La Première ministre a prononcé sa déclaration de politique générale, mercredi 6 juillet, à la tribune de l'Assemblée nationale. Un discours auquel ont ensuite répondu les dix groupes politiques du Palais-Bourbon.
D'abord, un constat. "Les Français nous demandent d'agir autrement", a estimé la cheffe du gouvernement. Dès lors, le mot compromis est revenu à plusieurs reprises dans son discours, un terme qu'elle souhaite placer au coeur de son action : "Je veux qu'ensemble nous redonnions un sens et une vertu au mot 'compromis' depuis trop longtemps oublié dans notre vie politique." Là est la clé selon elle afin "d'entrer dans l'ère des forces qui bâtissent ensemble" :
Sa méthode serait donc bien celle de l'ouverture, avec un pas vers les oppositions : "Nous sommes prêts à entendre les propositions de chacun [...] et à amender notre projet", a-t-elle affirmé. Une philosophie qui pourrait trouver son premier cas pratique avec le projet de loi sur le pouvoir d'achat, présenté jeudi en Conseil des ministres et dont elle a rappelé les principales mesures.
Au passage, Elisabeth Borne a confirmé que le "conseil national de la refondation", programmé au lendemain des législatives par l'Elysée, puis décalé sine die, devrait finalement bien se concrétiser. Transpartisan, il aurait notamment pour mission de "réfléchir à l'avenir de nos institutions".
Dans un exercice qui peut vite virer au simple catalogue des mesures prévues par l'exécutif, Elisabeth Borne a tenté de fendre l'armure en dressant son propre portrait, qui ne correspond "peut-être pas au portrait-robot que certains attendaient" :
"Je n'ai pas le complexe de la femme providentielle. J'ai été ingénieure, femme d'entreprise, préfète, ministre. Mon parcours n'a suivi qu'un fil rouge : servir !" Elisabeth Borne
Assurant ne pas être une femme de "grandes phrases, ni de petits mots", elle a aussi inscrit ses pas dans ceux des pionnières en politique, et notamment ceux d'Edith Cresson, première femme à prendre la tête de Matignon : "Je sais comme toute femme sur ces bancs ce que je dois à celles qui ont ouvert le chemin et le combat continuera."
Parmi les chantiers à hauts risques que compte ouvrir la cheffe du gouvernement, le recul de l'âge de départ à la retraite figure bien sur la feuille de route du gouvernement. "Nous devons travaillons progressivement un peu plus longtemps", a confirmé Elisabeth Borne, sans donner de nouvel âge de départ, alors qu'Emmanuel Macron avait un temps évoqué 65 ans, puis 64 ans.
Autre mesure présidentielle, la solidarité à la source a aussi été évoquée. Censé permettre le versement des allocations directement à leurs bénéficiaires et sans démarche particulière, ce pendant de l'impôt à la source doit permettre la simplification des prestations sociales tout en limitant la fraude.
Côté fiscalité, la locataire de Matignon a poursuivi la ligne promue sous le quinquennat précédent : "Pas de hausse d'impôts." Quelques baisses sont même confirmées : pour les ménages, la suppression de la redevance audiovisuelle dès cette année et, pour les entreprises, en 2023, une nouvelle baisse des impôts de production à hauteur de 8 milliards d'euros.
Sur l'écologie, la Première ministre promet rien de moinsque de "gagner la bataille pour le climat", en "accélérant sur la réduction des gaz à effet de serre". Pour sortir des énergies fossiles, elle met en avant la hausse inexorable à terme des tarifs des énergies renouvelables, mais aussi et surtout sur la relance de la filière nucléaire. Cela passera par la renationalisation d'EDF à 100%, a-t-elle annoncé. Le principal opérateur énergétique français retournerait donc dans le giron de l'Etat, un enjeu de "souveraineté énergétique" à l'heure de la guerre en Ukraine et les tensions sur l’approvisionnement de l'Europe en gaz russe.
La plupart des autres sujets ont été passés en revue, à commencer par la santé à l'heure de la septième vague de Covid-19. Mais l'hommage aux soignants d'Elisabeth Borne, à qui elle promet des "réponses structurantes" sur le long terme, a été perturbé par des claquements de pupitre du côté de la gauche de l'hémicycle.
La Première ministre a, par ailleurs, confirmé la volonté du gouvernement de réformer l'allocation adultes handicapés, afin de la calculer de façon individuelle, c'est-à-dire sans tenir compte des revenus du conjoint. "Mon gouvernement réformera, avec vous, avec les associations, l'Allocation adultes handicapé. (...). Nous partirons du principe de la déconjugalisation", a-t-elle promis.
Côté éducation nationale, la revalorisation du traitement des professeurs a été confirmé, sans plus de détails sur les montants en jeu. La différenciation entre les établissements, évoquée par Emmanuel Macron lors de la présidentielle, est toujours sur la table. Les collégiens pourront bénéficier dès la sixième du pass culture, alors que ce chéquier virtuel pour acheter produits et services culturels n'est ouvert aujourd'hui qu'aux 15-18 ans.
Les tribunaux devraient voir eux aussi leurs moyens renforcer. Une prochaine loi de programmation de la justice fixera l'objectif de recruter "8500 magistrats et personnels de justice supplémentaires".
Enfin, avant de rendre hommage aux soldats français, la Première ministre a donné un coup de griffe aux élus de La France insoumise, accusés d'entretenir le ressentiment contre les forces de l'ordre :
L'occasion aussi pour l'ancienne préfète de Poitou-Charentes d'annoncer une future loi sur la sécurité.
Première députée de l'opposition à prendre la parole à la tribune, Marine Le Pen a déroulé un réquisitoire contre Emmanuel Macron, coupable selon elle de ne pas avoir tiré les conséquences des élections législatives. "Il se met en scène en sauveur du monde, comme si l'exercice du pouvoir pouvait se réduire à une bande-annonce Netflix", a lancé la présidente du groupe Rassemblement national.
"Compte tenu du résultats des élections, votre nomination ne relève pas d'une décision de grande politique, mais d'un scénario devenu obsolète", lance @MLP_officiel à Élisabeth Borne. Le maintien de la Première ministre à son poste est une "provocation politique".#DirectAN pic.twitter.com/F6kGArrOZZ
— LCP (@LCP) July 6, 2022
Selon elle, le maintien d'Elisabeth Borne à son poste malgré le score obtenu par la coalition présidentielle aux législatives relève de la "provocation politique". Idem concernant le reste du gouvernement : "Le pays voulait davantage de sécurité, il reconduit Eric Dupond-Moretti. Il s'inquiétait du malaise dans la police [...] et il confirme Gérald Darmanin", a-t-elle poursuivi, brocardant ensuite le ministre de la Santé, François Braun, et qualifiant de "wokiste" le ministre de l'Education, Pap NDiaye.
Marine Le Pen a profité de l'occasion pour détailler les intentions de son groupe pour la législature qui commence. Elle a promis que les 89 députés du RN ne resteraient pas dans l'obstruction, mais formeraient une opposition force de proposition, sans s'abaisser aux "vaines et venimeuses agitations partisanes". Méfiance à l'égard de l'UE, sécurité, éducation, économie... La députée a déroulé les thèmes que défendront les élus de son groupe au cours des années à venir.
Sur une ligne politique très différente, mais très offensive elle aussi, Mathilde Panot a rappelé le dépôt d'une motion de censure déposée par la Nupes contre le gouvernement. La présidente du groupe La France insoumise a accusé Elisabeth Borne de s'être défilée en refusant de se soumettre au vote de confiance. "Vous avez piétiné le vote des Français", a jugé l'élue.
.@MathildePanot accuse les députés d'Ensemble (Renaissance, MoDem, Horizons) de "s'être livrés à toutes sortes de combines" et "d'avoir élus deux membres d'un parti fondé par des SS comme vice-présidents de l'Assemblée".#DirectAN pic.twitter.com/PPyEZOH2PY
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Comme la semaine dernière, Mathilde Panot a également fustigé le choix de la majorité présidentielle de faire participer le Rassemblement national à la vie de l'Assemblée nationale, fustigeant notamment l'élection de deux de leurs députés à la vice-présidence du Palais-Bourbon. "Plutôt la peste brune que le contrôle fiscal", a-t-elle attaqué.
Puis, à son tour, Mathilde Panot a mis en avant la feuille de la route de la Nupes que l'intergroupe de gauche a commencé à dévoiler cette semaine. Smic à 1 500 euros nets, blocage des prix sur un panier de produits de première nécessité, dégel du point d'indice des fonctionnaires, revalorisation des aides au logement... Un programme en réponse au "dépôt de bilan d'Emmanuel Macron", a-t-elle lancé.
Dans la droite lignée du discours qu'il tient depuis son élection à la présidence du groupe Les Républicains, Olivier Marleix a refusé "toute compromission ou petits arrangements" avec le camp présidentiel. Lui aussi critique à l'égard de la politique menée par l'exécutif, il s'est toutefois dit opposé à tout "blocage stérile" de l'Assemblée nationale.
Selon @oliviermarleix, les LR sont "prêts à voter tous les textes qui iront dans le sens du sursaut national" : "pouvoir d'achat par le travail", "sanction des délinquants" ou "accès à la santé".#DirectAN pic.twitter.com/TYBlx66RY9
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"Nous sommes prêts à voter tous les textes qui iront dans le sens du sursaut national", a indiqué le député. Sous-entendu : tous ceux qui se rapprocheront de la ligne politique de la droite parlementaire. Ceux qui renforcent le pouvoir d'achat des Français en valorisant la valeur du travail, qui sanctionnent davantage la délinquance via des peines "exemplaires", ou qui favorisent l'accès à la santé. Olivier Marleix a également mis en garde contre des mesures "d'écologie punitive" et a réclamé davantage de places de prison, le plafonnement de l'immigration, et la diminution du nombre de fonctionnaires dans les administrations centrales, créés selon lui au détriment des services publics pour les Français.