Attentat à la prison de Condé-sur-Sarthe : Nicole Belloubet envisage une palpation "systématique" des visiteurs de détenus dangereux

Actualité
par Vincent Kranen, le Mardi 30 avril 2019 à 18:05, mis à jour le Mardi 20 octobre 2020 à 21:19

La ministre de la Justice est venue présenter, mardi à l'Assemblée nationale, les conclusions du rapport de l'inspection générale de la Justice, lancé suite à l'attentat de la prison de Condé-sur-Sarthe dans l'Orne. Un détenu radicalisé avait poignardé deux surveillants de prison grâce à un couteau en céramique apporté par sa compagne venue lui rendre visite.

L'idée risque de faire bondir les avocats de certains détenus. Devant les députés, la garde des Sceaux Nicole Belloubet s'est déclarée favorable à une systématisation des palpations et des fouilles pour les visiteurs des détenus dangereux incarcérés dans les prisons françaises. La ministre envisage même de prendre une circulaire d'ici la fin mai. Une idée suscitée par l'attentat du 5 mars dernier, au centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe (Orne), une des deux prisons les plus sécurisées de France, où deux surveillants ont été pourtant poignardés par un détenu radicalisé. Sa compagne avait frauduleusement introduit un couteau dans l'unité de vie familiale.

Des palpations non pratiquées par peur des recours judiciaires ?

La ministre de la Justice a défendu la nécessité d'une clarification de la réglementation des fouilles et des palpations pour les proches des détenus en visite dans les établissements pénitentiaires. En effet, les recours judiciaires lancés par les avocats des détenus provoqueraient une guérilla judiciaire qui inhiberait, selon l'inspection générale de la Justice, les pratiques de sécurité des agents pénitentiaires. "Le rapport pointe une crainte diffuse et partagée des recours juridiques qui amènent les agents de notre administration à avoir une gestion plus normative qu'opérationnelle des situations", explique Nicole Belloubet. Une pratique problématique, particulièrement avec des détenus potentiellement dangereux. L'auteur de l'attentat était classé comme un "détenu de droit commun susceptible de radicalisation" et non comme un détenu "terroriste islamiste". Une distinction qui empêche, selon la ministre, une bonne gestion de ces individus.

Communication défaillante entre le renseignement pénitentiaire et l'administration pénitentiaire

"Chacun disposait des informations mais il y avait une circulation de l'information qui n'était pas parfaite." Un euphémisme de Nicole Belloubet pour pointer devant les députés le manque de communication entre les services pénitentiaires. Elle a annoncé une "doctrine repensée du renseignement pénitentiaire" avec la mise en place, notamment, d'une procédure d'échange d'informations entre les deux entités. La ministre a en effet révélé que le directeur de la prison et le renseignement pénitentiaire disposaient d'informations importantes sur le détenu Michaël Chiolo mais que personne n'a pu agir, chacun attendant une action de l'autre. "L'attente réciproque de l'autre va en quelque sorte provoquer l'inaction", a résumé la garde des Sceaux.

Des députés de droite demandent le retrait de certains objets dangereux dans les cellules

Malgré la grande dangerosité des détenus de la prison de Condé-sur-Sarthe, certains d'entre eux disposent, dans leurs cellules, de plaques électriques chauffantes. Un objet qui a pu servir à des prisonniers pour l'envoyer sur les surveillants venus leur donner leurs repas, comme ont pu le constater des journalistes de France 3 en visite dans la prison. De même, le député Les Républicains Xavier Breton a pointé l'absence de caméras de vidéosurveillance dans les unités de vie familiale. Une intimité préservée pour les détenus mais à double tranchant : les surveillants se retrouvent alors bien souvent "nez à nez" avec des détenus qui ont passé un moment hors de tout contrôle.

Des problèmes qui devraient, pour partie, trouver une solution par l'achat de nouveaux matériels. La ministre Nicole Belloubet a annoncé la mise en place de portails à ondes millimétriques, de même que des tubes à rayons X pour les camions transitant par les prisons. L'ensemble des fonctionnaires des prisons vont également bénéficier de tenues pare-coups et de gilets pare-lames, à Condé-sur-Sarthe d'ici la fin du mois, et sur tout le territoire, d'ici la fin de l'année.