Budget de crise : l'État creuse ses pertes

Actualité
Image
Bruno Le Maire était auditionné devant la commission des finances, le 10 juin 2020.
par Jason Wiels, le Mercredi 10 juin 2020 à 15:15, mis à jour le Jeudi 8 octobre 2020 à 16:17

Le gouvernement a dévoilé un troisième et ultime budget rectificatif pour 2020, qui prend en compte la plupart des annonces de soutien à l'économie. Les estimations de croissance, de déficit et de chômage se sont encore détériorées.

Trois lois pour rectifier le budget de l'année en trois mois... "C'est unique dans l'histoire budgétaire du pays", a souligné mercredi matin Pierre Moscovici pour sa première intervention à l'Assemblée nationale après sa nomination à la tête de la Cour des comptes.

Un budget "trois fois onze"

Uniques aussi sont les chiffres macroéconomiques du nouveau projet de loi finances rectificatives 2020, présenté par l'exécutif lors du conseil des ministres : une contraction de 11% de l'économie française, un déficit public attendu à 11,4% et une dette prévue à 120,9% du PIB. "C'est un budget trois fois onze : 11% de déficit, 11% de récession et 11% de chômage", a résumé le président de la commission des finances, Éric Woerth (LR). 

Un tel recul de l'économie serait une première depuis l'après-guerre, alors qu'en 2008 la décroissance française n'avait été "que" de 2,9%. Toutefois, ces chiffres pourraient être encore pires à en croire l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), qui prévoit pour la France une contraction du PIB entre 11,4% et 14,1%.

"Le chiffre de 14,1% est un scénario noir, dans lequel l'épidémie reprendrait à la rentrée", a tenu à nuancer le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, auditionné mercredi par les députés. De son côté, Pierre Moscovici entrevoit, a contrario, un potentiel rétablissement de la croissance si les Français utilisaient "ne serait-ce qu'une partie des 100 milliards d'euros d'épargne" accumulés pendant la crise.

L'ancien ministre socialiste de l'Économie, qui représente également le Haut conseil des finances publiques, a par ailleurs validé les hypothèses du gouvernement, qui "reflètent le niveau de la crise sanitaire et économique que nous traversons".

Des annonces (presque) toutes converties en acte

Par rapport au précédent collectif budgétaire, le gouvernement remet aussi des milliards dans la machine à préserver l'activité : "Près de 136 milliards d'euros sont désormais destinés au soutien à l'économie, à l'emploi, aux collectivités territoriales et aux plus précaires, contre 110 milliards d'euros prévus à la fin avril", explique l'exposé des motifs du texte.

136 milliards, un chiffre à ne pas confondre avec la "dette sociale" du Covid-19 d'un même montant, qui grèvera les comptes de la Sécurité sociale. Il faut ajouter enfin pour près de 327 milliards d'euros de dispositifs de garantie (comme les prêts garantis par l'État) pour avoir une idée des sommes en jeu : 

"L'ensemble des sommes qui sont consacrées à cette réponse à la crise économique représente 460 milliards d'euros, c'est 20% de la richesse nationale française."Bruno Le Maire à la sortie du conseil des ministres

Cette dernière loi de finances rectificative, avant le budget 2021 prévu à l'automne, intègre les nombreux plans de soutien sectoriels dévoilés par le gouvernement (tourisme, automobile, culture et presse, start-up et entreprises technologiques). À deux exceptions près : celui en faveur des commerces de proximité, pour lequel les discussions sont en cours, et celui pour l'aéronautique (15 milliards d'euros), dévoilé cette semaine. 

Le texte devrait être âprement discuté par le Parlement dans les prochaines semaines pour une adoption prévue autour du 20 juillet. Si le premier budget rectificatif avait fait l'objet d'un vote unanime à l'Assemblée nationale fin mars, le deuxième voté en mai n'avait recueilli ni le soutien des députés insoumis, ni des communistes.