Les députés ont entamé, mardi 11 avril, l'examen de la proposition de loi "portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir". À l'initiative de la majorité, elle vise notamment, selon ses rapporteures, à "mettre en place une stratégie ambitieuse de prévention de la perte d'autonomie", tandis que les oppositions dénoncent "une coquille vide".
Alors que les oppositions fustigent régulièrement l'abandon d'une réforme d'envergure dédiée au grand âge maintes fois évoquée par l'exécutif, la majorité présente cette semaine une proposition de loi visant à "bâtir la société du bien vieillir en France". Conscient des enjeux et des attentes sur le sujet, le gouvernement a préalablement indiqué que le texte, dont l'examen a commencé mardi 11 avril au soir dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, s'inscrivait dans un "plan d'action" plus large, qui devrait être dévoilé avant l'été et qui sera notamment intégré au prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
En préambule des débats, la co-rapporteure, Laurence Cristol (Renaissance), a tenté de désamorcer les critiques attendues sur sa proposition de loi : "Cette proposition de loi n'est pas un projet de loi gouvernemental, et n'épuisera pas tous les sujets", a-t-elle reconnu, faisant référence en particulier aux aspects de gouvernance et de financement.
Au-delà de l'isolement social des personnes vulnérables, que le texte se propose de contrer par une politique de l''"aller vers", sa co-rapporteure Annie Vidal (Renaissance) a souligné parmi ses priorités "la promotion de la bien-traitance", au travers de la création d'une instance "dédiée au recueil, au traitement et au suivi des signalements", ainsi que le renforcement du droit à une vie privée et familiale, "notamment le droit de visite des résidents, si nécessaire à leur bien-être".
L'espérance de vie en bonne santé des Français est aujourd'hui inférieure à la moyenne européenne, cela n'est pas acceptable. Laurence Cristol (Renaissance)
Constatant la stagnation de l'espérance de vie en bonne santé, Laurence Cristol a revendiqué un texte ne constituant "qu'une étape", "mais une étape indispensable à la construction d'une politique du bien vieillir". Annie Vidal (Renaissance), a pour sa part évoqué "une première pierre, indispensable, en parallèle et en cohérence avec les travaux du CNR, et en amont de la stratégie ministérielle qui sera déclinée dans la feuille de route que présentera le ministre prochainement".
Et de fait, le Conseil national de la refondation (CNR) relatif au "bien vieillir", dont les travaux ont débuté en octobre, a été plusieurs fois cité à la tribune par le ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, Jean-Christophe Combe. Après avoir rappelé la création de la 5ème branche de la Sécurité sociale consacrée à l'autonomie durant le précédent quinquennat, le ministre a évoqué une "réforme continue que nous devons mener ensemble". Il a ainsi voulu voir dans le texte proposé la traduction, au-delà des problématiques médico-sociales, d''"un pas sociétal", visant à privilégier le "vieillir à domicile", et à mener "une lutte déterminée contre les maltraitances et pour les droits des personnes".
"Certains voudraient un grand soir du grand âge, et une promesse à 17 milliards d'euros", a regretté Jean-Christophe Combe, jugeant cette trajectoire peu "crédible", et vantant au travers de la proposition de loi de la majorité une "approche de bon sens, pragmatique, permettant d'avancer sur des questions sociétales dès cette semaine, et sur des trajectoires financières et pluriannuelles en loi de financement de la Sécurité sociale".
Des arguments qui n'ont pas suffi à convaincre les groupes d'opposition de la Nupes et Les Républicains. Une motion de rejet préalable du texte, présentée par Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine), a ainsi été soutenue de manière transpartisane. Présentée comme "un appel à avoir du courage", la motion de rejet avait pour objectif revendiqué d'inciter le gouvernement à permettre aux parlementaires de "légiférer en grand". "Nous ne pouvons plus nous contenter de premiers jalons d'une hypothétique loi d'envergure", a estimé Yannick Monnet.
Le député communiste a également exprimé ses profondes réserves quant à la méthode choisie, au travers d'un texte ayant vocation à être enrichi par des amendements du gouvernement et au regard des conclusions du CNR, dont il a souligné qu'il était "piloté par le ministre".
"Nous sommes réunis ce soir pour examiner les débris de vos promesses", a déclaré Hadrien Clouet (La France insoumise) à l'adresse de l'exécutif et en soutien de la motion. Il a aussi évoqué un texte "qui s'adresse à celles et ceux qui sont déjà autonomes", avant d'opérer un lien entre l'augmentation de l'espérance de vie en bonne santé, que l'une des co-rapporteures avait appelé de ses vœux, et le retrait de la réforme des retraites.
"Cela fait six ans maintenant que nous attendons qu'Emmanuel Macron tienne sa promesse", a pour sa part déploré Josiane Corneloup (Les Républicains) "Cette proposition de loi est une coquille vide, un coup de communication à peu de frais pour la majorité", a-t-elle aussi affirmé avant de rappeler la décision de Monique Iborra (Renaissance) de quitter son poste de co-rapporteure de la proposition de loi à la veille de son examen en commission, évoquant sur Twitter un texte "pas satisfaisant", "ne traitant pas le fond mais seulement la forme".
Jérôme Guedj (Socialistes), qui a lui-même déposé une proposition de loi "visant à garantir le droit à vieillir dans la dignité et préparer la société au vieillissement", a critiqué dans le texte de la majorité ce qu'il a qualifié d'"absence de volonté politique et de courage", et dénoncé la "procrastination gouvernementale" quant à la loi grand âge dont le député a proposé qu'elle puisse faire l'objet d'un engagement transpartisan.
Si Laurent Panifous (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) a fait part de sa "frustration" et de sa "déception" à l'égard d'un texte "minimaliste", il en a admis "certaines avancées", et indiqué que le groupe LIOT s'abstiendrait majoritairement lors du vote concernant la motion de rejet préalable.
Egalement critique envers la proposition de loi, le Rassemblement national a cependant indiqué qu'il souhaitait examiner le texte et qu'il voterait donc contre la motion de rejet. Sandrine Dogor-Such (RN) a expliqué cette décision par la présence d'un "droit opposable aux visites pour les patients et résidents en EHPAD" dans la proposition de loi. Une disposition qu'elle a qualifié d'"avancée majeure", soulignant que cette idée avait été portée par Marine Le Pen lors de la dernière campagne présidentielle.
Ce texte mérite d'être examiné. Le RN souhaite en discuter, et remercie la représentation nationale d'avoir repris l'une des propositions du programme présidentiel de Marine Le Pen. Sandrine Dogor-Such (RN)
L'addition des voix des députés de la Nupes et de celles des Républicains n'ayant pas suffi à faire adopter la motion de rejet (repoussée par 166 votes "contre", face à 141 votes "pour"), l'examen de la proposition a pu commencer et se poursuivra mercredi et jeudi dans l'hémicycle de l'Assemblée.