Les députés ont âprement ferraillé, lundi 17 octobre, autour des questions liées à la fiscalité, et plus particulièrement au sujet de l'impôt sur la fortune (ISF), que les groupes de la Nupes souhaitaient rétablir en y ajoutant une dimension environnementale. Les amendements identiques déposés en ce sens ont tous été rejetés, tout comme celui, diamétralement opposé et porté par Les Républicains, visant à supprimer l'impôt sur la fortune immobilière (IFI).
C’était un débat pour le moins attendu dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances qui se poursuit à l'Assemblée nationale. Vendredi soir, les députés de l'opposition avaient accusé le gouvernement et la majorité de ne pas accéder à la demande de certains groupes de prolonger la séance au-delà de minuit, pour ne pas risquer un éventuel revers sur la question de l'impôt sur la fortune (ISF), après celui lié à la taxation des "super-dividendes" quelques jours auparavant.
Mais le gouvernement ayant décidé de laisser du temps au débat avant d'annoncer l'utilisation du 49.3 pour faire adopter le budget, le débat a fini par avoir lieu, lundi 17 octobre, au travers des amendements de toutes les composantes de la Nouvelle union populaire écologique et sociale, visant à revenir, selon les mots de Mathilde Panot, sur "ce qui a peut-être été vécu par les Français et les Françaises, comme l'une des plus grandes injustices du précédent quinquennat, c'est-à-dire la suppression de l'impôt sur la fortune". La présidente du groupe LFI a précisé que ce nouvel ISF, s'il était voté, serait doté d'une "composante écologique", et rapporterait "10 milliards d'euros par an".
Eva Sas (Ecologiste), défendant un amendement similaire, a évoqué "un système de bonus-malus climatique sur le patrimoine immobilier et sur les porte-feuilles de placements pour responsabiliser les plus riches sur l'impact carbone de leur patrimoine", soit une prise en compte de l'empreinte environnementale des actifs immobiliers et financiers. "Le patrimoine financier des 1% les plus riches émet 66 fois plus que celui des 10% de Français les plus modestes", a aussi souligné la députée. "On ne peut pas demander aux Français de baisser le chauffage et de couper le wifi quand certains continuent à brûler des litres de kérosène dans des jets privés".
Après que le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, ait rappelé que la France "avait le taux d'imposition sur le capital le plus élevé d'Europe" avant la réforme de 2017 ayant transformé l'ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI), Véronique Louwagie (Les Républicains) s'est prononcée contre ce qu'elle a qualifié d'"impôt sur les stocks de patrimoine". Contre le principe du rétablissement de l'ISF, son groupe est même allé plus loin, en proposant un peu plus tard la suppression de l'IFI, qui n'a pas été retenue par les députés.
De son côté, le Rassemblement national en la personne de Jean-Philippe Tanguy a présenté un amendement pour "une nouvelle forme d'ISF", visant à "orienter là où doivent aller les investissements", et à "décourager" la spéculation. Le groupe présidé par Marine Le Pen, qui s'était prononcée pour un "impôt sur la fortune financière" durant la campagne présidentielle, s'est finalement massivement abstenu lors du vote concernant les amendements de la gauche, qui n'ont pas reçu le nombre de suffrages requis pour pouvoir être adoptés, avec 156 voix contre, 96 pour.
Suite à ce vote, les députés de La France insoumise ont dénoncé sur les réseaux sociaux une alliance objective de la majorité avec le RN. Louis Boyard a ainsi fustigé un vote "main dans la main" et un "système Macron (...) sauvé par son assurance vie Le Pen". "Le Rassemblement national défend les riches, pas le peuple", a pour sa part estimé Antoine Léaument, tandis que Clémentine Autain a qualifié de "mascarade" la "prétendue fibre sociale du parti de Le Pen".
Les débats ont, par ailleurs, été particulièrement animés, notamment suite à une intervention d'Hadrien Clouet, le député LFI ayant affirmé qu'"on n'est jamais super-riche, à la tête d'une grande fortune, de manière tout à fait innocente". Evoquant "les portefeuilles de 200 familles", l'élu a été repris par Mathieu Lefèvre (Renaissance), qui a qualifié "le mythe des 200 familles" de "complotiste", et accusé le député insoumis de "jeter l'opprobre sur l'ensemble de celles et ceux qui font vivre ce pays". "Les seuls que je connais à faire tourner le pays, ce sont les travailleuses et les travailleurs", lui a répondu Hadrien Clouet.