Dans la dernière ligne droite du projet de loi de finances, le gouvernement a ouvert de nouveaux crédits pour prolonger les aides aux secteurs les plus touchés par la crise sanitaires. Après un alourdissement exceptionnel en 2020, la dette devrait continuer de se creuser l'année prochaine.
Pour préserver l'économie française, le "quoiqu'il en coûte" continuera en 2021. Les députés vont le graver dans le marbre de la nouvelle lecture de la loi de finances pour l'année prochaine, entamée lundi soir. Au total, ce sont 13,4 milliards d'euros supplémentaires qui seront prévus par rapport au texte voté en première lecture.
C'est la conséquence directe du confinement de plusieurs secteurs économiques (restauration, hôtellerie, culture, sport...) pour une durée plus longue que prévu et qui continuera au moins jusqu'au 20 janvier. Devant les incertitudes de cette crise qu'il juge "plus sévère que celle de 2008", le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a maintenu la prévision historique d'une récession de - 11% en 2020, avec un rebond du PIB attendu autour de 6% l'année prochaine.
Parmi les rares points positifs, le locataire de Bercy a relevé que la baisse d'activité s'était limitée à 12% en novembre, contre 30% au printemps, lors du premier confinement :
Je dis tout de suite que cela n’est pas un prétexte à un troisième confinement ; c’est au contraire une incitation à poursuivre nos efforts en matière sanitaire de façon à conjuguer lutte contre la circulation du virus et maintien de l’activité économique. Bruno Le Maire, le 14 décembre 2020
Dans le détail des 13,4 milliards d'euros nouvellement budgétés, 4,4 milliards sont provisionnés pour soutenir l'activité partielle, plus 400 millions pour les "permittents", ces salariés précaires vivant de petits contrats qui ont le plus souffert de la crise. Le fonds de solidarité est alimenté par 7 milliards de plus, alors qu'il couvre désormais les pertes des entreprises à l'arrêt en se basant sur le chiffre d'affaires et non plus en versant une simple somme forfaitaire.
Enfin, l'exécutif remet au pot 600 millions d'euros d'aides directes pour "les secteurs particulièrement touchés par la crise", soit le sport, la culture et les stations de montagne et ouvre 1 milliard pour "aider au paiement des cotisations".
Ces milliards vont grever un peu plus de le déficit public en 2021, lequel s'établira à -8,5 % du PIB (contre -6,7% en première lecture), après - 11,3% en 2020. La dette atteindra 122,4% du PIB (119,8% en 2020 et 100,4% en 2019), six points de plus qu'anticipé en septembre.
La dette continuera donc de se creuser l'année prochaine, "un basculement" par rapport à la première lecture que souligne le rapporteur général Laurent Saint-Marin (LaREM) :
Nous devons le dire à nos concitoyens (...) que la crise aura de lourdes conséquences sur notre endettement et que le rebond de 2021 ne suffira pas, dans un premier temps, à le stabiliser. Laurent Saint-Marin, le 14 décembre 2020
Face à cette nouvelle avalanche de chiffres, Éric Woerth (LR) a sorti la calculette. Pour le président de la commission des finances de l'Assemblée, "cette année, nous allons emprunter un montant à peu près équivalent à celui des retraites versées, qui représente environ 320 milliards d’euros". Et de critiquer la méthode retenue par le pouvoir : "Le mélange du 'quoi qu’il en coûte' avec le 'en même temps' est détonnant : il aboutit à la récession et à la dette", a-t-il asséné.
À l'autre bout de l'hémicycle, La France insoumise a vivement critiqué ce budget de crise, au point de proposer une motion de rejet. Son orateur Éric Coquerel a redouté un "cyclone social en train de s'abattre sur la France" :
"80 000 emplois sont menacés ou condamnés, (...) la France va donc connaître l’aggravation d’une nouvelle épidémie, sévère : celle de la pauvreté" Éric Coquerel, 14 décembre 2020
La pauvreté, qui monte de manière mécanique en cas de tempête économique, pourrait toucher plus de 10 millions de Français selon le Secours catholique dès cette année. Accusé d'en faire trop peu sur ce sujet, Bruno Le Maire s'est défendu d'ignorer les plus fragiles : "Je ne laisserai pas dire (...) que cette majorité ferait tout pour les entreprises, tout pour l’offre, et rien pour les salariés, rien pour la demande, rien pour les plus fragiles, parce que c’est tout simplement un mensonge !".
Il a rappelé que le chômage partiel était "le plus généreux d'Europe", ce à quoi Éric Coquerel a répliqué qu'une entreprise comme Bridgestone en a bénéficié... avant de fermer son usine à Béthune. Le débat sur les profiteurs de crise continuera lui aussi en 2021.