"Bassines" : entre écologie et modèle agricole français, deux visions irréconciliables ?

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 Audition sur les bassines en commission du développement durable - 24 mai 2023
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 24 mai 2023 à 18:54, mis à jour le Jeudi 25 mai 2023 à 10:32

La commission du développement durable de l'Assemblée nationale a auditionné, mercredi 24 mai, le président des Chambres d'agriculture de France, ainsi que des représentants de France Nature Environnement. Sur fond de débat autour des "bassines", les deux parties ont défendu des conceptions radicalement opposées sur la gestion de la ressource en eau. 

Ce sont deux visions irréconciliables qui se sont affrontées, mercredi 24 mai, devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale qui se penche, depuis plusieurs semaines, sur le sujet clivant des "bassines" d'irrigation agricole.

D'un côté, le vice-président de France Nature Environnement (FNE), Antoine Gatet, a souhaité tordre le bras à ce qu'il estime relever d'un grand malentendu : "Ce n'est pas l'agriculture contre les écolos (...) On travaille très bien avec tout un monde agricole qui travaille avec la nature, qui sont les maraîchers, qui ne sont pas de l'agriculture irriguée". Antoine Gatet a ainsi voulu souligner que l'agriculture française n'était pas "homogène", celle générant des retenues d'eau relevant d'un modèle dominant, mais selon lui dépassable.

Face à lui, le président des Chambres d’agriculture au niveau national, Sébastien Windsor, a souhaité faire une remarque d'ordre sémantique : "J'aurais aimé, pour rester dans un cadre serein, que l'on n'appelle peut-être pas cette audition comme relevant du thème des "bassines", mais du thème du stockage de l'eau" a-t-il indiqué, considérant que le terme de "bassines" était trop "connoté".

Modèle agricole et souveraineté alimentaire

Principal argument développé par Sébastien Windsor pour défendre la pratique des retenues d'eau, celui de la possibilité de produire des denrées agricoles sur notre sol, à une échelle suffisante pour pouvoir nourrir le plus grand nombre. "Quand on est dans les Pyrénées-Orientales, si on veut utiliser zéro eau il faut cultiver des cactus, mais il n'y a pas beaucoup de clients pour les acheter", a-t-il aussi déclaré, avant d'évoquer l'alternative consistant à consommer des fruits et légumes cultivés par-delà nos frontières.

Un argument battu en brèche par les représentants de France Nature Environnement, qui ont fait valoir que les maraîchers et arboriculteurs locaux faisaient un usage raisonné de l'eau, au contraire des cultures intensives, le maïs représentant par exemple 20% de la consommation de la ressource hydrique pour l'agriculture. Autre chiffre cité par Alexis Guipart, membre du réseau "eau" de FNE : en 10 ans, la surface agricole irriguée aurait progressé de 14 % à l'échelle de la métropole.

Le président des Chambres d'agriculture a, par ailleurs, précisé que les "réserves" d'eau répondaient à des cadres très stricts, s'avérant fréquemment des substituts au prélèvement dans les nappes, et non un moyen de stocker toujours plus d'eau. Il a également expliqué que les agriculteurs prélevaient le plus possible en hiver, évitant les périodes à haut risque de sécheresse.

La sécheresse, facteur "aggravant" d'une mauvaise gestion structurelle

Bien que particulièrement présents dans l'actualité, Antoine Gatet a souligné que les conflits générés par les bassines, mais aussi les barrages d’irrigation, n'en étaient pas moins un "sujet ancien". "La sécheresse n’est qu’un aggravateur de ce problème global de gestion structurelle de l’eau", a-t-il aussi déclaré, faisant une nouvelle fois référence au modèle agricole dominant. Alexis Guipart a pour sa part qualifié l'idée commune de niveaux d'eau surabondants en hiver, comme relevant d'"une vue de l’esprit".

L’État ne joue pas son rôle de garant de la défense de l’intérêt général. Antoine Gatet, vice-président de France Nature Environnement

"J'aimerais que ce débat nous sorte d'une logique extractiviste afin de protéger nos paysans et paysannes des effets du changement climatique, et d'accompagner la transition de notre agriculture vers l'agroécologie, seule réponse viable à long terme", a réagi la députée Lisa Belluco (Ecologiste), présente à Sainte-Soline lors des mobilisations anti-bassines d'octobre et mars derniers. Du côté de la majorité, Henri Alfandari (Horizons) a évoqué des bassines "utiles" pour les impératifs agricoles. "Est-ce que c'est idéal pour le rechargement des nappes ? Certainement pas puisque cela ne permet pas à l'eau de percoler", a-t-il cependant admis, avant d'envisager la piste du dessalement de l'eau de mer pour "des usages spécifiques".