "socle commun" sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.