La journée d'initiative parlementaire de La France insoumise aura lieu cette semaine, jeudi 30 novembre. Après avoir été, presque toutes, rejetées ou réécrites en commission la semaine dernière, les propositions du groupe présidé par Mathilde Panot vont être débattues dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
"Faire écho aux nombreuses luttes qui se passent dans le pays" : tel est l'objectif que Mathilde Panot a assigné à la journée d'initiative parlementaire de La France insoumise, qui aura lieu jeudi 30 novembre à l'Assemblée nationale, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue au début du mois.
Réforme des retraites, constitutionnalisation de l'IVG, pouvoir d'achat, logement... A travers les onze textes présentés initialement, les députés LFI voulaient à la fois - comme c'est toujours le cas dans le cadre des "niches" parlementaires des groupes d'opposition - mettre en avant leurs priorités sur des sujets de fond et tenter d'obtenir des victoires politiques contre le gouvernement. Toutes les propositions présentées en commission mardi 21 et mercredi 22 novembre ont cependant été rejetées, ne trouvant pas suffisamment de soutien parmi les autres oppositions, ou largement réécrites. Ces textes sont néanmoins inscrits à l'ordre du jour de l'hémicycle, ou il seront débattus dans la limite du temps imparti (de 9h à minuit), pour la journée du 30 novembre.
Outre les textes qui n'ont pas passé le stade de la commission, deux autres propositions de loi ont été retirées de la niche du groupe LFI. La première visait à relancer le débat sur la réforme des retraites avec un texte d'abrogation du report de l'âge légal de départ à 64 ans, la seconde portait sur l'inscription de l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution.
Mais la proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites a été frappé d'irrecevabilité financière, au titre de l'article 40 de la Constitution, il y a deux semaines, par le bureau de l'Assemblée nationale.
S'agissant de la constitutionnalisation de l'IVG, c'est la présidente des députés insoumis qui a décidé de retirer la proposition après l'annonce par Emmanuel Macron, lors des dernières "Rencontres de Saint-Denis", du dépôt d'un projet de loi constitutionnel sur sujet, le 13 décembre prochain, en Conseil des ministres. Utiliser un projet de loi comme véhicule législatif permettra d'effectuer cette réforme de la Constitution par la voie d'un Congrès (députés et sénateurs réunis à Versailles), alors qu'une proposition de loi aurait nécessité un référendum.
Très critique de la politique économique du gouvernement, notamment durant les récents débats budgétaires, La France insoumise compte utiliser sa journée d'initiative pour déployer plusieurs propositions d'ordre économique et social avec quatre textes portant respectivement sur la lutte contre l'inflation, l'indexation des salaires, la crise du logement affectant les jeunes, ainsi que sur la déconjugalisation de l'allocation de soutien familial.
En matière d'inflation, le texte porté par Manuel Bompard prévoit de "lutter contre l'inflation par l'encadrement des marges", particulièrement celles des "industries agroalimentaires, du raffinage et de la grande distribution", et en établissant un "prix d'achat plancher des matières premières agricoles". Lors des débats en commission, Alexis Izard (Renaissance) a critiqué un texte qui "limitera le développement économique" tandis que Julien Dive (Les Républicains) a jugé que le texte "[voulait] tuer un moustique avec un bazooka". Finalement, la proposition de loi a été adoptée en commission, mais après avoir été réécrite en profondeur, au point que Manuel Bompard a indiqué sa décision de voter contre cette version de son texte.
La proposition de loi visant à "indexer les salaires sur l'inflation", présentée par Alma Dufour, ainsi que celle visant à "répondre à la crise du logement chez les jeunes", portée par François Piquemal, tout comme celle proposant "déconjugaliser l'allocation de soutien familial", d'Hadrien Clouet, ont quant à elles toutes été rejetées.
La proposition de résolution tendant à la "création d’une commission d'enquête sur la gestion par l’État des risques naturels majeurs dans les territoires transocéaniques de France, dits d’Outre-mer" portée par Jean-Philippe Nilor a, en revanche, été validée en commission, tandis que -comme c'est la règle pour ce type de texte - la proposition de résolution visant à "s'opposer à la ratification de l'accord de libre-échange et d'association entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, et à soumettre sa ratification au Parlement français" sera uniquement examinée dans l'hémicycle.
Examinée en commission des lois, la proposition de loi visant "à abroger l’article L. 435‑1 du code de la sécurité intérieure", portée par Thomas Portes, a sans surprise suscité les habituels clivages, son unique article proposant de revenir sur la loi dite "Cazeneuve" de 2017 qui a réformé les règles d'usage de leur arme de service par les policiers, particulièrement critiquée lors de la mort de Nahel, qui s'applique notamment en cas de refus d'obtempérer lors d'un contrôle routier "Cette évolution constitue l'une des dérives qui caractérise l'institution policière", a affirmé Thomas Portes, avant d'indiquer que le nombre de tirs mortels multiplié par près de cinq depuis sa promulgation. "La légitime défense doit être la même pour tous les citoyens", a-t-il considéré.
"Pour vous, les cibles, ce sont les policiers. Vous cherchez des boucs-émissaires", a réagi Thomas Rudigoz (Renaissance). "Ce texte installe l'idée pernicieuse que les forces de l'ordre bénéficient d'un permis de tuer", a critiqué Mathilde Desjonquères (Démocrate). Outre la majorité présidentielle, le groupe Les Républicains et celui du Rassemblement national ont, eux aussi, fustigé la proposition de loi. Même Roger Vicot (Socialistes) s'est étonné de la "temporalité" du texte, alors qu'une mission d'information sur la hausse des refus d'obtempérer et l'usage des armes à feu a été lancée en octobre par la commission des lois. Finalement, plusieurs amendements de suppression de l'article unique ont été adoptés.
Moins clivant, la proposition de loi tendant à "la réouverture des accueils physiques dans les services publics", portée par Danièle Obono, n'en a pas moins été rejetée en commission. Son objet est de garantir aux usagers des services publics, s'ils le souhaitent, que toute démarche administrative puisse être réalisée de manière non dématérialisée. "Cette dématérialisation à marche forcée met à mal les fondements mêmes de nos services publics", a déploré la députée LFI, soulignant qu'elle laissait sur le côté des millions d'usagers sans connexion Internet ou peu à l'aise avec les démarches en ligne.
Les députés de l'ensemble des groupes ont reconnu l'existence de difficultés quant à l'utilisation des outils électroniques. Soutenu par le Rassemblement national, le texte a en revanché été critiqué par la majorité présidentielle, qui a pointé son caractère anachronique. "Le numérique est un moyen de simplification, il va de pair avec les guichets physiques", a souligné Guillaume Gouffier Valente (Renaissance), qui a rappelé le déploiement de quelque 2 600 points d'accueil "France services" depuis 2019 : "99 % des Français sont à moins de 30 minutes d'une maison France services", a-t-il indiqué.
La proposition de loi "visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des mega-bassines" - un type de retenue d'eau utilisée à des fins agricoles - fait également partie des textes n'ayant pas franchi le stade de la commission, en l'occurrence celle du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Alors que la rapporteure du texte, Clémence Guetté, a défendu la nécessité d'un moratoire de dix ans sur les projets de méga-bassines, une "solution de court-terme", "pas durable" et incitant à la "surconsommation" de la ressource en eau, cette proposition a été vivement critiqué par Philippe Schreck (Rassemblement national) : "Vous voulez attendre dix ans et ne rien faire". Un texte également critiqué par Laurence Heydel Grillere (Renaissance) qui a déploré une "vision idéologique et réductrice" ne permettant pas de "sécuriser l'approvisionnement en eau".
Propositions de loi et propositions de résolution inscrites à l'ordre du jour de la journée d'initiative parlementaire du groupe de La France insoumise, jeudi 30 novembre:
Proposition de résolution "tendant à la création d’une commission d’enquête sur la gestion par l’État des risques naturels majeurs dans les territoires transocéaniques de France, dits d’Outre-mer" - adoptée ;
Proposition de loi "visant à lutter contre l’inflation par l’encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage et de la grande distribution et établissant un prix d’achat plancher des matières premières agricoles" - adoptée mais fortement remaniée par la commission des affaires économiques ;
Proposition de loi "visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des méga-bassines" - rejetée en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire ;
Proposition de résolution "visant à s'opposer à la ratification de l'accord de libre-échange et d'association entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, et à soumettre sa ratification au Parlement français" - examinée seulement en séance publique ;
Proposition de loi "tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics" - rejetée en commission des lois ;
Proposition de loi "visant à abroger l’article L. 435‑1 du code de la sécurité intérieure" - rejetée en commission des lois ;
Proposition de loi "visant à indexer les salaires sur l'inflation" - rejetée en commission des affaires sociales ;
Proposition de loi "visant à déconjugaliser l’allocation de soutien familial" - rejetée en commission des affaires sociales ;
Proposition de loi "visant à répondre à la crise du logement chez les jeunes" - rejetée en commission des affaires économiques.