C'est sur ce texte fondamental, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, que François Bayrou aura déclenché son premier 49.3, lundi 3 février, engageant ainsi la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale. En réponse, La France insoumise a déposé une motion de censure, sans perspective de renverser le gouvernement, le Parti socialiste ayant décidé, lundi, de ne pas la voter. Le Rassemblement national et le groupe LIOT ne voteront pas, eux non plus, la censure.
Dès lors, le budget de l'Etat, dans sa version issue de l'accord trouvé en commission mixte paritaire la semaine dernière, sera considéré comme adopté à l'Assemblée. Et il le sera définitivement par le Parlement après la validation du texte prévue lors d'un vote qui aura lieu jeudi au Sénat. En termes macroéconomiques, le PLF affiche une prévision de croissance de 0,9%. Et fixe un objectif de déficit public de 5,4% du PIB en 2025, contre les 6,1% enregistrés en 2024.
Pour les particuliers
Choisissant de repartir du texte porté par l'ex-Premier ministre Michel Barnier à l'automne, François Bayrou en a repris les grandes lignes, notamment sur la partie consacrée aux recettes.
- Le barème de l'impôt sur le revenu est indexé sur l'inflation, à hauteur de 1,8%. Ce pourcentage augmente d'autant le niveau de revenu qui correspond aux cinq tranches d'imposition. Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), sans cette indexation, un peu plus de 17 millions de foyers auraient vu leur imposition augmenter.
- Une "contribution différentielle" sur les hauts revenus (CDHR). Concrètement, un effort temporaire, sur une année, sera demandé aux ménages les plus aisés : les contribuables dont le revenu fiscal de référence dépasse les 250.000 euros (500.000 euros pour un couple) seront imposés à hauteur d'au moins 20%. Gain espéré : 2 milliards d'euros.
- Un malus renforcé sur l'achat de voitures thermiques, à partir du 1er mars. Le seuil de déclenchement (le niveau d'émission de CO2 à partir duquel on paye cette surtaxe) est fixé à 113 g/km de CO2, contre 118 g/km de CO2 jusqu'à présent.
- Le taux de TVA sur la fourniture et la pose des chaudières à gaz passe à 20%.
- La taxe sur les billets d'avion augmente, passant notamment de 2,63 euros à 7,30 euros pour un billet en classe économique vers la France ou l'Europe.
- Le plafond des frais de notaires (les droits de mutation à titre onéreux ou DMTO), perçus par les départements, est relevé de 0,5 point pour l'achat d'un bien immobilier, sauf pour les primo-accédants à la propriété.
- Le prêt à taux zéro (PTZ) accessible aux primo-accédants est étendu à tout le territoire, sans distinction, pour l’achat dans le neuf, qu'il s'agisse d'une construction individuelle ou collective. Jusqu'à présent, le PTZ était accessible seulement aux logements neufs collectifs, en zone tendue. En revanche, les conditions d'achat dans l'ancien restent inchangées, c'est-à-dire sous conditions de rénovation énergétique.
Par ailleurs, si le gouvernement a renoncé à étendre à trois (contre un actuellement) le nombre de jours de carence des fonctionnaires en cas d’arrêt maladie, le taux d’indemnisation de ces arrêts maladie a été réduit à 90 % (au lieu de 100 %), sauf en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle.
Pour les entreprises
- Une "contribution exceptionnelle" sur les bénéfices des grandes entreprises. S'appliquant, elle aussi, sur une année, elle concerne les sociétés - environ 400 - qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur ou égal à un milliard d'euros et comprend deux taux : 20,6% pour celles dont le chiffre d'affaires se situe entre un et trois milliards ; et 41,2% pour celles dont il est de trois milliards ou plus. Pour un gain espéré de 8 milliards d'euros.
- Une taxe sur les rachats d'actions, suivis d'une annulation d'actions conduisant à une réduction du capital, pour les entreprises dont le chiffres d'affaires dépasse un milliard d'euros.
- Le taux de la taxe sur les transactions financières (TTF) passe de 0,3 à 0,4%
De leur côté, les régions auront la possibilité de prélever sur les entreprises un "versement destiné au financement des services de mobilité" (dit "versement mobilité") dans la limite de 0,15% des salaires.
A noter que l'article 4 du projet de loi de finances sur la tarification de l'électricité nucléaire vendue par EDF, à propos duquel le Rassemblement national avait menacé le gouvernement de censure en cas de maintien, figure bien dans le texte final.
Des coupes budgétaires
Côté dépenses, plusieurs baisses dans les budgets de certains ministères ont été pointées du doigt par les oppositions, notamment ceux de l'Aide publique au développement, de la Culture, de l'Ecologie, de l'Agriculture ou encore de l'Enseignement supérieur.
- Le budget de l'aide médicale d'Etat (AME, soins aux étrangers en situation irrégulière), diminué de 111 millions d'euros par rapport au budget élaboré par Michel Barnier à l'automne, pour le maintenir au niveau de 2024 (environ 1,3 milliard). Le périmètre du panier de soins n'a, lui, pas été modifié.
- Les 4.000 postes d'enseignants qui devaient être supprimés dans la version du projet de loi de finances de l'automne ne le seront pas, mais à budget constant pour l'Education nationale : les 50 millions d'euros nécessaires seront prélevés ailleurs.
- L'effort financier demandé aux collectivités locales a, lui, été stabilisé depuis plusieurs semaines sur la version du Sénat, soit environ 2,2 milliards d'euros.
- Les crédits de l'Agence bio, supprimés au Sénat, ont aussi été rétablis, comme promis par le gouvernement.
- Le budget du Sport, que le gouvernement avait envisagé de diminuer ces derniers jours malgré la fronde du secteur, a été sanctuarisé dans sa version proposée à l'automne, qui était cependant déjà nettement réduite par rapport à 2024 qui était une année olympique.
- Le service national universel (SNU), dénoncé par toutes les oppositions pour son coût et son manque d'efficacité, a vu ses crédits diminuer, résistant encore à une suppression pure et simple.
Par ailleurs, les membres de la commission mixte paritaire sont revenus sur la suppression des crédits du Haut-Commissariat au plan, qui avait été votée au Sénat, et a, simplement, baissé sa dotation de 5 %. Autre changement par rapport à la version de la Chambre haute : les anciens Présidents et Premiers ministres conservent leurs avantages liés à leurs fonctions passées.