Face à l'épidémie de COVID-19 et à ses conséquences économiques et sociales inédites, le gouvernement a dévoilé un plan de “relance” de 100 milliards d’euros au début du mois de septembre. Le détail du texte était débattu mardi soir en commission des finances de l'Assemblée, dans le cadre du volet dépenses du projet de loi de finances pour 2021. Si l'initiative a globalement été bien accueillie par la majorité et la droite, le risque de "saupoudrage" et le caractère "illisible" de certains crédits ont cependant fait l'objet de critiques.
Sauver l'économie française. Tel est l'objectif du plan de relance dévoilé par le gouvernement au début du mois de septembre : 100 milliards d'euros répartis sur deux ans pour faire face à la crise économique et sociale provoquée par l'épidémie de coronavirus. Mardi 20 octobre au soir, charge était donnée à la mission spéciale de la commission des finances de l'Assemblée nationale d'examiner et d'amender le texte. L'occasion de pointer les forces et les faiblesses du dispositif imaginé par l'exécutif.
Le rapporteur général du Budget, Laurent Saint-Martin (LaREM), a d'abord exposé les grandes lignes du plan. “L’ Etat prévoit de dépenser en une année 22 milliards de plus pour des nouvelles mesures", a-t-il d'abord souligné. Avec deux objectifs : "sortir de la crise", et "investir dans notre avenir, pour préparer la France de 2030".
Le plan de relance s’articule donc autour de trois piliers : "l'écologie, la compétitivité, et la cohésion". "C’est un ensemble qui s’équilibre et qui met sur les rails le pays pour les dix prochaines années", a assuré le député du Val-de-Marne. Avant de lancer une injonction commune : "pour que cet argent soit rapidement et effectivement dépensé, et qu’il atteigne les objectifs que nous allons essayer de nous donner, il va falloir que les acteurs et les parties prenantes s’en saisissent. Les particuliers, les entreprises, les associations et ce sera aussi le rôle des parlementaires d’en être les ambassadeurs dans leurs circonscriptions”, a-t-il prévenu.
Eric Woerth (LR), président de la commission des finances et rapporteur spécial du texte, a quant à lui argué que "beaucoup des mesures [du plan de relance] vont dans le bon sens". "Je pense que l’on doit répondre à deux questions pour savoir si les crédits sont bien placés : Est-ce que ces crédits exceptionnels contribuent à infléchir profondément une transition importante, la transition écologique ou la transition numérique ? Est-ce que c’est un infléchissement fondamental, c’est-à-dire que la crise est à ce moment là une opportunité ? Deuxième question : est-ce que ces crédits contribuent durablement à l’augmentation de notre croissance potentielle ?", a-t-il interrogé ses collègues en préambule.
Le député de l'Oise a immédiatement embrayé sur ses "réserves" par rapport au texte présenté. "Il y a beaucoup de saupoudrage et il y a beaucoup de crédits qui sont illisibles : par exemple les crédits des mesures pour les jeunes, il n’y a pas moins de 26 mesures différentes dans la mission relance, alors que d’autres crédits ont été votés au printemps et d’autres crédits se retrouvent dans la mission travail et emploi", a-t-il relevé. "Plusieurs mesures n’ont en fait aucun lien direct, réel avec la relance. Ils sont légitimes en tant que tels. Mais je doute par exemple que les crédits affectés aux jardins partagés, à la plantation de haies ou encore au soutien et à l’accueil des animaux abandonnés soient des éléments fondamentaux de l’accélération de la croissance potentielle de notre pays et de sa transition énergétique”, a-t-il indiqué. Ajoutant que "des crédits sont sous-estimés".
“Cela fait trois ans comme député socialiste, que les chapitres qui sont ouverts dans le plan de relance, je les propose en vain (...) Enfin ils sont abondés, mais c’est la première fois”, a quant à lui souligné Dominique Potier (PS). "Ce n’est pas si baroque que ça", lui a rétorqué Laurent Saint-Martin. "Il y a des séquences d’investissement dans la vie des finances publiques et d’un pays. Une sortie de crise en est une. Une grosse séquence d’investissement. On peut aujourd’hui faire des choses qu’on ne pouvait pas faire hier ou avant hier pour des raisons de rigueur budgétaire".
"C'est un dialogue de sourds", a pour sa part regretté la députée de La France insoumise, Sabine Rubin. "Le plan de relance est tout à fait insuffisant y compris pour relancer, mais encore plus pour faire une véritable bifurcation écologiste. Ce fameux saupoudrage dans tout ne mène nulle part", a-t-elle aussi estimé, raillant un "plan de relance qui ne relance rien du tout".
Sa collègue socialiste, Christine Pires Beaune, a de son côté ciblé "la forme et le fond" de la mission. "Sur le fond, le gouvernement réunit un nombre très important d'actions sur des sujets très différents, qui noient l'objectif politique avec un saupoudrage de crédits", a estimé l'élue. "Ce qui est certain, c'est que la partie cohésion ne prend aucun dispositif de soutien en direction des Français les plus modestes, sinon les 86 millions d'euros, soit 0,4% des crédits de paiements, en direction des associations de lutte contre la précarité et l'hébergement d'urgence."
Le député Charles de Courson (Libertés et Territoires), y est également allé de ses inquiétudes. "Est-ce qu'il fallait une mission spécifique de ce qu'on appelle improprement le plan de relance ? Non", a-t-il tranché. L'élu qui fait partie des spécialiste des finances à l'Assemblée estime qu'il y aura des "transferts de crédits", effectués a posteriori par le ministre de l'Economie. "Il fallait faire un plan de relance qui abonde les chapitres existants, et non pas faire une mission spécifique. L'avenir nous le dira." Il a également pointé une absence de "clarté". "Le président [Eric Woerth] l'a dit, on ne sait plus très bien où sont les crédits, et ce serait intéressant qu'il nous fasse dans son rapport la somme des crédits du plan de relance par rapport aux crédits existants dans les missions des ministères en charge pour que l'on voit comment évolue la somme des deux par rapport à l'année 2020", a-t-il indiqué. Le député de la Marne a ensuite observé que ce plan n'était pas, selon lui, un "plan de relance mais un plan de compétitivité".
Enfin, Jean-Paul Dufrègne (Gauche démocrate et républicaine), a posé la question de "la place des territoires ruraux dans ce plan de relance". Le député communiste a également regretté qu'il n'y ait pas de "contreparties" imposées aux bénéficiaires du plan. "On finance tout ça par la dette alors qu'on aurait pu mettre à contribution les gros patrimoines et les hauts-revenus...", a-t-il estimé.